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de l’Allemagne. Il trouva même le moyen d’établir à Constance un séminaire, où se formaient de jeunes clercs destinés à remplacer les prêtres que moissonnaient prématurément les fureurs révolutionnaires. Les armées françaises ayant en 1799, occupé Constance, de Juigné se retira à Augsbourg, où il reçut de l’électenr de Trèves l’accueil le plus honorable. Il revint à Paris en 1802, après la promulgation du concordat, ayant fait, entre les mains du pape, qui la lui demandait, la démission de son archevêché, et sacrifiant ainsi à l’obéissance ce qu’il avait de plus cher. Depuis lors, concentré au sein de sa famille, il vécut dans la retraite, regretté de ses anciens diocésains, bornant ses plaisirs à des promenades solitaires, où il était tout étonné de se voir accueilli par une foule d’hommages muets, adressés bien plus à sa personne qu’à sa dignité, dont il ne portait aucune marque visible ; allant visiter, avec une inimitable simplicité, son successeur, dans un palais autrefois le sien, et où tous deux se prévenaient de respect et d’égards. Il mourut à Paris, le 19 mars 1811, dans la 83e année de son âge, et fut inhumé au cimetière commun. Dans le service que lui fit le chapitre métropolitain, M. l’abbé Jallabert, vicaire général, prononça son oraison funèbre. Au retour du roi, le chapitre, en ayant obtenu la permission, fit exhumer et transporter le corps de de Juigné dans le caveau de l’église de Notre-Dame destiné à la sépulture des archevêques. Ses principes étaient purs, son zèle également éloigné du relâchement et de l’exagération, son esprit sans cesse occupé de ce qui pouvait servir l’Église. Il joignait à la plus heureuse mémoire l’amour des études graves, et le goût de la bonne littérature. Il possédait parfaitement le grec : la Bible était sa lecture favorite ; il la savait par cœur, et quelque passage qu’on lui citât, il en indiquait sur-le-champ-le livre, le chapitre et le verset. Ce prélat a laissé : 1o Des Mandements : estimés, et loués même par des écrivains attachés à des opinions qu’il était loin de favoriser ; 2o un Rituel, Châlons, 1776, 2 vol. in-4o. Ce livre, qui reparut en 1786, mais extrêmement changé, sous le titre de Pastoral de Paris, 5 vol. in-4o, déplut aux jansénistes, et donna lieu de leur part, à divers écrits, tels que, Observations sur le Pastoral ; Réflexions sur le Rituel ; Examen des principes du Pastoral, sur l’ordre, la pénitence, les censures, le mariage. Ces écrits passaient pour être de Maultrot et de Larrière. Le Pastoral fut même dénoncé aux chambres le 19 décembre 1786, par le conseiller Robert de Saint-Vincent, qui demandait que, séance tenante, on en fit arrêter la distribution. L’avis plus modéré de le remettre aux gens du roi, pour l’examiner, prévalut, et la dénonciation n’eut point de suite. Les abbés Revers, chanoine de St-Honoré, Plunkett, professeur de Navarre, et Charlier, secrétaire et bibliothécaire de M. l’archevêque, passent pour avoir eu part à la seconde

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édition, et être les auteurs des changements faits à la première. Le dernier a donné un Abregé de ce Pastoral, en un volume. On ne doit point oublier que le zèle de de Juigné pour tout ce qui tendait au progrès des sciences ecclésiastiques lui avait fait concevoir le plan d’une école pour former des prédicateurs. Ce plan avait reçu un commencement d’exécution au Calvaire, sous la direction de M. l’évêque de Senez (voy. BEAUVAIS). La révolution empêche qu’il y fût donné suite.

L-y.

JULES Ier (SAINT), élu pape le 6 février 337, succéda à St-Marc. l’histoire ne dit rien de sa famille ; mais, dans ces premiers siècles de l’Église, le mérite seul était un titre pour la préférence. Le pontificat de St-Jules fut occupé entièrement des suites de la persécution élevée contre St-Athanase par Arius. Cet hérésiarque était mort l’année précédente ; et l’empereur Constantin, qui avait protégé tour à tour Athanase et ses ennemis, finit également ses jours peu de mois après l’élection de St-Jules. En mourant, il avait rappelé Athanase au siége d’Alexandrie, dont cet évêque avait été déposé par le concile de Tyr ; mais les eusébiens, partisans déclarés d’Arius, avaient fait nommer au siége d’Alexandrie Grégoire, l’un de leurs amis (voy. ATHANASE et EUSÈBE, de Nicomédie). Ce fut dans ces circonstances (341) qu’Athanase vint à Rome pour se défendre contre les eusébiens, qui de leur côté avaient écrit contre lui. Le pape Jules le reçut avec honneur. Il envoya des légats aux eusébiens pour les inviter au concile qui devait se tenir à Rome. Leur réponse ayant tardé, le concile se tint en 342, et St-Athanase y fut pleinement justifié. Les eusébiens se plaignirent. St-Jules leur répondit par une lettre qui, suivant Tillemont, est un des plus beaux monuments de l’antiquité : il leur reproche d’abandonner la doctrine du concile de Nicée pour embrasser des hérésies condamnées. Ce même concile de Rome avait déclaré nulle l’ordination de Grégoire, et confirmé la nomination de St-Paul au siége de Constantinople. Ces sujets de division entre les Orientaux et les Occidentaux firent désirer un concile qui put réunir les deux Églises. Il se tint en 347, à Sardique, métropole des Daces en Illyrie, du consentement des deux empereurs, et sur les instances de St-Jules et des évêques de sa communion. Les eusébiens vinrent à Sardique, mais refusèrent de paraître au concile. St-Athanase y obtint un nouveau triomphe. Le jugement du pape, et tout ce qui avait été résolu au concile de Rome, y fut confirmé. Les eusébiens y furent condamnés et excommuniés, du moins ceux qui étaient demeurés attachés à leur parti ; car plusieurs s’en étaient déjà séparés. St-Jules s’était excusé d’assister à ce concile de Sardique, à cause des occupations qui le retenaient à Rome. Le concile lui adressa ses résolutions, dans lesquelles il trouvait très-convenable que les évêques apportassent de tous côtés leurs affaires au chef de