Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 19.djvu/6

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l H

HEADLEY (Henri), poëte anglais, né en 1766 à Instead, dans le comté de Norfolk, mort à Norwich en novembre 1788, à l’âge de 23 ans, publia, n’ayant pas encore vingt ans, un volume de Poésie: qui sont estimées; l’ouvrage sur lequel se fonde sa réputation est un recueil en 2 volumes in-8o, publié en 1787, intitulé: Beautés choisies de l’ancienne poésie anglaise, avec des esquisses biographiques. Ce recueil parait avoir donné en quelque sorte le signal de ces recherches dans les monuments de l’ancienne poésie anglaise, qui ont été si multipliées de nos jours. Il a travaillé au Gentleman's magazine, et à un ouvrage intitulé : Olla podrida, recueil périodique, en quarante-quatre numéros, imprimés pour la deuxième fois en 1788, in-8o. X—s.

HEARNE (Thomas), antiquaire anglais, né en 1678 à White-Waltham, dans le Berkshire, montrait dès son enfance tant de goût pour les antiquités, qu’on le voyait, dit-on, se trainer toujours sur les vieilles pierres sépulcrales du cimetière avant qu’il sût lire. Son père, qui tenait l’école dans sa paroisse, était hors d’état de lui donner d’autre instruction que celle qu’il possédait lui-même; mais un gentilhomme, nommé Cherry, prit soin du jeune Hearne, et après avoir formé son esprit il l’envoya en 1695 à Oxford. La bibliothèque de cette université devint le séjour favori de son élève, et détermina sa carrière pour la vie. Hearne s’y fit bientôt connaître avantageusement par son talent singulier pour la lecture et la collation des manuscrits, et les docteurs Mill et Crabe se servirent souvent de lui pour cet objet. Il ne se rendit pas moins utile en faisant le supplément du catalogue de la bibliothèque ; il y obtint ensuite une petite place, désignée dans le langage académique par le nom de janitor. Peu de temps après il eut celles d'architypographe et d’huissier de la loi civile. C'étaient, malgré des noms imposants, des emplois bien subalternes; mais ils suffisaient à l’ambition de Hearne, qui ne voyait pas de bonheur comparable à celui de vivre dans une bibliothèque. Aussi refusa-t-il des places plus lucratives, qui l’auraient obligé d’en sortir. Nommé enfin sous-bibliothécaire en 1712, il n’eut plus de vœux à former. Cependant le sort réservait une rude épreuve à notre bibliophile. Hearne

XIX

était sincèrement dévoué à la famille Stuart : les malheurs de cette dynastie ne diminuèrent en rien son attachement pour elle. Il lui rendit hommage dans la plupart des ouvrages qu’il mettait au jour, au risque d’être persécuté par les nombreux ennemis de cette famille infortunée, et lorsque le gouvernement exigea de tous les fonctionnaires le serment de fidélité, Hearne refusa de se conformer à cet ordre. Il fallut choisir entre deux grandes affections de son cœur: son dévouement pour les Stuart, et son attachement à sa bibliothèque. Hearne ne balança point ; il résigna sa place de sous-bibliothécaire, et resta fidèle à ses principes. Ceux qui ne furent pas capables de l'imiter, prirent le parti de le haïr. On lui suscita des querelles ; on déterra une brochure qu’il avait écrite dans sa jeunesse pour défendre ceux qui avaient prêté serment au roi Guillaume. Hearne se contenta de répondre qu’il avait mal vu et mal jugé étant jeune, et qu’il s’amendait dans l'âge mûr. Autant on méprise ceux qui changent de conduite par des vues d’intérêt personnel, autant on estime les hommes qui reviennent sur leurs premières opinions, après de mûres délibérations, au péril de leur fortune. C'est ce qui arriva aussi à Hearne; ses compatriotes finirent par mettre du prix à attirer dans le parti dominant un homme aussi respectable, et on lui fit des offres brillantes, à condition qu’il prêterait serment. Hearne refusa tout, et resta jacobite jusqu’à la mort. Il vivait plus avec les livres et les manuscrits qu’avec le monde, et ce n’était que dans les préfaces de ses ouvrages qu’il laissait percer ses sentiments politiques. La découverte d’un vieux manuscrit le charmait plus que rien au monde. Un jour, dans l'effusion de sa joie après une de ces découvertes, il adressa au ciel la prière suivante qu’on a trouvée parmi ses papiers : « Seigneur plein de grâce et de miséricorde, je vous remercie mille fois des soins que vous avez toujours pris de moi. Sans cesse vous me donnez des preuves signalées de votre providence: encore hier vous me fîtes trouver inopinément trois vieux manuscrits; je vous en rends grâces, en vous suppliant de continuer de m’accorder, pour l’amour de Jésus-Christ, la même protection, à moi pauvre pécheur. » Cet acte de piété paraîtrait ridicule