Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 14.djvu/8

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FER par les Portugais comme l’un des fondateurs de leur littérature et comme un auteur éminemment classique. Quand la plupart des littérateurs de son temps préféraient encore exprimer leurs pensées dans la langue des Latins ou des Espagnols, il s’el’força de perfectionner la langue de sa patrie en y faisant passer les beautés des anciens. Il fut heureux dans ses efforts et parvint à faire ümer à ses compatriotes la langue portugaise. Aussi mérite-t-il qu’on lui décernàt le beau titre de poëte national. Les ouvrages de Ferreira sont écrits avec une admirable pureté. À la vérité, il leur manque cet enthousiasme, cet entraînement sans lesquels il n’y a guère de poésie ; mais ils ofùent sans cesse le mélange heureux de la perfection du style et de la grandeur des idées. Admlrateur passionné d’Horace, qu’il imita sans cesse, il a rejeté ces formes orientales et toutes ces hyperboles ambitieuses depuis longtemps introduises dans les langues portugaise et espagnole. Ferreira s’est exercé dans le genre comique et tragique. De plus, ll a composé un grand nombre d’épîtres, d’odes, de sonnets, d’élégies et de pastorales. Ses épîtres sont la partie la plus considérable de ses œuvres diverses. Elles font voir en lui un observateur attentif et réfléchi, qui vécut au sein des sociétés brillantes et qui les connut bien. Ses odes rappellent trop fréquemment les pensées du lyrique latin ; mais elles méritent des éloges sous le rapport de l’expression et des nouvelles formes qu’il y introduisit. On reproche justement à Ferreira de ne pas laisser assez parler son cœur dans ses élégies ; on voit trop souvent qu’elles lui ont été inspirées par un nom illustre. Néanmoins, telles qu’elles sont, elles offrent une preuve nouvelle de son talent. Il montre dans ses sonnets qu’il a étudié les Italiens ; et dans ses poésies bucoliques, qu’il les a plutôt écrites pour imiter ses contemporains que pour satisfaire un besoin d’exprimer ses idées mélancoliques et tendres. Le théâtre de Ferreira lui donne de justes droits à la reconnaissance de sa nation et à l’estime des gens éclairés ; car ll est deux de ses pièces où il montre souvent la puissance d’un génie créateur. Nous voulons parler de sa comédie du Jaloua : et de sa tragédie d’11sé : Cairo. Le Jaloua : est la première comédie de caractère qui ait paru en Portugal et peut-être en Europe. C’est une imitation assez naïve des anciens. Ferreira y prouve d’une manière gaie et originale un vice reproché surtout à ses compatriotes et aux Espagnols. Les erreurs de la jalousie, ses extravagances et ses ridicules précautions lui ont inspiré des plaisanteries qu’aujourd’hui nous jugerions peut-être dignes de flatter les goûts du peuple ; mais, pour être juste envers un homme, il faut toujours le juger d’après l’esprit du temps où il vécut. Il faut se souvenir aussi qui l’époquo où Ferreira écrivait sa comédie, il avait i égayer des hommes pour qui l’exagération était un imam, stella : qulla galetérlégénéralt

FEB 3 souvent en licence. Le comédie du Jnloew n’est pas une composition régulière ; elle est de plus assos faiblement exécutée ; mais l’ldée en est forte, et l’on y trouve, outre un style pur, des détails piquants et amusants. Nous allons citer un fragment de cette comédie qui donnera une idée de la manière de notre poëte. C’est le jaloux (Julio) qui parle ; bien qu’il ait quitté sa femme, il est plus que jamais tourmenté par sa maudite passion : « Ah l que de peines il m’en coute pour sortir de cette maison ! Mon corps va dans les rues, et mon ame reste en sentinelle aux fenêtres. Ce qui me fait porter le plus envie aux rois et aux princes, c’est qu’ils sont assez heureux pour que les gens d’al ?ires et les gassedemps viennent les trouver ans leurs ablations. Si je ne craignais d’lntrodulre une coutume } « étrange, je fermerais les portes et je ferais } n « mettre câtâelques traverses à ces fenêtres ; mais, n à cause s sots, ll faut que cela reste comme v « cela est. Je ne garderai pas comme mon trésor v mon honneur et ma renommée ! ils en rient, les aveugles ! ils ne volent pas quelle différence ll y a entre une femme et une bourse : ils meurent pour un peu d’or trouvé dans la terre ; ils creusent pour l’obtenir ; lls le cachent ; lls veillent sur lui ; ils le gardent comme des reliques et ne se permettent pas même d’y toucher ; et la femme, qui est bien un autre trésor, ils l’abandonnent, ils la dédaignent, ils semblent l’olli-lr aux larrons ; ils appellent impertinent un homme d’esprit qui aime sa femme, qui est éperdument amoureux d’elle. Gens peu expérimentés dans les aûaires de ce monde, ces fausses idées n’entrent que dans votre maudite cervelle. Qui a parcouru les terres étrangères agira comme je le fais ! Oh ! que l’expérience est une bonne maîtresse ! C’est pour cela que cet auteur avait tant raison de dire que les gens d’esprit recevaient plus de profits des sots, que les sots des gens d’esprit. Les imprudents m’ont instruit, et je n’en trouve pas un seul qui veuille être instruit par mol. » Ferreira a composé une autre pièce intitulée Brute, · mais pour la marche, elle est de beaucoup inférieure à celle dont nous venons de parler. On a encore de lui plusieurs de ces petites pièces connues sous le nom de Fargo :. genre d’ouvrage où le sacré se trouve malé au profane, et ou li extravagance est rachetée par la natveté. Mais c’est surtout dans le genre tragique que Ferreira s’élève et qu’il etlltce tous ses rivaux. Ind : de Gastro, sujet sl propre à exalter l’ame d’un poëte, est la seconde tragédie régulière qu’on alt vue en Europe (1). Cet ouvrage, que Ferreira a empreint de tout Penthousiasme dont son ame était capable, est conduit et écrit avec une simplicité véritablement antlqns ; cependant ll a quelque chose au La première tragédie rsguutn est du au murs ; un en intitulé Soplioaubc, et elle ne parut que quelques années avant l’Inés de Ferreira.