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APR

inspirait au czar, se terminait ainsi : « Je te ferai passer bientôt une description plus détaillée. Maintenant je suis trop occupé pour satisfaire entièrement ta curiosité. En peu de mots, l’armée ennemie est tombée dans l’anéantissement. Je ne puis rien dire du roi, j’ignore s’il est du nombre des vivants, ou s’il est allé rejoindre ses aïeux. J’ai envoyé le prince Golitzin et Bauer avec de la cavalerie la poursuite des fuyards. Je te félicite sur la bonne nouvelle que je te donne. » L’année suivante, l’amiral Apraxin ayant reçu ordre d’assiéger Vibourg, capitale de la Carélie, qui déjà une fois avait été assiégée sans succès, força le commandant de cette place à capituler. Les assiégés étaient au nombre de 4,000 ; il fut convenu que tous sortiraient avec armes et bagages. On peut voir dans la vie de Pierre Ier, qui assista aux dernières opérations du siége, comment cette convention fut exécutée. Quelque temps après, lorsque la guerre éclata entre la Russie et la Turquie par les instigations de Charles XII retiré à Bender, Apraxin alla dans Azof prendre le commandement des troupes de terre et de mer. En 1713, il commanda la flotte qui marchait à la conquête de la Finlande, et sur laquelle Pierre servait en qualité de contre-amiral. Helihingfors et Borgaz étant tombés entre les mains des Russes, ils furent bientôt maîtres de la côte. Tandis que le czar était à Helihingfors, le général-amiral, réuni aux principaux officiers, le supplia de se mettre lui-même à la tête de ses troupes. Le monarque, après avoir vainement cherché l’ennemi, retourna à Pétersbourg. Apraxin, resté sur les côtes de Finlande, n’y fut pas inactif. Bientôt il courut à la découverte des Suédois, qu’il trouva à Tavartchas, bourg de la Bothnie. Il tomba sur eux à l’improviste, et les força de reculer, après avoir jeté leurs canons dans la mer, jusqu’à une rivière nommée Pelkin. Les Suédois, s’étant réfugiés derrière cette rivière et des marais, s’y croyaient en sûreté. L’amiral, réuni au prince Golitzin, traversa le fleuve, passa les marais sur une chaussée de planches construite par les soins de Golitzin, et fondit sur l’ennemi, qui, après une résistance de trois heures, prit la fuite avec tant de vitesse, qu’il fut impossible de l’atteindre. Apraxin se couvrit d’une nouvelle gloire dans l’année 1714. Commandant la flotte des galères qui fit voile vers la Finlande, il contribua puissamment à la bataille gagnée par Pierre auprès d’Angout ; bataille terrible où les galères s’attachèrent aux galères, où l’on combattit corps à corps, où aucun bâtiment ne se rendit sans en être venu à l’abordage, et dont les résultats furent la prise d’une grande partie de la flotte suédoise, et la possession de l’Île d’Aland. Ce fut le comte Apraxin qui, au nom de son maître, écrivit au gouvernement suédois pour lui demander de mettre fin aux rigueurs exercées contre les prisonniers russes qui étaient dans ses mains. Le comte ajoutait que, si l’on ne recevait pas cette satisfaction dans le terme de six semaines, les prisonniers suédois seraient traités avec la même sévérité. Comme on ne daigna pas répondre à ce message, le czar, justement irrité, se crut permis d’user de représailles. Le général-amiral ternit bientôt l’éclat de ses exploits par de honteuses déprédations. Il fut au nombre de ces grands avides qui, sous des noms étrangers, se firent adjuger la fourniture des vivres et des munitions de guerre. Ces viles manœuvres furent découvertes. Traduit, ainsi que ses complices, devant un tribunal chargé de rechercher et de juger les auteurs des déprédations, il dut la remise de la peine qu’il avait méritée à l’utilité de ses services, mais plus encore a l’amitié de son souverain. Une grosse amende fut la seule punition que Pierre lui infligea. Mais plus tard l’amiral Apraxin se rendit encore une fois coupable de déprédation. Obligé de remettre son épée aux officiers de justice, il fut envoyé en prison pendant l’instruction de son procès. Ainsi que la première fois, il en fut quitte pour une peine pécuniaire, malgré la grandeur de sa faute, la sévérité des lois militaires d’après lesquelles il était jugé, et la dureté du czar. Il se présenta bientôt pour lui une occasion de faire oublier ses fautes. L’empereur d’Allemagne, le roi d’Angleterre et la reine de Suède, s’étant alliés dans l’intention d’abaisser la nouvelle et rapide puissance du conquérant russe, lui firent signifier d’abandonner les conquêtes qu’il avait faites sur la Suède, excepté Petersbourg, Cronstadt et Narva. Le fier monarque répondit à cette sommation par des préparatifs de guerre ; et le comte Apraxin, à la tête de la grande flotte, courut attaquer la Suède au nord de Stockholm, tandis que le contre-amiral Lessy l’attaquait au midi de cette capitale. Le général-amiral détruisit Nordkoping, Nikoping, d’autres villes, des villages entiers, des châteaux et des maisons de campagne. il incendia des moulins, des fabriques, des magasins, et jusqu’à 15,000 maisons. Enfin il occasionna aux Suédois une perte de plusieurs millions. De son côté, Lessy avait fait les mêmes ravages. Ces événements amenèrent la paix de Neustadt, qui laissa au czar toutes ses conquêtes. En 1721, Apraxin, de concert avec les officiers généraux de la flotte et les ministres, pria Pierre de recevoir le rang d’amiral comme la juste récompense de ses travaux maritimes. L’année suivante, il commanda la flotte qui portait l’empereur et son armée vers les contrées occidentales de la mer Caspienne ; contrées par lesquelles le monarque russe voulait s’ouvrir des communications, comme il s’en était ouvert avec l’occident par la paix de Neustadt. La campagne de Perse, où le nom russe se couvrit d’un nouvel honneur sous Pierre le Grand, mais qui n’eut aucun résultat avantageux, fut la dernière que fit Apraxin : il mourut l’année suivante. Cet officier avait rendu d’éclatants services à la Russie. On le compte justement parmi les hommes célèbres qui illustrèrent le règne de Pierre Ier. Mais tous ces lauriers ne furent ils pas flétris par ses déprédations et son insatiable avidité ? M-d j.


APRAXIN (Nicolas comte), feld-maréchal des armées russes, sous le règne de l’impératrice Élisabeth, était le petit-fils du précédent. Il fit ses premières campagnes contre les Turcs, sous les ordres du célèbre Munich, et parvint aux premiers grades