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volontaire dans le corps du prince Maurice. Il suivit ce dernier dans la Bohême, assista au siége de Prague, à la bataille de Collin, et ne quitta l’armée que lorsqu’en 1757 une maladie grave l’obligea de retourner dans sa patrie. Sa guérison paraissant lente, il sollicita, d’après le conseil de son tuteur, un congé définitif qu’il obtint avec le grade de colonel d’infanterie. En attendant l’empereur François 1er lui accorda bénéfice d’âge, et il prit les rênes du gouvernement le 20 octobre 1758. Les liens d’amitié qui unissaient Frédéric II et le prince François s’étant relâchés, le premier traita la principauté de Dessau d’une manière tout à fait hostile ; il y fit des réquisitions de vivres de la valeur de 400,000 fr., et il exigea comme contributions de guerre de plus de 4 millions. Le prince, qui sentit l’imprudence qu’il avait faite en quittant le service de la Prusse, ne voulut pas que ses sujets en fussent victimes, et il se chargea de payer les sommes demandées par cette puissance. Pour y subvenir, il vendit une partie de ses biens, ses bijoux et son argenterie, et réduisit la dépense de sa maison au strict nécessaire. Des que la paix fut rétablie (1763), le prince François résolut de visiter les pays les plus civilisés de l’Europe, afin d’étendre ses connaissances, et il choisit, pour l’accompagner dans ces voyages, un de ses amis intimes, M. d’Erdmannsdorff, jeune Saxon rempli des plus nobles sentiments, et qui avait fait des études distinguées à Wittemberg. Le prince partit avec lui en 1764, et se rendit à Londres, où il acquit des connaissances profondes sur les nombreux perfectionnements qui venaient d’être introduits dans l’enseignement et dans les principales branches de l’industrie. Après un an d’absence, il revint à Dessau, et repartit bientôt pour l’Italie, emmenant, outre M. d’Erdmannsdorff, son frère puîné (le prince Jean-George), et M. de Behrenhorst, qui depuis s’est fait un nom par ses Méditations sur l’art militaire. À Rome, où il arriva vers la fin de 1765, le prince d’Anhalt étudia l’architecture et fréquenta les hommes les plus célèbres dans les lettres et dans les arts, entre autres Clérisseau (voy. ce nom), et Winckelmann, avec lequel il se lia d’une amitié intime. Au mois d’août 1766, il se rendit, avec ses compagnons de voyage, par Florence et Gênes, à Antibes, visita les monuments d’architecture romaine qui se trouvent dans le midi de la France, et vint passer quelques mois à Paris. De là il alla en Angleterre ; mais cette fois sa curiosité ne se borna pas à la ville de Londres ; il parcourut les trois royaumes en tous sens, examinant leurs établissements scientifiques et industriels. Revenu à Dessau en 1767, il épousa la princesse Louise de Brandembourg-Schwedt, dame non moins distinguée par sa beauté que par son esprit. Dès cette époque, le prince François se livra tout entier aux soins du gouvernement, il réforma les lois civiles, simplifia la procédure devant les tribunaux, régularisa les secours à donner dans les incendies, et établit un bureau d’assurances. Bien que la ville de Dessau eût déjà plusieurs maisons de charité, il en fonda une nouvelle pour cent personnes adultes et trente orphelins, avec une école pour ces derniers. Il supprima la mendicité et créa un bureau de bienfaisance chargé de faire des distributions de pain, de vêtements et d’argent. Les ouvriers qui n’avaient pas d’ouvrage étaient sûrs d’en obtenir de lui : il les employait aux fortifications, aux routes, au labourage, ainsi qu’à la fabrication d’étoffes de lin et de laine qu’il donnait ensuite aux indigents. Il fonda un hospice pour les domestiques pauvres, et établit des médecins et des chirurgiens jusque dans les plus petits villages. Il fit donner à ses frais l’instruction aux sages-femmes, et publia un édit dans lequel il exhortait ses sujets à secourir les noyés et les suicidés, malgré les préjugés qui s’opposaient à l’accomplissement de ce devoir. Après avoir aboli, en 1761, le droit de corvée, il réduisit trois fois (en 1765, 1786 et 1793) l’accise, et supprima en 1783 l’impôt sur le sel et l’huile, qui formait un des principaux revenus de l’État. Il fonda en 1791 une caisse de pensions pour les veuves des fonctionnaires publics, au profit de laquelle il abandonna un legs considérable de sa parente, la duchesse de Radzivil, et souscrivit pour un don annuel de plus de 6,000 francs. Convaincu de l’urgence d’une réforme dans l’instruction publique, il examina avec une attention scrupuleuse les nouvelles méthodes, et s’arrêta a celle de Basedow. Sur son invitation, cet habile professeur vint à Dessau, et y fit plusieurs essais qui obtinrent d’unanimes suffrages. Le prince lui accorda la somme de 110,000 francs qu’il avait demandée pour l’établissement d’une école, et, vers la fin de 1774. on ouvrit a Dessau le célèbre Philanthropinum, qui compta parmi ses premiers élèves le fils unique du souverain. Afin de donner une plus grande extension à cette école, le prince François la fit transférer dans le vaste palais dit de Thierri, mit à sa disposition une somme de 50,000 francs, et y attacha plusieurs professeurs d’un grand mérite, tels que Wolke, Campe, Salzmann, Olivier, Iselin et Kalbe. Dans les années 1785 et 1786, il réorganisa le collège central de Dessau, et fonda un pensionnat de jeunes filles, et un atelier pour l’enseignement de divers travaux manuels où il tenait continuellement à ses frais soixante-quinze enfants de la classe ouvrière. Le besoin d’instruction se faisant généralement sentir dans les campagnes, le prince fit construire, dans toutes les localités qui en manquaient, de belles et spacieuses maisons d’école, et créa à Wœrlitz un séminaire spécialement destiné à former des maîtres pour ces établissements. Infatigable dans son ardeur à propager les lumières, il chercha à inspirer le goût des sciences au clergé, et notamment aux pasteurs des villages, que la misère abrutissait quelquefois au point qu’ils ne se distinguaient en rien des paysans. À cet effet, il forma la société pastorale, composée de toits les ecclésiastiques du pays, à laquelle il donnait annuellement une somme pour l’achat de bons ouvrages de théologie. Il avait adopté, des son avènement, le principe de la liberté religieuse, et veillait avec le plus grand soin à ce que la tolérance fût complète entre tous les habitants de son pays. Dans les maisons de charité, comme dans