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pira le 29 septembre 1825. M. Viguier fit imprimer son mémoire sous le titre d’Essai sur le passage des Alpes par Annibal, Paris, 1826, in-8°, et le fit précéder d’une courte notice, tribut touchant et bien senti à la mémoire de son ami. M. Cousin prononça sur sa tombe un adieu funèbre qui se trouve reproduit dans Mahul (Annales biogr., 1826, 1re partie). P—or.


LARCHER (Pierre-Henri), naquit à Dijon le 12 octobre 1726, d’une très-ancienne famille de robe, alliée aux premiers noms du parlement de Bourgogne ; son père était conseiller au bureau de finance. On le destinait à la magistrature ; mais il se sentait une autre vocation. Après avoir fini, chez les jésuites de Pont-à-Mousson, ses humanités, qu’il avait commencées à Dijon, il s’échappa, pour ainsi dire, de la maison de sa mère, et vint s’établir à Paris dans le collège de Laon, où il put se livrer, sans obstacle, à son goût pour les lettres et les sciences. Il avait alors à peu près dix-huit ans. Sa mère ne lui donna d’abord que 500 livres de pension ; et pourtant il trouvait le moyen de faire, sur cette légère somme, de petites économies qu’il employait à acheter des livres. Peu d’années après, il fit, à l’insu de sa famille, un voyage à Londres, pour se perfectionner dans la langue anglaise, qu’il aimait passionnément, et y faire la connaissance de quelques hommes de lettres dont il avait lu les ouvrages avec un extrême plaisir. Le P. Patouillet, à qui ses démêlés avec Voltaire ont donné quelque célébrité, fut le confident de cette excursion clandestine, et aida le jeune voyageur à tromper ses parents, qui le croyaient studieusement enfermé dans le collège de Laon, tandis qu’il parcourait l’Angleterre. À l’amour de l’anglais, Larcher joignait celle du grec ; et il fit paraître, en 1750, une traduction de l’Électre d’Euripide. C’est une production très-faible de style, qui ne fit aucune espèce de sensation et n’a point été réimprimée. On la trouve, il est vrai, dans le Théâtre bourgeois, donné par le libraire Duchesne, en 1755 ; mais c’est l’édition même de 1750 que Duchesne imagina de faire coudre avec trois autres mauvaises pièces de théâtre, espérant en avoir quelque débit sous cette nouvelle forme. Eu 1751, Larcher traduisit le discours de Pope sur la pastorale, et le donna à Boulanger de Rivery, qui l’inséra dans les Lettres d’une société. Il fournit aussi au tome 2 de la Collection académique quelques morceaux traduits des Transactions philosophiques. Ce volume est de 1755. La même année vit paraître sa traduction du Martinus Scriblerus de Pope, plaisanterie un peu longue contre les érudits, et qu’il eût peut-être mieux convenu à Larcher de laisser traduire par un autre. Il y a joint un discours de Swift, « où l’on prouve que l’abolition du christianisme en Angleterre pourrait, dans les conjonctures présentes, causer quelques inconvénients, et ne point produire les bons effets qu’on en attend. » C’est un chef-d’œuvre d’excellente plaisanterie. C’est encore en 1755 que Larcher, qui, dans son voyage en Angleterre. avait beaucoup connu le chevalier Pringle, publia la traduction des Observations de ce savant médecin sur les maladies des armées ; elle a reparu, en 1771, considérablement augmentée. En 1757, Larcher, toujours occupé de littérature anglaise, revit le texte de l’Hudibras, joint à la traduction française de Townley, et y ajouta des notes. En 1762, il traduisit l’Essai de Home sur le blanchiment des toiles. En 1763, il prouva qu’il n’avait pas négligé le grec en donnant une traduction exacte et soignée du mauvais roman de Charlton, et il y joignit une préface et des notes instructives : cette traduction a été réimprimée dans la Bibliothèque des romans grecs, où elle occupe les tomes 8 et 9. Larcher revint, en 1765, à la littérature anglaise ; et cette fois il traduisit un livre plus convenable à ses études, que ceux de Pringle et de Home, l’Essai de Chapman sur le sénat romain. Deux ans après, commencèrent ses querelles avec Voltaire. Quoique lié avec plusieurs des écrivains qu’on appelait philosophes, et même assez favorable à quelques-unes de leurs opinions[1], il ne voyait pas sans une certaine indignation les excès de Voltaire. Lorsque parut la Philosophie de l’histoire (1765), l’abbé Mercier de St-Léger et quelques autres ecclésiastiques pressèrent Larcher de réfuter cette production dangereuse ; et Larcher, cédant à leurs instances, composa le Supplément à la philosophie de l’histoire (1767, in-8°), ouvrage rempli d’érudition, de l’aveu même de Voltaire, et qui causa des accès de fureur à l’irascible vieillard. Il tâcha de répondre par la Défense de mon oncle, libelle honteux, où il s’est emporté contre son savant adversaire aux excès les plus condamnables. Larcher répliqua par la Réponse à la Défense de mon oncle (1767, in-8°) ; il y fait de pénibles et d’inutiles efforts pour tourner son esprit vers la plaisanterie : ce n’était pas avec cette arme qu’il pouvait lutter contre Voltaire. Les deux ouvrages de Larcher, le premier surtout, eurent beaucoup de succès, et commencèrent sa réputation. Le Supplément parvint même à une seconde édition (1769, in-8°) ; et quoique les écrits polémiques survivent rarement à la querelle qui les a fait naître, on peut encore aujourd’hui rechercher ceux de Larcher, à cause des discussions savantes qu’il y a répandues, surtout à cause de la traduction qu’il y a jointe de l’Apologie de Socrate, par Xénophon. Voltaire ne cessa de persécuter, d’insulter, avec une insolente grossièreté, Larcher, qui cessa de lui répondre. Les amis mêmes de Voltaire furent choqués de la violence de ses emportements. Larcher se chargea, quelque temps après, de revoir et d’arranger pour la presse


  1. Il a lui-même déclaré « qu’il résolut avec quelques-uns d’entre eux de détruire, autant qu’il serait en lui, la religion chrétienne. » Ce sont les termes précis de sa rétractation, datée du 5 mai 1796, pour n’être ouverte qu’après sa mort, et qui a été insérée, le 8 octobre 1814, dans l’Ami de la Religion et du Roi, t. 2, p. 663, d’après l’original.