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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 2.djvu/706

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foule d’entretiens et de dissertations sur des sujets religieux, sans compter un nombre considérable de vers latins souvent excellents.[1] La meilleure de ces dissertations, celle qui roule sur l’Hesodes infanticida de Heinsius, fut mal accueillie par ce grand homme, qui répondit avec aigreur. Balzac, qui l’avait bien traité, s’étonna de ce procédé, mais il aurait du se rappeler que la critique, même la plus bienveillante, effleure toujours l’irritable amour-propre d’un poète, et que d’ailleurs Heinsius était l’ami du docteur Baudius, dont le gendre avait de si graves reproches à faire au jeune compagnon de voyage de Théophile. Cette fécondité à de quoi surprendre dans un écrivain dont le style atteste un travail opiniâtre. Le même prodige s’est renouvelé pour Buffon et J.-J. Rousseau. Balzac avait l’haleine courte, mais il la reprenait souvent. Ses lettres et ses Entretiens sont des morceaux de peu d’étendue, mais achevés. C’était la véritable portée de son talent, et il ne va pas au-delà, même dans les ouvrages où il parait tendre plus haut. Le Prince, l’Aristipe, le Socrate chrétien, ne sont que des lettres, des dissertations et des entretiens placés bout à bout, grossièrement cousus plutôt que liés et fondus de manière à former un tout indissoluble. Le style de Balzac est constamment noble et châtié, cependant il admet un grand nombre d’expressions familières anoblies par la place qu’elles occupent et par l’énergie qu’elles donnent au discours. C’est à ce même artifice que Bossuet doit ses plus grands effets d’éloquence, artifice heureux quand on l’emploie discrètement. Après une étude sérieuse de la vie et des œuvres de Balzac, j’avouerai sans détour que son caractère ne m’inspire aucune sympathie. Jamais homme ne fut plus exclusivement occupé de lui-même : sa vanité trouvait bons tous les moyens de se satisfaire : il se louait sans relâche[2] et se faisait louer à outrance. On trouve à citer, dans sa vie, la fondation du prix d’éloquence que l’Académie décerne annuellement, et son testament, par lequel il lègue tout son bien aux hôpitaux ; or, je le dis sans crainte de décourager ni la vertu, ni la vanité, qui ne se laisse pas abattre si facilement, dans ces deux traits si vantés, la part du démon de l’orgueil pourrait bien être la plus forte. Je ne saurais estimer l’adulateur banal de toutes les puissances, le déserteur de toutes les disgrâces, le disciple oublieux et l’ami infidèle ; mais, si je considère l’écrivain, je dois avouer les immenses services qu’il a rendus à la langue, et reconnaître que Balzac était véritablement né pour l’éloquence. Ce qui lui a manqué surtout, ce sont des circonstances favorables à l’essor de son génie, et un théâtre où il put le développer. Balzac, dans la chaire chrétienne, aurait été le digne précurseur de Bossuet ; mais dans le silence du cabinet il n’a montré que la moitié de ses forces, et on peut lui appliquer, en le modifiant, le mot par lequel il a réduit à sa juste valeur le mérite de Ronsard : « C’est le commencement et la matière d’un orateur. » — Une édition des œuvres complètes de Balzac a été donnée après la mort de l’auteur par l’abbé Cassaigne, de l’Académie française, Paris, 1665, 2 vol. in-fol. Elle est aujourd’hui fort rare. La plupart des ouvrages qui la composent avaient été déjà imprimés séparément, savoir : Aristippe, ou de la Cour, Leyde, J. Elzevir, 1658 ; et Amsterdam, D. Elzevir, 1664, petit in-12 ; Lettres choisies, Leyde, Elzevir, 1648, 1652 ; ou Amsterdam, 1656 et 1678, petit in-12 ; Lettres familières Chapelain, Leyde, Elzevir, 1656 ; et Amsterdam, Elzevir, 1664, petit in-12 ; le Socrate chrétien, Amsterdam, 1662, petit in-12 ; Lettres à Conrart, Leyde, 1659 ; et Amsterdam, 1662, petit in-12 ; Œuvres diverses, Leyde, J. Elzevir, 1654 ou 1658 ; et Amsterdam, D. Elzevir, 1664, petit in-12 ; les Entretiens (ouvrage posthume, précédé d’une longue épître de Girard, archidiacre d’Angoulême), Leyde, J. Elzevir, 1658 ; et Amsterdam, D. Elzevir, 1665, petit in-12. Depuis on a publié : Lettres de Balzac, de Voiture et de Boursault, Paris, 1806, 2 vol. in-12 ; Pensées de Balzac, précédées d’observations sur cet écrivain et sur le siècle où il a vécu, par D.-F. Moreau de Mersan, Paris, 1807, 4 vol. in-12 ; Œuvres choisies de Balzac, précédées d’une notice sur sa vie et ses ouvrages, par A. Malitourne, Paris, 1822, 2 vol. in-8o. G-z.


BALZAC (…), architecte, naquit à Paris vers le milieu du 18e siècle. Connu par son talent comme dessinateur, il fut désigné pour faire partie de la mémorable expédition d’Égypte, et nommé membre de l’Institut. Pendant le séjour de l’armée française au Caire, il y fit jouer les Deux Meuniers, opéra dont Rigal avait composé la musique. Son enthousiasme pour les arts le conduisit jusque dans l’ancienne Thébaïde, dont il visita les monuments. Après son retour en France, il fut adjoint à la commission chargée de recueillir et de disposer les matériaux du grand ouvrage sur l’Égypte que le gouvernement avait résolu de publier. (Voy. J.-B. Fourier.) Balzac l’enrichit d’une foule de précieux dessins d’architecture. Dans ses loisirs il cultivait la littérature avec quelque succès. Outre une Ode sur le mariage de l’empereur et la naissance du roi de Rome, imprimée dans les Hommages poétiques, t. 2, p. 268, il a réuni, sous le titre de Poésies ad libitum, Paris, 1817, in-8o, les pièces qu’il avait publiées dans les journaux. On cite encore de lui un petit poème allégorique : Douleurs et guérison, Paris, 1819. Balzac conservait dans un âge avancé la chaleur et les autres qualités de la jeunesse. Il mourut d’une apoplexie foudroyante, le 31 mars 1820. À cette époque il remplissait la place d’inspecteur en chef des travaux publics du département de la Seine. Il avait en portefeuille des poésies, une comédie en vers, ainsi qu’un grand nombre de plans, de projets et de dessins d’architecture. Tous les journaux se sont accordés à faire l’éloge de son caractère et de ses talents.

W—s.


BALZE (Nicolas), naquit à Avignon, en 1733,

  1. Un fragment de la pièce contre les poètes flatteurs de Néron fait partie, sous le nom de Turnus, et par une plaisante méprise d’éditeur, du recueil des Poetæ latini Mineos.
  2. Le spirituel Bautru répondait à Richelieu en parlant de Balzac « Comment voulez-vous qu’il se porte bien, il ne parle que de lui-même, et chaque fois il se découvre : tout cela l’enrhume. »