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ATH

qu’une suite de combats, d’où il fit toujours sortir la vérité triomphante, aux dépens de son propre repos. Les imputations les plus absurdes furent le prélude des procédés les plus atroces. Ses ennemis commencèrent par l’accuser d’avoir imposé une espèce de tribut sur l’Égypte, d’avoir fourni de l’argent à des séditieux, d’avoir fait briser un calice, renverser l’autel d’une église, brûler des livres saints, d’avoir coupé le bras à un évêque mélecien, et de s’en servir pour des opérations magiques. L’empereur Constantin reconnut par lui-même la fausseté des deux premières accusations ; mais cédant enfin à l’importunité des ennemis du saint patriarche, il renvoya les autres à l’examen des évêques, le fit citer, en 334, au concile de Tyr, et comparaître à celui de Jérusalem, où, quoique ses juges fussent en même temps ses parties, il dévoila l’imposture, confondit la calomnie, ce qui irrita tellement ses persécuteurs, qu’il fallut toute la fermeté du commissaire impérial pour l’arracher à leur fureur. Alors ils se bornèrent à le déposer. Il n’en continua pas moins ses fonctions ; mais l’empereur, trompé par une confession de foi captieuse que lui présenta Arius, et n’ayant pu obtenir d’Athanase le rétablissement de cet hérésiarque dans la communion de l’Église, relégua le saint patriarche à Trèves. Ce premier exil ne cessa que par la mort de Constantin, arrivée au bout d’un an et quelques mois. Constance, empereur d’orient, quoique livré aux ariens, ne put refuser son rappel aux pressantes sollicitations de Constant, qui régnait en Occident. Les peuples accoururent de toutes parts sur son passage, pour admirer le généreux défenseur de la foi de Nicée, et son entrée à Alexandrie ressembla à une pompe triomphale. Les ariens, désespérés de son retour, le dénoncèrent comme un séditieux, qui se proposait de retenir à Alexandrie la flotte destinée à l’approvisionnement de Constantinople ; comme un homme avide, qui détournait a son profit les grains accordés par le gouvernement pour la subsistance des vierges, des clercs, et pour le service de l’autel. Quatre-vingt-dix évêques ariens, présidés par le fameux Eusébe de Nicomédie, dans la ville d’Antioche, le condamnent sur ces accusations dénuées de preuves. Cent évêques orthodoxes, réunis à Alexandrie, le déclarent innocent. L’affaire est portée à Rome par les deux partis. Le pape Jules confirme, dans un concile de cinquante évêques, le jugement rendu à Alexandrie, et sa sentence est approuvée par plus de trois cents évêques, tant de l’orient que de l’occident, rassemblés à Sardique. Constance, pressé de nouveau par son frère Constant, laissa à Athanase la liberté de retourner a son siége. Il fut accompagné dans sa route, accueilli à son arrivée par les mêmes scènes d’attendrissement qui avaient signalé le retour de son premier exil ; et ce second triomphe fut marqué par le repentir et la rétractation d’un grand nombre d’évêques que la séduction avait précédemment attirés dans le camp de ses ennemis. Constance, devenu maître de tout l’empire par la mort de Constant, laissa la carrière libre aux ariens pour reprendre leur système de persécution. Malgré son innocence attestée par tous les évêques d’Égypte, et prouvée contradictoirement dans les conciles de Rome et de Sardique, le saint docteur fut de nouveau condamné dans ceux d’Arles et de Milan, tenus sous l’influence de la faction arienne. Les évêques qui refusèrent de souscrire à sa condamnation furent exilés. Le gouverneur d’Alexandrie eut ordre de le chasser de son siége. Athanase, selon la remarque de Gibbon, savait distinguer quand on pouvait combattre l’autorité, et quand il était prudent de fuir sa colère. Il crut devoir rester à son poste jusqu’à ce qu’un lui eût produit les ordres signés de l’empereur, ne croyant pas qu’un ordre verbal, et si contraire aux promesses authentiques que ce prince lui avait faites, pût émaner de son autorité. Qu’on se représente le vénérable patriarche, présidant l’assemblée des fidèles, qu’une fête solennelle avait réuni ; dans l’église de St-Théon, investie par 8,000 soldats qui veulent y entrer de force, entonnant le psaume destiné a célébrer le triomphe du Dieu d’Israël sur le tyran d’Égypte, le peuple faisant, à la fin de chaque verset, retentir les voûtes de ces consolantes paroles : car la miséricorde du Seigneur est éternelle ; qu’on se le représente au moment où les soldats enfoncent les portes de l’église, ordonnant tranquillement à ce même peuple de se retirer en silence, resté seul au pied de l’autel, entouré des clercs et des moines, qui lui font un rempart de leurs corps, et réussissent à le soustraire aux gardes chargés de s’assurer de sa personne. Athanase, proscrit pour la troisième fois, se réfugie dans les déserts de l’Égypte ; ses ennemis l’y poursuivent ; sa tête est mise si prix ; les solitaires de cette affreuse contrée, auxquels on ne peut arracher le secret de sa retraite, sont, les uns indignement tourmentés, les autres impitoyablement massacrés. Il ne lui reste d’autre moyen, pour les délivrer de la fureur du soldat, que de s’enfoncer dans la partie absolument inhabité du désert, où il ne conserve plus de communication avec les hommes que par un simple serviteur qui se dévoué, au péril continuel de sa vie, à lui porter des aliments. Qui croirait que c’est au milieu de cette vie errante, que c’est au fond de cette retraite inaccessible, qu’Athanase composa tant d’écrits éloquents, destinés a raffermir la foi des fidèles, à dévoiler les artifices de ses ennemis, et à jeter l’effroi dans l’âme de ses persécuteurs ? Julien, en montant sur le trône, permit aux évêques orthodoxes de rentrer dans leurs églises. Athanase, après six ans d’absence, reparut au milieu de son peuple, qui le reçut avec des transports d’allégresse. Le premier usage qu’il lit de son autorité fut de ramener à la subordination les habitants d’Alexandrie, qui, dans une sédition, venaient de se porter a des excès très-répréhensibles, d’user d’indulgence envers les évêques qui, par faiblesse, avaient souscrit sa condamnation a Rimini, en les admettant a la communion de l’Église. Son exemple, suivi dans les Gaules, en Espagne, en Italie, dans la Grèce, ramena enfin la bonne harmonie parmi les orthodoxes, et la paix dans l’Église, malgré les murmures de quelques esprits ardents. Pendant que tout était calme et tranquille au