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le Philanthropinum et dans les autres écoles, on ne faisait aucune distinction de culte, et le beau cimetière près de Dessau fut destiné, dès l’origine (1789), à toutes les confessions chrétiennes, Bien que calviniste, comme la majorité de la population d’Anhalt-Dessau, il accorda aux catholiques une chapelle et un presbytère, et fit restaurer pour eux l’oratoire du Chapitre de Ste-Amélie ; il donna 12,000 francs pour la construction d’une église luthérienne, et fit bâtir un temple aux Israélites. Tout en s’occupant de l’amélioration morale de ses sujets, il ne négligeait pas leurs intérêts matériels : il introduisit, un grand nombre de perfectionnements dans l’agriculture et l’économie rurale, changea de vastes terrains sablonneux en forêts, établit des haras, encouragea les plantations, etc. C’est à lui que la principauté de Dessau est redevable des excellentes routes qui la traversent en tous sens, et du pont en bois sur l’Elbe, le plus solide et le plus beau de ce genre qui existe en Allemagne. Parmi les nombreux embellissements que le pays a reçus sous son règne, on distingue le palais de Wœrlitz, bâti au milieu d’un superbe parc ; l’église de la même ville, remarquable par la richesse et la variété de ses ornements imités d’après les plus beaux modèles de l’architecture gothique ; le jardin de plaisance près de Dessau ; la promenade sur la montagne de Liegnitz ; la maison gothique de Belville, enfin le manège de Dessau, avec des bas-reliefs composés par Dœll et exécutés par Schultz. Ses palais furent ornés de tableaux de Paul Veronèse, Claude le Lorrain, Rubens, Vernet, Clérisseau, etc. ; de sculptures et de superbes collections d’estampes[1] qu’il avait en partie recueillies dans ses voyages, ou fait acheter à Rome par le peintre Rehberg. L’art dramatique et la musique trouvèrent aussi dans ce prince un protecteur éclairé : après avoir donne à la ville de Dessau un théâtre, il y entretint une troupe de comédiens, et plus tard, il établit une chapelle-musique, qui comptait parmi ses membres des artistes du premier ordre. ― Lorsqu’en 1795 le dernier prince d’Anhalt-Zerbst mourut, cette principauté fut partagée, par la voie du sort, entre les trois branches princières d’Anhalt qui restaient, et la ville de Zerbst échut à François. Aussitôt ce prince ordonna que les établissements d’utilité publique de Dessau, tels que la caisse de pensions des veuves, le bureau d’assurances, la société pastorale, etc., profitassent également à ses nouveaux sujets, et il augmenta les revenus qu’il accordait à ces institutions. Il réorganisa en même temps le gymnase et la prison de Zerbst, et fonda dans cette ville deux écoles primaires et une maison de charité. Ainsi tous les peuples soumis à son pouvoir voyaient leur prospérité s’accroître de jour en jour, lorsqu’une guerre terrible vint bouleverser l’Allemagne. ― Après la bataille de Halle (1807), les Prussiens se retirèrent en désordre par Dessau, et bientôt Bonaparte y arriva avec des forces considérables. Le prince, revêtu des insignes de l’Aigle noir, qu’il avait reçus en 1769 de Frédéric II, l’attendit à la porte de son palais. Napoléon, en l’abordant, lui dit d’un ton brusque : « Avez-vous fourni des troupes au roi de Prusse ? — Non, répondit-il, sur le même ton. — Pourquoi pas ? — Parce qu’il ne m’en a pas demandé. » — Alors le front de l’empereur se dérida, et il invita le prince d’Anhalt à faire une promenade à cheval avec lui. La proposition fut acceptée ; et lorsqu’ils arrivèrent au pont de l’Elbe qui venait d’être brûlé par les Prussiens, Napoléon exigea qu’on le rétablît pour le surlendemain, ajoutant qu’autrement il ne répondait de rien. De retour au palais, l’empereur retint le prince à dîner, avec son frère Jérôme et le maréchal Berthier. À table la conversation roula uniquement sur la guerre et sur Frédéric le Grand. Napoléon parut se complaire de plus en plus dans la société de François, et l’engagea à venir à Paris. « Il me serait pénible, répondit-il, d’y paraître comme prince allemand ; mais si Votre Majesté veut bien me recevoir comme simple particulier, je suis sûr que ce voyage me fera beaucoup de plaisir. — Très-volontiers, répliqua Napoléon, nous habiterons à la campagne et nous irons souvent à la chasse. » Au sortir de table il lui dit : « Si je puis être agréable en quelque chose au prince de Dessau, je désirerais le savoir à présent ; car je suis très-occupé. — Quant à moi, répondit François, je n’ai besoin de rien, mais je sollicite des ménagements pour mes sujets. » L’empereur fit un signe à Berthier, et sur-le-champ toutes les réquisitions (elles n’étaient pas peu considérables) furent annulées, et le pays déclaré neutre. Le palais de Wœrlitz, ainsi que les autres édifices et établissements du prince, reçurent des sauvegardes. Vers la fin de la même année, François entra dans la confédération du Rhin, et prit le titre de duc. En cette qualité, il fournit, conjointement avec les ducs d’Anhalt-Bernbourg et d’Anhalt-Coethen, un contingent de huit cents hommes d’infanterie, qui fut mis en campagne contre la Russie, mais bientôt après licencié par suite de la paix de Tilsitt. En 1808 il remplit la promesse qu’il avait faite à Napoléon de venir le voir à Paris. L’empereur lui fit un accueil très-distingué, et donna plusieurs fêtes en son honneur. François logea au château de Rambouillet, et il n’oublia pas de renouveler connaissance avec Clérisseau (alors âgé de quatre-vingt-sept ans) qu’il avait vu à Rome en 1766. Il revint à Dessau peu de temps avant le cinquantième anniversaire de son avènement. Ses sujets, ayant voulu saisir cette opportunité pour lui offrir un témoignage de leur gratitude, firent une souscription pour lui ériger une statue ; mais François s’opposa formellement à ce projet : il leur exprima combien il était touché de leurs bons sentiments, et les engagea à employer en œuvres de charité les sommes qu’ils destinaient à un tel monument. Du reste, il avait toujours refusé de célébrer l’anniversaire de son avènement, disant que c’était aussi l’anniversaire de la mort de son père. En 1811, François fut assez heureux pour sauver d’une ruine imminente un petit État voisin. Le duc Frédéric

  1. Ces collections d’estampes se trouvent actuellement réunies au Panthéon de Wœrlitz