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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 19.djvu/89

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84 HEL HEL

de la beauté, et se séparer du monde, parce que son époux n’y pouvait plus vivre, quoique éclairée sur la défiance injurieuse de cet époux (on sait qu’Abailard exigea que la profession d’Héloïse précédat la sienne) ; lorsqu’on l’entend dire : Dieu le sait, si tu t’étais précipité dans les flammes, je n’aurais pas hésité à t’y suivre ; » Ego autem (Deus acit) ad vulcania loce te preparantem praecedere vol sequi pre jussu tuo minime dubitarem (Epist. I) ; « car mon âme n’était point avec moi, mais avec toi;» non emin mecum animus meus, sed tecum erat (ibid.), Après la mort d’Abailard, Héloïse obtint de Pierre le Vénérable la translation du corps de son mari au Paraclet, et le reçut le 16 novembre 1142. Elle y vécut encore vingt-deux ans, mais sans aucune communication avec le monde : elle cessa d’écrire à ses amis ; elle ne parla plus que pour prier et pour instruire, cessa même de prononcer le nom d’Abailard, et ne s’entretint du passé qu’avec Dieu seul. C’est alors qu’elle embrassa avec ardeur toutes les austérités de la règle de St-Benoit: les constitutions ou règlements de vie qu’elle donna elle-même à ses religieuses, l’attestent d’une manière qui étonne l’imagination, et force d’avouer que si jamais l’amour n’a obtenu de plus grands efforts du cœur d’une femme, le repentir n’a jamais honoré la foi par une plus grande expiation. Adorée des saintes filles du Paraclet ; objet de l’édification du monde et de l’amitié de Pierre le Vénérable; comblée des bienfaits des princes, bienfaits que les papes s’empressaient de confirmer, Héloïse mourut enfin après avoir rempli la tache de la pénitence. Elle fut réunie à son mari dans le tombeau, comme elle l’avait demandé: on crut dans le temps, et plusieurs savants assurèrent qu’Abailard ouvrit les bras pour la recevoir lorsqu’on voulut la déposer auprès de lui (voyez Bayle sur ce prétendu miracle). Dans les translations diverses du monument qui renfermait les cendres de ces deux époux, on a respecté leur vœu, et on ne les a jamais séparés. Du Musée des monuments français, où elles avaient été déposées lors de la spoliation des églises, ces dépouilles ont été transférées au cimetière du Père la Chaise. Héloïse a mérité un nom parmi les femmes françaises qui ont écrit, par ses lettres latines, imprimées avec celles d’Abailard: la latinité en est élégante pour son siècle; le style en est animé, énergique ; tout ce qui part du cœur y est véhément et naturel ; mais un abus d’antithèses et d’oppositions trop soutenues décèle l’admiratrice de Sénèque et l’élève des écoles de ce temps: elle cite tour à tour les poëtes latins et les Pères de l’Église, qu’elle possède également bien. C’est dans les deux premières lettres que se trouvent ces tableaux des combats entre la ferveur religieuse et les souvenirs d’un sentiment qu’elle réprouve; cette opposition de la paix du cloître avec l’agitation du cœur de la cénobite, dont Pope a tiré un parti si heureux dans sa fameuse épître d’Héloïse, tant de fois paraphrasée par des imitateurs. L’épître française de Colardeau est loin du mérite de l’original anglais ; il affaiblit dans les plus beaux passages l’expression énergique de Pope ; et cependant cette imitation poétique a fait en France la réputation de son auteur, dont elle est le meilleur ouvrage. La troisième lettre originale d’Héloïse n’est plus adressée à l’amant, mais à l’abbé de Saint-Gildas ; elle n’est remplie que de projets d’institutions pour le Paraclet, et de discussions savantes sur les règles monastiques, appuyées des passages des SS. PP.

V-Z.


HELSHAM (Richard), médecin anglais du 18e siècle, professeur de médecine et de philosophie naturelle à l’université de Dublin, est auteur d’un cours de leçons sur la philosophie naturelle, qui ont été publiées après sa mort par le docteur Bryan Robinson, 1739, in-8o. Ces leçons sont au nombre de vingt-trois : la science y est présentée avec beaucoup de clarté. Elles ont joui longtemps d’une grande réputation, et n’ont perdu de leur prix que par l’effet des progrès qu’ont faits de nos jours les sciences physiques. Helsham fut intimement lié avec le docteur Swift. Il mourut le 1er août 1738. L.


HELTAI (Gaspar), né en Transylvanie au 16e siècle, et placé d’abord comme ministre protestant à Clausenbourg, établit une imprimerie dans cette ville ; il passa ensuite du côté des antitrinitaires. Ses principaux ouvrages sont: 1° une Traduction de la Bible, en hongrois, Clausenbourg, 1551-1561, 5 vol. in-4o; 2° Historia inclyti Mathia Hunyadis regis Hnngariae, ibid., 1565, in-fol.; 3°* Decretum tripartitum juris consuetudinarii regni Hungariae, en langue hongroise, ibid., 1574, in-4o; 4° une Chronique de Hongrie, en hongrois, traduite en grande partie de l’ouvrage, historique de Bonfinius, ibid., 1575, in-fol. C—AU.


HELVÉTIUS (Jean-Frédéric), en allemand Schweitzer, naquit vers 1625 d’une famille noble de la principauté d’Anhalt, probablement originaire de la Suisse, ainsi que l’indique le nom allemand ci-dessus. Il fut premier médecin du prince d’Orange, et écrivit d’abord contre les poudres sympathiques de Digby (voy. K. DIGRY); il donna depuis dans les chimères de l’alchimie. Dans son Vitulus aureus, il raconte lui-même ce qui lui arriva le 27 décembre 1666. Un inconnu lui montra trois morceaux d’une métalline couleur de soufre, extrêmement pesante, assurant qu’il y avait de quoi faire vingt tonnes d’or. Helvétius pria l’inconnu d’opérer sur-le-champ. Il fut refusé; mais il avait, avec l’ongle, détaché d’un des trois morceaux un très-petit fragment. Lorsque l’inconnu fut sorti, Helvétius se mit au travail ; mais il eut beau avoir employé son fragment, il n’obtint qu’une espèce de vitrification. A quelque temps de là, l’inconnu revint, et Helvétius en obtint un grain de sa métallise ; mais il lui fut recommandé d’envelopper ce grain dans