Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 16.djvu/80

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comme physicien. Aussi fut-il déjà nommé membre de l’Académie des sciences, dans la section de physique, à l’âge de vingt-huit ans, le 8 décembre 1806, à la place de Brisson. Établissons, avant d’aller plus loin, les résultats acquis par cette double ascension de Gay-Lussac.-En juillet 1788, Saussure et son fils allèrent s’établir au Col du géant. À trois mille quatre cent trente-cinq mètres au-dessus du niveau de la mer, et séjournèrent quinze jours sur cette sorte d’observatoire. Parmi le grand nombre de faits météorologiques qu’ils purent noter, on remarqua surtout les observations qui se rapportaient à l’intensité de la force. À cette hauteur, elle leur parut diminuer à peu près d’un cinquième. Les causes de cette diminution, qu’elles fussent intérieures ou extérieures à l’aiguille aimantée elle-même, étaient d’un ordre trop élevé, pour qu’une pareille donnée fût admise sans restriction dans le domaine de la science. Cependant on en était encore là, lorsque quelque chose de plus fort encore sembla résulter des expériences faites dans deux ascensions virostatiques qui eurent lieu, l’une à Hambourg, le 18 juillet 1805 ; l’autre à St-Pétersbourg, le 30 juin 1804. Accompagné la première fois de son ami l’Hoëst, la seconde fois de Sacharof, membre de l’Académie des sciences de St-Pétersbourg, Robertson crut reconnaître que les propriétés magnétiques d’une boussole se perdent presque complétement à mesure qu’on s’éloigne de la terre, pour se reproduire quand on s’en rapproche de nouveau.

— L’Académie des sciences de Paris, vivement émue par une semblable annonce, profitant de la bonne volonté du ministre de l’intérieur, Chaptal, réclama de nouvelles expériences sur un sujet aussi important. Biot et Gay-Lussac s’offrirent pour aller étudier cette question spéciale, ainsi que les autres questions qui peuvent se rattacher à une traversée plus ou moins longue dans les hautes régions de l’atmosphère. Le 25 août 1804, les deux voyageurs partirent du jardin du Conservatoire des arts et métiers. Conté, chef des aérostiers pendant la campagne d’Égypte, avait été chargé par le ministre des préparatifs de l’expédition, et il avait pris toutes les mesures imaginables pour que le voyage fût heureux. « Nous l’avouerons, dit M. Biot, le premier moment où nous nous élevâmes ne fut pas donné à nos expériences. Nous ne pûmes qu’admirer la beauté du spectacle qui nous environnait : notre ascension, lente et calculée, produisait sur nous cette impression de sécurité que l’on éprouve toujours quand on est abandonné à soi-même, avec des moyens sûrs. Nous entendions encore les encouragements qui nous étaient donnés ; mais nous n’en avions pas besoin. Nous étions parfaitement calmes et sans la plus légère inquiétude. Nous n’entrons dans ces détails que pour montrer que l’on peut accorder quelque confiance à nos observations. » Pour décider presque complétement la question qui était la principale cause de l’expédition, il fallait faire osciller une aiguille aimantée suspendue à un fil de soie sans torsion : plus les oscillations sont rapides, plus la force magnétique est considérable, proportionnellement au carré du nombre d’oscillations faites dans le même temps. Mais Biot et Gay-Lussac reconnurent bientôt qu’une grave cause d’erreur avait échappé à l’attention de Robertson. Les ballons, en montant, éprouvent un mouvement de rotation plus ou moins lent, et qui devient seulement sensible pour l’aéronaute quand il aligne, par exemple, les cordes de sa nacelle sur quelque objet terrestre ou sur le ! flancs des nuages dont les contours offrent des différences suffisantes. La position de la nacelle, variant ainsi continuellement par rapport à la direction de l’aiguille aimantée, il était difficile d’observer le point où les oscillations finissaient. D’ailleurs, l’aiguille d’une boussole n’obéissant pas à ce mouvement de rotation, ses indications doivent paraître incertaines et sans direction déterminée pour des observateurs qui tournent sur eux-mêmes sans le savoir, comme Robertson et ses amis. Heureusement pourtant, ce mouvement ne se fait pas toujours dans le même sens : bientôt, nos deux savants reconnurent que, peu à peu, le mouvement de rotation diminuait pour se produire ensuite en sens inverse. Ils comprirent donc que, dans le passage d’un état à l’autre, il devait y avoir un certain intervalle de repos, et ils surent en profiter en mesurant la durée d’un nombre d’oscillations suffisamment petit, de cinq à dix par exemple : or, en opérant huit fois de la sorte, à des hauteurs différentes comprises entre trois mille et quatre mille mètres, ils trouvèrent trente-cinq secondes pour la durée moyenne de cinq oscillations : les expériences faites à terre donnèrent trente-cinq secondes et quart pour cette même durée. Ils avaient d’ailleurs reconnu facilement que le fer, à ces mêmes hauteurs, agit sur l’aiguille aimantée comme il agirait au niveau du sol, et ils durent conclure qu’à quatre mille mètres la propriété magnétique n’éprouve pas de diminution sensible. Biot et Gay-Lussac, avant de descendre, avaient jeté presque tout leur lest. Ils avaient donc atteint la limite de la hauteur à laquelle le ballon pouvait les porter tous les deux à la fois : il fut décidé entre eux que Gay-Lussac recommencerait seul l’expérience, pour essayer de monter plus haut. En effet, trois semaines après, le 16 septembre 1801, à neuf heures quarante minutes du matin, il partit encore du Conservatoire, dans le même ballon, organisé de nouveau et quelque peu modifié pour le rendre plus léger. Le récit de Gay-Lussac fut présenté à l’Institut le 1er octobre 1804. Après s’être élevé seul à la hauteur prodigieuse de 7 016 mètres au-dessus du niveau de la mer, la plus grande qu’aucun homme eût jamais atteinte, il parle comme s’il n’avait fait qu’un voyage tout ordinaire. Voici en premier lieu ce