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avait traité ignominieusement Mogolbai, et que déjà il avait pénétré dans la Syrie avec son armée. Connaissant alors que Sélim l’avait joué, et n’avait cherché qu’à gagner du temps en lui inspirant une fausse sécurité, il sortit d’Alep le 20 de redjeb (21 août 1516). Le 2l, il campa dans la plaine appelée Mardj Dabek, et il y fut attaqué le 25 (21 août) par l’armée de Sélim. Les troupes égyptiennes eurent d’abord l’avantage ; elles prirent un assez grand nombre de drapeaux et de pièces de canon, et peu s’en fallut, dit-on, que Sélim ne songeat tout de bon à la retraite. En ce moment le bruit se répandit dans l’armée d’Égypte que le sultan avait défendu à ses mameloukes de prendre part au combat, parce qu’il voulait sacrifier les mameloukes qui avaient appartenus ses prédécesseurs. cette rumeur, qui, selon toute apparence, était l’effet d’une trahison préméditée, engagea les mamelouks vétérans, qui jusque-là avaient combattu avec succès, à cesser de charger l’ennemi, et l’armée ottomane profita de ce relâche pour se rallier et prendre l’offensive. Au même moment, plusieurs des principaux émirs furent tués, et Khaïr-Beg, gouverneur d’Alep, qui combattait à l’alie droite, prit la fuite. On le soupçonna d’être d’intelligence avec Sélim. Sa fuite décida de la perte de la bataille. En vain Kansouh tint tête à l’ennemi, et fit de grands efforts pour rallier ses troupes et ranimer leur courage ; bientôt il fut lui-même obligé de quitter le champ de bataille ; mais, au moment où il prenait la fuite, il fut subitement frappé d’une paralysie sur la moitié du corps, et étant tombé de cheval, au bout de quelques pas, il mourut. On ignora ce qu’était devenu son corps. Suivant quelques historiens, Kansouh tomba de cheval sans connaissance ; ce que voyant les émirs qui l’entouraient, ils le tuèrent, lui coupèrent la tête, et la jetèrent dans une citerne, de crainte que, s’il tombait vivant entre les mains de l’ennemi, ou si son cadavre venait à être reconnu, on ne lui fit éprouver des indignités, et on ne portât sa tête en triomphe dans les États de Sélim. Au milieu de la variété qui règne entre les historiens relativement aux détails de cette bataille, il paraît vraisemblable que Khaïr-Beg trahit son souverain, et ce soupçon se change presque en certitude par la faveur dont il jouit ensuite auprès de Sélim, qui, devenu maître de l’Égypte, lui en confia le gouvernement (voy. Khaïr-Beg). Kansouh ne fut point exempt des vices communs à tous les sultans circadiens : cependant la durée même de son règne, dans des circonstances très-difficiles, porte à croire qu’il était fort supérieur en talent à la plupart de ces princes ; et la bravoure dont il fit preuve, en marchant en personne dans la Syrie, que menaçait Sélim, et en résistant jusqu’au dernier moment, malgré la désertion de ses troupes, fait juger qu’il était digne d’un meilleur sort. S. D. S—v.

KANT (Emmanuel), fondateur de l’école de philosophie qui a succédé à celle de Leibnitz, en

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Allemagne, naquit a Kœnigsberg, en Prusse, le 22 avril 1744, et mourut presque octogénaire dans la même ville, le 12 février 1804. S’il est vrai que la plupart des doctrines philosophiques qui font époque dans l’histoire de l’esprit humain portent l’empreinte du caractère et des habitudes de leurs auteurs jusque dans les principes abstraits sur lesquels elles reposent, il est heureux pour l’appréciation de la philosophie de Kant, que l’existence calme et uniforme du philosophe de Kœnigsberg ait été décrite avec plus de soin que la vie brillante et agitée d’un grand nombre des hommes les plus célèbres des temps modernes. MM. Hasse (1)[1], Borowski (2)[2], Wasianski (3)[3] et Jachmanu (4)[4], tous amis particuliers de Kant, ont publié sur la vie de leur collègue ou de leur maître des Mémoires écrits avec candeur et simplicité, et ils méritent plus de confiance que la compilation d’un anonyme (5)[5], et que les fragments d’une biographie de Kant, imprimés de son vivant et sous ses yeux (6)[6]. Sa famille était originaire d’Écosse, circonstance assez curieuse, si nous considérons que c’est aux écrits de David Hume que nous devons le système de Kant. Son père (sellier, estimé pour sa probité à toute épreuve) et sa mère, animée des sentiments de la piété la plus austère, fortifièrent en lui, par leur exemple et leur direction, cette croyance en la vertu que sa doctrine morale inspire au plus haut degré. Son père avait la fausseté en horreur ; sa mère, d’une sévérité inexorable envers elle-même, exigeait de ses enfants le même respect pour l’accomplissement de leurs devoirs ; et c’est à son ascendant que Kant attribuait cette rigidité inflexible de ses principes qui l’aida à trouver, par l’analyse des faits de conscience, la règle absolue du bien moral, et qui le porta à donner aux espérances religieuses de nouveaux appuis. « Jamais, disait-il, je n’ai vu ni entendu dans la maison paternelle rien qui ne fût d’accord avec l’honnêteté, la décence, la véracité. » L’heureuse influence qu’exercèrent des modèles aussi exemplaires sur ses principes et sur sa vie contribua sans doute puissamment à le pénétrer de

(1) Letzte Aeusserungen Kant’s, von einem serner Tischgenossen, Kœnigsberg, 1804, in-8o.

(2) Tableau de la vie et du caractère de Kant (en allemand), revu et rectifié par Kant lui-même, ibid., in-8o.

(3) Emanuel Kant dans les dernières années de sa vie, peint par E. A. Ch. Wasianski (son secrétaire privé et son commensal), ibid., in-8o (en allemand).

(4) Lettres à un ami sur Émannuel Kant, ibid., in-8o (en allemand).

(5) Imman. Kant’s Biographie, Leipsick, 1804, 2 vol. in-8o. Les deux derniers volumes, qui devaient compléter cet ouvrage, n’ont jamais paru. Cette compilation n’est point sans mérite ; on y trouve des anecdotes intéressantes, puisées dans les relations des voyageurs et dans les lettres des personnes qui ont vécu avec le philosophe qui en est l’objet.

(6) Fragmente aus Kants Leben, Kœnigsberg, 1802. L’article de Kant, dans la Presse littéraire de l’abbé Denina (t. 2, p. 306 et suiv.), fourmille d’erreurs et d’omissions *.

  • Aux noms qui précèdent, il faut ajouter ceux de Grohmann et de Rink, qui ont egalement donné des renseignements precieux sur la vie de Kant. Mais la meilleure biographie qu’on possède aujourd’hui est celle qui accompagne l’édition des œuvres complètes donnés pour la première fois par M. Rosenkranz.

J. T. T.


  1. (1) Letzte Aeusserungen Kant’s, von einem serner Tischgenossen, Kœnigsberg, 1804, in-8o.
  2. (2) Tableau de la vie et du caractère de Kant (en allemand), revu et rectifié par Kant lui-même, ibid., in-8o.
  3. (3) Emanuel Kant dans les dernières années de sa vie, peint par E. A. Ch. Wasianski (son secrétaire privé et son commensal), ibid., in-8o (en allemand).
  4. (4) Lettres à un ami sur Émannuel Kant, ibid., in-8o (en allemand).
  5. (5) Imman. Kant’s Biographie, Leipsick, 1804, 2 vol. in-8o. Les deux derniers volumes, qui devaient compléter cet ouvrage, n’ont jamais paru. Cette compilation n’est point sans mérite ; on y trouve des anecdotes intéressantes, puisées dans les relations des voyageurs et dans les lettres des personnes qui ont vécu avec le philosophe qui en est l’objet.
  6. (6) Fragmente aus Kants Leben, Kœnigsberg, 1802. L’article de Kant, dans la Presse littéraire de l’abbé Denina (t. 2, p. 306 et suiv.), fourmille d’erreurs et d’omissions *.
    • Aux noms qui précèdent, il faut ajouter ceux de Grohmann et de Rink, qui ont egalement donné des renseignements precieux sur la vie de Kant. Mais la meilleure biographie qu’on possède aujourd’hui est celle qui accompagne l’édition des œuvres complètes donnés pour la première fois par M. Rosenkranz.
    J. T. T.