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milieu des plaisirs de toute espèce, des jours heureux et qu’il eut plus d’une fois l’occasion de regretter. Enfin il quitta Landshut, comblé des témoignages d’affection de son généreux protecteur. Sur sa route il rencontra Le Roy de Lozembrune. (Voy. ce nom.) Entre deux hommes de ce caractère, la connaissance fut bientôt faite. Arrivés à Augsbourg, et se trouvant tous les deux sans ressource, ils composèrent à la hâte quelques nouvelles dans le genre sentimental que d’Arnaud-Baculard venait de mettre à le mode, et les vendirent à un libraire. Avec la petite somme qui lui revint, Apostoli paya ses dettes, et regagna Venise, où, par un bonheur qu’il ne sut pas apprécier, il retrouva dans les bureaux de la secrétairerie d’État la place qu’il avait si légèrement abandonnée. Honoré de la confiance de quelques sénateurs, il fut chargé de travailler à la révision du code criminel ; et, sans trop de présomption, il pouvait se flatter que ce travail serait récompensé par quelque emploi important. Mais, incapable de se fixer, il quitta Venise une seconde fois ; et, sans avoir égard aux plaintes de sa femme, qui mourut de chagrin, aux représentations de ses parents et de ses amis, il alla s’établir à Vienne. La révolution de France le ramena dans sa patrie ; et, sans autre mission que celle qu’il tenait de son caractère, il s’occupa par tous les moyens de lui faire des prosélytes. Ses démarches et ses propos plus qu’imprudents excitèrent l’attention des magistrats, et il fut envoyé dans l’île de Corfou sous la surveillance du provéditeur. La culture des lettres, la société de quelques hommes d’esprit qui partageaient ses opinions, et enfin un nouveau mariage qui ne dut pas être plus heureux que le premier, l’aidèrent à supporter son exil, qui ne finit qu’avec le gouvernement vénitien. Apostoli se rendit alors à Milan, et il parvint à se faire nommer consul de la république cisalpine à Ancône. Les succès des Autrichiens en Italie, dans l’année 1799, ne lui permirent pas d’arriver à sa nouvelle destination. Arrêté par leurs ordres, il fut conduit avec quelques autres révolutionnaires aux bouches du Cattaro. Les événements politiques le ramenèrent peu de temps après à Milan ; mais cette fois, n’ayant pu réussir à se faire employer, il accepta le titre d’envoyé de la république de St-Marin près de Bonaparte, alors premier consul. Aucune mission ne pouvait lui être plus agréable que celle qui lui procurait enfin le plaisir de voir Paris ; mais il n’eut pas lieu d’être aussi satisfait de son voyage qu’il l’avait espéré. Sa tournure grotesque et l’exiguité de sa taille lui attirèrent des sarcasmes[1] auxquels, malgré tout son esprit, il n’était pas toujours en mesure de répondre. Fatigue de ces railleries continuelles, et d’ailleurs mécontent du peu d’accueil qu’il avait reçu des littérateurs, il s’enferma pour écrire l’Histoire de la révolution française. Il était occupé de ce travail, lorsqu’une lettre, dans laquelle il exprimait franchement son opinion sur le premier consul et sur les personnes qui l’entouraient, tomba dans les mains du ministre de la police. Aussitôt il reçut ordre quitter de Paris dans vingt-quatre heures, et de sortir de France dans huit jours. De retour en Italie, Apostoli fut forcé pour subsister de se mettre aux gages de cette même police qui l’avait persécuté[2]. Mais, par le crédit de quelques amis qui lui restaient encore, il ne tarda pas à obtenir la place d’inspecteur de la librairie à Padoue. Ayant perdu cet emploi par la rentrée des Autrichiens en Italie, il revint à Venise, où il composa pour le théâtre quelques farces assez gaies, mais dont le produit n’était plus suffisant pour le tirer de la misère. Tombé dans le dernier degré de l’avilissement, méprisé de tous ceux qui l’avaient connu, Apostoli mourut de faim, au mois de février 1816, âge d’environ 70 ans. « Il avait, dit M. de Stendhal, peut-être autant d’esprit que Chamfort. Rien n’est plus rare en Italie. La prolixité y étouffe l’esprit français. » (Rome, Naples et Florence, t. 1, p. 70.) La liste qu’on va lire de ses ouvrages, très-peu connus en France, est tirée de l’article que lui a consacré le P. Moschini, savant bibliographe vénitien, dans la Biograf. universale italiana : 1° Lettres et contes sentimentaux de George Wanderson, Augsbourg, 1777. Les contes sont en partie de Lozembrune ; mais les lettres sont d’Apostoli, qui s’est cache sous le nom de Klost. On y trouve de grands détails sur ses voyages et ses aventures. 2° Storia di Andrea ; Saggezza della follia. Dans ces deux nouvelles, écrites avec beaucoup d’esprit, et dont la lecture est très-agréable, on remarque surtout le talent avec lequel l’auteur sait rapprocher naturellement et sans effort les choses les plus disparates. 3° Saggio per servira alla storia de’ viaggi filosofico e de’ principi viaggiatori, Venise, 1782. 4° Lettere sirmiensi. Cet opuscule très-curieux contient l’histoire de sa déportation aux bouches du Cattaro. « L’auteur y dit la vérité, même contre ses compagnons d’infortune. Il ne tombe jamais dans l’importance et dans le vague qu’un déporté français n’eût pas manque de mettre dans une relation de ce genre. » (Stendhal, ibid.) 5° Rappresentazione del secolo 18, Milan, 3 vol. Ouvrage moins instructif qu’amusant. 6° Storia delli Gulli, Franchi e Francesi. Il n’a paru que le premier volume de cet ouvrage, qui n’eut aucun succès. 7° E tutto un momento ; la Merenda alla zuecca. Ces deux pièces, jouées avec succès, sont insérées dans les recueils di opere teatrali. W-s.


APOSTOLATS (Michel), né à Constantinople, vint en Italie vers le milieu du 15e siècle, après la prise de cette ville par les Turcs. Il y fut d’abord accueilli par le cardina Bessarion ; mais privé par la suite des secours qu’il en recevait, il passa dans l’île de Crète, où il gagnait sa vie à copier des livres.

  1. Suivant te P. Moschini, rien ne fatiguait plus Apostoli que de s’entendre dire, lorsqu’il paraissait aux Tuileries : Voici le petit mg de la petite république : Piccolo republica, piccolo rappresentante.
  2. Apostoli fut employé par la police française jusqu’à la création des inspecteurs de la librairie dans le royaume d’Italie. M. de Stendhal dit que « le plus extrême dénûment força le pauvre Apostoli de se faire espion des Autrichiens à Milan. Il le disait à tous ses amis réunis au café de Padoue, et l’infamie ne l’avait point atteint. »