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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 19.djvu/90

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de la cire, pour le projeter sur du plomb en fusion, sans quoi la volatilité de la matière ferait évaporer le tout. Le médecin opéra sur six drachmes de plomb, qui devinrent de l’or extrêmement pur. Plusieurs autres essais furent faits, et donnèrent le même résultat. Lenglet-Dufresnoy, dans son Histoire de la philosophie hermétique, t. 2, p. 47, raconte le fait si gravement, qu’on serait tenté de croire qu’il y ajoutait foi lui-même. J.-Fr. Helvétius mourut le 29 août 1709. On a frappé en son honneur une médaille, dont le type est un Apollon, entouré des signes chimiques des métaux, ayant dans l’exergue: Cito, tute et jucunde. On a de lui : 1° De alchimia opuscala consplura veterum philosophorum, 1650, in-4o. 2° Mors merborum, 1661, in-8o ; 3° Microscopium physiognomia medicum, id est tractatus de physiognomia. 1664, in-4o. Une édition allemande avait paru en 1660. 4°Vitulus aureus quem mundus adorat et orat, in quo tractatur de rarissimo naturae miraculo transmutandi metalla, 1667, in-12, inséré dans le Museum hermeticum reformatum et amplificatum, et encore dans la Bibliotheca chimica de Manget ; 5° Diribitorium medicum de omnuim morborum accidentiumque in et externorum definitionibus ac curationibus, 1670, in-12. A. B—T.


HELVÉTIUS (Adrien), médecin hollandais, fils du précédent, naquit vers l’an 1661, d’une famille originaire du Palatinat, et dont le nom primitif était Helvez[1]. Il fit ses études à Leyde, et ne les eut pas plutôt achevées, que Jean-Frédéric son père, parvenu aux places honorables de premier médecin des états-généraux et du prince d’Orange, l’envoya en France, sans dessein de l’y fixer, mais pour lui faire connaître les curiosités de la capitale, et lui faire débiter des poudres de sa composition qu’il croyait capables de l’enrichir dans un pays où tout ce qui est nouveau est souvent adopté avec empressement et prôné avec enthousiasme. Le débit des poudres n’ayant pas eu cependant le succès que le jeune Helvétius s’en promettait, la nécessité le ramena près de son père, qui le renvoya de nouveau tenter la fortune avec d’autres poudres, selon lui plus éprouvées et plus efficaces, et qui néanmoins ne furent pas mieux accueillies. Sur ces entrefaites, livré à ses propres ressources, notre empirique fit connaissance avec un riche droguiste de Paris, alors affecté d’une maladie très-grave, et que traitait Dafforty, médecin de la faculté. Délivré de sa maladie par les soins de ce dernier, le droguiste lui offrit par reconnaissance quelques livres de racine du Brésil, qu’il regardait comme quelque chose de fort précieux; mais ce médecin ignorant la vertu de cette racine, mit, par le peu d’estime qu’il en fit, le droguiste dans le cas de la céder au jeune Helvétius. Celui-ci, entreprenant et actif, ayant multiplié les expériences et cru reconnaître à cette substance une vertu spéciale contre la dyssenterie, publia aussitôt sa découverte par de nombreuses affiches; la ville et la cour retentirent bientôt du bruit de ses succès, et le ministre Colbert honora le jeune médecin de sa confiance et de sa protection. Dans ce même temps, le Dauphin, fils de Louis XIV, ayant été attaqué de la dyssenterie, Daquin, alors premier médecin, envoya chercher Helvétius, qui offrit de soumettre sa poudre à de nouvelles expériences dans les hôpitaux, et avoua même à Daquin que ce spécifique n’était autre que l’ipécacuanha, dont on ignorait encore l’usage. La réputation du remède gagnant de plus en plus, le P. Lachaise, confesseur de Louis XIV, engagea Helvétius à le communiquer au P. Beize, qui allait en mission, en lui promettant de lui en garder religieusement le secret. Helvétius y consentit dans des vues d’humanité auxquelles on ne peut trop applaudir, et bientôt après, le P. Lachaise ayant parlé au roi lui-même des succès étonnants du remède, le médecin eut ordre de rendre son secret public, et reçut du roi une gratification de mille louis d’or. Dès lors il ne fut plus parlé que du médecin hollandais: c’était à qui lui donnerait sa confiance, et il fut successivement revêtu des titres d’écuyer, de conseiller du roi, de médecin inspecteur général des hôpitaux de la Flandre française et de médecin du duc d’Orléans, régent du royaume. Au milieu de tous ces succès et de tous ces honneurs, Helvétius ne fut cependant pas exempt de quelques tribulations. La racine d’ipécacuanha avait paru en France en 1672. Un certain Legros, qui avait fait trois voyages en Amérique, en avait apporté une assez grande quantité. Craquenel, apothicaire, en avait eu de lui ; mais, n’en connaissant pas la vertu, il s’était avisé d’en donner deux gros pour une dose, et l’avait par là décréditée. Au moment où Helvétius s’empara de l’emploi de cette poudre, un nommé Garnier, que le désordre de ses affaires avait réduit à subsister à l’aide de quelques relations qu’il avait en Espagne, fut celui que choisit notre médecin pour lui procurer tout ce qui était arrivé de racines d’ipécacuanha en France. Cet homme, ainsi employé comme simple commissionnaire, osa prétendre que c’était à lui qu’on était redevable du nouveau remède. Il fut condamné au Châtelet et au parlement de Paris par deux jugements extraordinaires. Helvétius enfin jouit paisiblement de sa réputation et des succès de son remède, et mourut à Paris le 20 février 1727, âgé de 65 ans. Si l’on en croit le P. Griffet, dans son Histoire des négociations qui précédèrent le traité d’Utrecht[2], Adrien Helvétius aurait été employé dans ces négociations par M. de Chamillart, et s’en serait tiré avec toute la sagesse et la prudence d’un homme occupé toute sa vie du maniement des affaires. On a de ce mé-

  1. C’est ce qu’assure Hirsching dans son Dictionnaire historique littéraire des personnages du 18e siècle, article HELVETIUS.
  2. Liège, 1767, in-12, p. 126.