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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 19.djvu/217

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Rome, ce favori supportait impatiemment sa disgrâce. Deux officiers de la maison de Monsieur, ses amis, ou plutôt ses compagnons de débauche, souhaitaient ardemment son retour, auquel Madame était le seul obstacle. Il parait que le chevalier leur envoya un poison subtil, par le nommé Morelli, et que l’un de ces hommes jeta le poison dans l’eau de chicorée, ou bien en frotta le gobelet qui devait servir à la princesse. Madame de Bavière assure dans ses lettres que, pour récompenser Morelli, on le plaça dans la maison en qualité de premier maître d’hôteI, et que, peu de temps après, on lui fit vendre sa charge. Il avait, dit cette princesse, de l’esprit comme un démon ; mais il était sans foi ni loi, et il mourut comme un athée. » Le marquis d’Argenson raconte cette anecdote un peu différemment, mais il ne rapporte qu’un ouï-dire ; et la princesse palatine, seconde femme de Monsieur, dit ce qu’elle a vu. Une lettre de M. de Montaigu, écrite à sa cour dans le temps du rappel du chevalier de Lorraine, accuse encore ce chevalier. Si Madame a été empoisonnée, dit-il, toute la France le regarde comme son empoisonneur. » (Voy. OEuvres de la Fayette, Paris, 1805, t. 3, p. 202.) Voltaire traite de fable populaire le bruit qui s’était répandu que le chevalier de Lorraine était l’auteur du crime ; mais il ne faut pas oublier que les Mémoires de St-Simon et ceux de la princesse de Bavière n’ont été imprimés que longtemps après leur mort. M. Craufurd, dans Ses Essai : sur la littérature française, a donné quelques considérations sur les causes de la mort d’Henriette. Il pense aussi que cette princesse a été empoisonnée ; mais il disculpe le chevalier de Lorraine. Voici l’analyse de son système. On voit dans St-Simon que Ie roi, la nuit qui suivit la mort de Madame, fit amener devant lui Purnon, premier maître d’hôtel de la princesse, et lui promit le pardon, en lui ordonnant sous peine de mort de lui dire la vérité. Cet homme avoua l’empoisonnement, ajoutant que c’était le chevalier de Lorraine qui avait envoyé le poison à Beuvron et à d’Effiat. Louis XIV, redoublant les promesses et les menaces, demanda si Monsieur en avait été instruit. Sur l’assurance négative que cet homme lui en donna, le roi parut soulagé d’un grand poids, et le fit mettre en liberté. Or, dit-on, si Louis XIV a connu le crime du chevalier de Lorraine, comment lui aurait-il permis, au mois de février 1672, de revenir à la cour, en le faisant maréchal de camp, ainsi qu’on le voit dans une lettre de madame de Sévigné du 12 février 1672 ? Cette objection n’est pas sans réponse. Ceux qui projetaient ce crime n’auront dit à Purnon que ce qu’il était nécessaire qu’il sût, pour aider à son exécution : il n’a dû en connaître que les auteurs immédiats. St-Simon dit d’ailleurs que c’est cet homme lui-même qui, longtemps après, a raconté cette anecdote à M. Joly de Fleury, procureur général au parle

HEN ment de Paris. N’est-il pas possible qu’en la révélant, Purnon ait confondu et ce qu’il savait dès l’origine et ce que des conversations particulières lui avaient appris depuis ? Et en supposant que Louis XIV ait su que le chevalier de Lorraine fût le coupable, nous dirons avec Laplace que le roi ne devait point laisser pénétrer qu’il en eût aucune connaissance, et qu’il était indispensable qu’il traitat extérieurement le chevalier de Lorraine, d’Effiat et de Beuvron, comme s’il avait ignoré cet affreux secret. Autrement, il aurait semblé participer au crime en ne le punissant pas. Le roi avait besoin du chevalier de Lorraine pour contenir et gouverner Monsieur, et c’est à cette seule cause que le retour du chevalier doit être attribué. Madame de la Fayette nous a laissé une Histoire d’Henriette d’Angleterre ; il ne faut y chercher l’exactitude de l’historien que dans les détails de la dernière maladie : elle ne quitta pas Madame un seul instant, et elle rend compte de tout ce qui se passa (1)[1]. Bossuet prononça à St-Denis l’oraison funèbre de Madame, le 21 août 1670. M. Feuillet, chanoine de St-Cloud, qui assista la princesse, a aussi composé pour elle une oraison funèbre : il l’a fait précéder de la relation de sa mort. Ce discours a été imprimé à Paris en 1686.

M―r.

HENRION (Denis), mathématicien, né en France vers la fin du 16e siècle, entra fort jeune comme ingénieur au service des Provinces-Unies. En 1607, il vint à Paris, où il professa les mathématiques, et eut pour élèves beaucoup de jeunes gens de familles nobles. Il mourut vers 1640, après avoir publié un grand nombre d’ouvrages et de traductions, dont voici les titres : 1°) Mémoires mathématiques recueillis et dressés en faveur de la noblesse française,Paris, 1612, in-4o ; ibid., 1623, in-8o. L’auteur donna en 1627 un second volume, dans lequel il inséra un Traité des triangles sphériques, et un Traité des logarithmes, qui avaient déjà paru séparément, l’un en 1617, et l’autre en 1626, in-8o ; Canon manuel des sinus, Paris, 1619, in-16° ; ibid., 1623 ; 3°) Cosmographie, ou Traité général des choses tant célestes qu’élémentaires, Paris, 1620, 1626, in-8o : 4°) Collection, ou Recueil de divers traités de mathématiques, ibid., 1621, in-4o ; 5°) Notes sur les récréations mathématiques, et la fin de divers problèmes servant à l’intelligence des choses difficiles et obscures, Paris, 1627, in-8o. Ces notes furent souvent réimprimées avec l’ouvrage même auquel elles se rapportent[2]. 6°) L’Usage du macromètre,

(1) Dans ces derniers temps, on a cherché à douter de l’horrible mort inopinée de Madame. On cite une lettre de Bossuet dont l’original est perdu, mais dont une copie s’est trouvée dans les mémoires inédits de Philibert de la Mare. L’opinion de Bossuet serait d’un grznd poids ; mais elle ne nous parait pas suffisamment prouvée, et nous persistons, avec le savant baron de Walckenaer, à croire à l’empoisonnement, malgré les estimables recherches de ’honorable savant, M. Floquet.

  1. (1) Dans ces derniers temps, on a cherché à douter de l’horrible mort inopinée de Madame. On cite une lettre de Bossuet dont l’original est perdu, mais dont une copie s’est trouvée dans les mémoires inédits de Philibert de la Mare. L’opinion de Bossuet serait d’un grand poids ; mais elle ne nous parait pas suffisamment prouvée, et nous persistons, avec le savant baron de Walckenaer, à croire à l’empoisonnement, malgré les estimables recherches de l’honorable savant, M. Floquet.
  2. Cet ouvrage, qui depuis a été augmenté par plusieurs auteurs, parut d’abord sous le titre de Récréations mathématiques, Pont-à-Mousson, 1626, in-12o. Cette première partie est du P. Jean Leurechon, jésuite lorrain, qui se cache sous le pseudonyme de H. van Etten, et non van Essen, comme l’a écrit D. Calmet dans sa Biblioth. de Lorraine.