lennelles, les dames de la Visitation. Anne d’Autriche et la reine d’Angleterre parurent désirer, pendant quelque temps, que Louis XIV choisît Henriette pour épouse ; mais le roi la trouvait trop jeune, et il rejeta cette idée. Peu de mois après le traité des Pyrénées, la reine mère fit la demande d’Henriette pour Philippe de France, son second fils. La reine d’Angleterre y consentit : mais avant de former cette union, elle voulut passer la mer avec sa fille, et se rendre auprès de Charles II pour le féliciter de son rétablissement sur le tronc de ses pères. Au bout de quelques semaines, pressée par les instances réitérées de Monsieur, la reine s’embarqua pour revenir en France : un gros temps l’obligea de rentrer dans le port. La jeune Henriette, déjà souffrante, avait à peine remis le pied sur le vaisseau que la rougeole se déclara. On mit à la voile aussitôt que son état le permit, et les princesses abordèrent au Havre, d’où elle se rendirent à Paris. Monsieur alla au-devant de sa future épouse avec empressement, et continua, jusqu’à son mariage, à lui rendre des devoirs « auxquels, dit madame de la Fayette, il ne manquait que de l’amour ; mais, continue-t-elle, le miracle d’enflammer le cœur de ce prince n’était réservé à aucune femme du monde. » Les époux furent unis le Bl mars 1661 dans la chapelle du Palais-Royal sans aucun appareil, parce qu’on était en carême. Henriette, qui était toujours restée auprès de la reine sa mère, s’était peu livrée à la société ; elle étonna tout le monde par l’agrément d’un esprit cultivé et le charme inexprimable de sa conversation. Une extrême affabilité, les grâces de la premîère jeunesse, animées par l’enjouement, en faisaient le plus bel ornement de la jeune cour de Louis XIV, et y rappelaient le souvenir de l’intéressante Marie Stuart, bisaïeule d’Henriette. Mais si ces qualités brillantes lui gagnèrent les cœurs, elle éprouva aussi tout le danger qui les accompagne, quand elles ne sont pas dirigées par le jugement et l’expérience. Alors régnait dans la haute société cette mode d’une froide galanterie, dont tous les romans et les poésies médiocres de ce temps sont empreints, et qui était devenue tellement usuelle, qu’elle avait pris la place de la simple politesse. C’est principalement à cette cause qu’il faut attribuer la liaison de Madame avec le comte de Guiche. Ce jeune seigneur, l’un des mieux faits et des plus recherchés de la cour, dont le style comme le langage étaient calqués sur ceux des héros de la Calprenède et de Scudéri, était alors dans les bonnes grâces de Monsieur. Le prince le présenta à sa nouvelle épouse, en la priant de le traiter avec bienveillance, et de l'admettre dans sa société particulière. Le comte ne put voir froidement tant d’agréments réunis : de l’admiration, du profond dévouement qu’inspire la vue d’une princesse que l’on sert encore plus par affection que par devoir, il passa bientôt à un sentiment plus
tendre, mais moins respectueux. Mademoiselle de
Montalais, l’une des filles d’honneur de Madame,
ne tarda pas à pénétrer ce qui se passait dans
l’âme de M. de Guiche : loin de le désabuser, elle
prit intérêt à sa passion ; elle alla même jusqu’à
se charger de mettre sous les yeux de la duchesse
les lettres qu’il lui confiait. Madame refusa d’abord
de les lire ; mais, vaincue par les supplications de
mademoiselle de Montalais, elle lui permit d’y répondre,
écrivit bientôt elle-même, et, entraînée par
par un désir immodéré de plaire, elle eut l’imprudence d’accorder au comte plusieurs entrevues.
Monsieur, en ayant des soupçons, pria le roi d’éloigner
M. de Guiche : celui-ci reçut aussitôt l’ordre
de se rendre en Pologne, et mademoiselle de Montalais
fut renvoyée. Voilà tout ce que l’historien
peut recueillir de certain sur cette intrigue ; et tout
porte à croire que Madame n’eut à se reprocher
que de la légèreté et de l’inconséquence. Peu de
temps après leur mariage, Monsieur et Madame
allèrent à Fontainebleau rejoindre la cour. Ce fut
là que le mérite singulier d’Henriette fut apprécié
par le roi, et que peut-être il se repentit de
ne l’avoir pas élevée à la première place de son
royaume. S’il parut épris de la société de sa
belle-sœur, celle-ci ne fut pas insensible à un retour
qui la flattait. Bientôt ce changement fut
remarqué et diversement interprété. Anne d’Autriche
craignit que la reine n’en prit de l’ombrage,
et fit des représentations à son fils : le
duc d’Orléans, naturellement jaloux, se plaignit
avec amertume. Quelques personnes ont pensé a
qu’il fut alors convenu entre la duchesse et le roi
que celui-ci feindrait de s’attacher à mademoiselle
de la Vallière, l’une des filles d’honneur de Madame.
Mais, soit que cette passion ne fût en effet
que simulée dans ses commencements, soit qu’elle
fût la suite d’une véritable inclination, elle eut
bientôt remplacé toutes les autres dans le cœur
de Louis XIV. On a répété, d’après le témoignage
de Voltaire, que l’intelligence secrète qui régnait
entre le roi et Madame avait donné lieu à un commerce
de galanterie, dont le marquis de Dangeau
était l’àme et le confident, sans qu’aucune des
deux parties intéressées s’en doutàt. Ce fait
manque d’exactitude. Dangeau était absent de
France pendant le peu de temps que dura cette
liaison : il passa au service d’Espagne aussitôt
après le traité des Pyrénées (voy. DANGEAU). L’abbé
de Choisy dit positivement que c’est entre le roi
et mademoiselle de la Vallière que cette singulière
correspondance a eu lieu. Plus tendre que spirituelle,
la Vallière ne savait pas toujours exprimer
tout ce qu’elle sentait ; elle priait Dangeau de
venir à son aide, et était loin de soupçonner
qu’il fût l’auteur de la lettre à laquelle elle était
si embarrassée de répondre. Une commune
ambition et l’entraînement des mêmes goûts
avaient établi de grands rapports entre Madame
et la comtesse de Soissons. Elles s’étaient flattées
toutes les deux d’obtenir, par mademoiselle de la