Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 16.djvu/78

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lier. Il visitait autant que possible les fabriques dans lesquelles on préparait ou l’on employait en grand les produits dont il apprenait chaque jour à connaître les propriétés ; ce qui ne l’empêchait pas de faire marcher de front les diverses parties des sciences que renfermait le programme de l’école. Il trouvait même le temps de donner des leçons de mathématiques à plusieurs jeunes gens, afin d’ajouter chaque mois de petites sommes aux soixante francs qu’il touchait comme chef de brigade ; les élèves ordinaires ne recevant du gouvernement que trente francs par mois. Ses études purent ainsi se terminer sans qu’aucune charge nouvelle fût imposée à sa famille. À sa sortie de l’établissement, le 22 novembre 1800, il figura au premier rang parmi les élèves de l’école des ponts et chaussées. — Le 19e siècle allait donc s’ouvrir ; une volonté puissante allait présider aux destinées de la France. Toutes les grandes administrations s’organisaient et se développaient. Gay-Lussac, admis avec distinction dans l’une des plus importantes parties des services publics, ne se laisse pas séduire par la perspective d’une brillante carrière. Berthollet lui propose de rester avec lui à Arcueil pour l’aider dans ses travaux ; ses droits dans les ponts et chaussées devant d’ailleurs lui être conservés. Il accepte sur-le-champ cette modeste position, qui va lui procurer un guide pour les recherches auxquelles il pense déjà, et qui doit surtout mettre à sa disposition une riche collection d’instruments de physique et de chimie : chose fort rare alors, même dans les écoles du gouvernement. Il était né pour la science, et, fort heureusement dans cette circonstance, il ne fit pas défaut à sa vocation. La science véritable, comme celle qui convenait surtout à sa haute intelligence, n’avait pourtant pas encore en France mené ses adeptes à la fortune. Mais la fortune n’était pas le but principal de Gay-Lussac. Contribuer par des travaux particuliers, comme les Berthollet, les Monge, etc., aux progrès de nos connaissances, tel était presque depuis son entrée à l’école l’objet de ses plus intimes pensées. Aussi, lorsqu’en 1800 ou décida la création de la faculté des sciences de Paris, il n’accepta qu’à regret la chaire de physique qu’on lui fit offrir. « Ce nouvel enseignement, disait-il, par les travaux presque matériels qu’il va d’abord exiger de moi, absorbera toutes mes journées ; il me sera difficile, de longtemps, de contribuer avec efficacité aux progrès de la science à laquelle je me suis voué plus spécialement. » Il venait en effet d’être nommé professeur de chimie pratique à l’école polytechnique, par un décret du 31 mars 1809. Lorsqu’il hésitait ainsi à accepter une place qui doublait ses ressources, Gay-Lussac payait sur ses économies, dans une institution de Paris, la pension d’un de ses parents que le hasard rendit témoin de cette hésitation ; il faut dire aussi qu’il était déjà père de famille ; car, contrairement aux usages ordinaires, il s’était déjà marié en 1808, avant d’avoir acquis une position quelque peu importante. Mais il eut le bonheur de rencontrer, dans mademoiselle Joséphine Rogeot, une compagne qui, avec la beauté, possédait à un degré éminent les qualités du cœur et celles de l’esprit. Pendant plus de quarante ans elle a montré combien elle était digne d’associer son existence à celle du savant illustre qui lui conserva, jusqu’à sa dernière heure, le plus tendre et le plus profond attachement. — Tel était donc, encore jeune, l’homme dont Alexandre de Humboldt prédisait déjà l’illustration en 1806, dans sa Géographie des plantes. Nous allons passer rapidement en revue ses principaux travaux dans la physique proprement dite, dans la chimie générale et dans la chimie appliquée, en ajoutant quelques mots sur la position parlementaire qu’il dut prendre comme homme de science. — Le premier travail de Gay-Lussac avait pour objet un problème de physique des plus importants, à cause du grand nombre de circonstances où il est nécessaire d’avoir recours aux données qu’il s’agissait de déterminer. C’était les Recherches sur la dilatation du gaz et des vapeurs (1808). Après avoir présenté l’histoire détaillée des tentatives déjà faites pour cet objet, il attribue principalement les erreurs commises par ses devanciers à la présence de l’eau dans les appareils. Il ajoute que la difficulté de ce travail l’aurait empêché de s’y livrer, s’il n’y avait été fortement engagé par Bertholet, dont il est l’élève, et par Laplace, qui l’a plus d’une fois aidé de ses conseils. Il soumet d’abord à des expériences directes l’air atmosphérique, Yhydrogène, l’oxygène et l’azote, considérés comme insolubles dans l’eau. Son procédé consiste à chauffer le gaz dans un ballon convenablement disposé, jusqu’à ce qu’il ait acquis au milieu d’une étuve à eau la température de 100°, en en laissant sortir une partie, à mesure que la température s’élève, pour que la pression intérieure reste égale à celle de l’atmosphère.On ferme ensuite le ballon et on le refroidit soit avec de la glace, soit avec de l’eau à une température déterminée. Enfin, en l’ouvrant de nouveau, l’eau qui y remonte, ramenée au niveau convenable, représente le volume du gaz expulsé par la chaleur. C’est donc par une pesée qu’on détermine ce volume. Quant aux gaz solubles, Gay-Lussac emploie deux tubes gradués en même temps, sur le même bain de mercure ; il met dans l’un une certaine quantité d’air atmosphérique et dans l’autre un des gaz solubles occupant le même nombre de divisions ; les deux tubes placés ainsi sur le mercure, dans la même étuve, font voir que pour tous les changements de température les contractions ou les dilatations restent les mêmes. Les gaz mêlés de vapeur d’eau lui ayant paru éprouver, dans les mêmes circonstances, les mêmes changements de volume que les gaz secs, il dut soupçonner que les vapeurs se dilataient comme les gaz. Mais en