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il abandonna ses occupations habituelles pour ne plus penser qu’à son salut. Il mourut à Paris le 1er février 1733, dans de grands sentiments de piété. Il avait été pourvu en 1724 de l’abbaye de Claire-Fontaine, au diocèse de Chartres ; et comme il était très-économe, il avait amassé de l’argent. Par son testament, rempli de clauses singulières, il légua une somme pour l’établissement d’une académie à Rouen ; mais le parlement annula cette disposition, et décida que la somme serait employée à fonder un prix annuel, auquel concourraient les élèves les plus distingués des différents collèges de Paris. On a de lui : 1° Nouvelle Histoire de France jusqu’à la mort de Louis XIII, Paris, 1718, 2 vol. in-fol. ; ibid., 1719, 8 vol. in-12. Le style, dit un critique judicieux, en est vif, net et châtié ; les faits y sont appuyés de bonnes preuves ; mais l’auteur, avec plus de talent encore, aurait eu bien de la peine à rendre intéressants les premiers siècles de notre histoire. 2° Mœurs et Coutumes des Français, Paris, 1712, ibid., 1753, in-12. Ce volume est extrait de l’ouvrage précédent, dont il forme la partie la plus curieuse. L’abbé Velly en a beaucoup profité pour les aperçus généraux qu’il donne à la suite de chaque époque (voy. Velly). l’ouvrage de Legrand d’Aussy, plus complet que celui de Legendre, ne l’a cependant point fait oublier (voy. Legrand d’Aussy). 3° Vie du cardinal d’Amboise premier ministre de Louis XII, Rouen, 1721, 2 vol. in-12. On trouve à la suite un parallèle de d’Amboise et des autres cardinaux qui ont occupé le ministère. Cet ouvrage fut critiqué amèrement par les journalistes de Trévoux. 4° Essai du règne de Louis le Grand. C’est un panégyrique de ce prince, dont cinq on six éditions furent enlevées rapidement, mais qu’on ne lit plus depuis longtemps. 5° Deux Éloges français et un latin de l’archevêque de Harlay, son bienfaiteur ; il a en outre donné la Vie de ce prélat (en latin), Paris, 1720, in-4o. Elle est bien écrite, remplie de faits et de détails curieux ; et en songeant au sentiment qui guide sa plume, on lui pardonne facilement d’abandonner quelquefois le rôle d’historien pour celui de panégyriste. 6° Les Éloges, en latin, de Claude Joly (voy. ce nom) et de Cl. Thévenin, tous les deux chanoines de Paris.

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LEGENDRE (Gilbert-Charles), marquis de St-Aubin-sur-Loire, naquit à Paris en 1688. Destiné à la magistrature, il reçut une éducation analogue, et fut pourvu de bonne heure d’une charge de conseiller au parlement. Il fut nommé en 1714 maître des requêtes ordinaires de l’hôtel du roi ; et après avoir rempli cet emploi pendant quelques années, il s’en défait pour se livrer entièrement à ses travaux littéraires. Il mourut à Paris le 8 mai 1746, sans avoir été marié. On a de lui : 1° Traité de l’opinion, ou Mémoires pour servir à l’histoire de l’esprit humain, Paris, 1733, 6 vol. in-12 ; ibid., 4° édition, 1758, 9 vol. in-12. Le désir qu’exprimait Pascal de voir le livre italien, Della opinione regina del mondo, donna au marquis de St-Aubin l’idée de son ouvrage. Il s’y propose de rabaisser l’orgueil de l’homme, en mettant sous ses yeux le tableau de ses contradictions et de ses excès. L’ouvrage est divisé en six livres, dans lesquels l’auteur passe successivement en revue les différentes révolutions qu’ont éprouvées les lettres, la philosophie et les sciences ; il s’attache à indiquer l’influence de l’opinion sur la culture des sciences, estimées dans un siècle, négligées ou même méprisées dans d’autres ; il fait voir les contradictions dans lesquelles sont tombés les plus grands hommes ; il peint leurs misérables querelles, leurs préjugés et leurs faiblesses. Cet ouvrage, aussi savant que curieux, aurait eu plus de succès, sans les digressions dont l’auteur l’a surchargé, et qui font perdre de vue le but qu’il s’était proposé. 2° Des Antiquités de la maison de France et des maisons mérovingienne et carlienne, Paris, 1739, in-4°. Son système sur la descendance de Hugues Capet est uniquement fondé sur un passage très-vague de la Chronique d’Helgaud, moine de l’abbaye de Fleury-sur-Loire ; et, malgré son érudition, Legendre n’a point éclairé ce point obscur de notre histoire. Cet ouvrage fut vivement critiqué par les journalistes, auxquels l’auteur répondit sans succès. 3° Antiquités de la nation et de la monarchie françaises, ibid., 1741, in-4°. Cet ouvrage est divisé en huit chapitres. L’auteur examine d’abord les différentes opinions des historiens sur l’origine des Français, et se décide pour celle de Goropius Becanus, qui fait sortir ces peuples de la Scythie. Il passe ensuite aux Gaulois, et les fait descendre des Celtes, dont il établit la généalogie depuis les enfants de Noé. Il y a beaucoup de recherches et d’érudition dans cet ouvrage : mais ses preuves n’ont pas satisfait les savants ; et Gibert l’a réfuté solidement dans ses Mémoires pour servir à l’histoire des Gaules et de la France (voy. Gibert). 4° Dissertation sur le temps et l’authenticité de Roricon (Mercure d’octobre 1741). La chronique de ce moine se termine à la mort de Clovis, dont le marquis de St-Aubin essaye d’établir que l’auteur était contemporain : mais le sentiment de l’abbé Lebeuf, qui le juge du 11e siècle (Acad. des inscr., t. 17, p.228), paraît avoir prévalu. W-s.


LEGENDRE (Adrien-Marie), un des plus profonds mathématiciens de notre époque, naquit à Toulouse en 1752. Envoyé de bonne heure à Paris, il termina au collège Mazarin ses études classiques, et il lui resta toujours un goût prononcé pour la littérature des anciens et une rare vénération pour leur génie scientifique. Dès lors, cependant, il se livrait à l’étude spéciale des mathématiques, avec une prédilection et une vigueur qui, ordinairement, donne peu de goût pour les grâces de la diction. L’abbé Marie, son professeur, le distingua et se plut à développer ses dispositions. Il ne s’était encore écoulé que peu de temps depuis sa sortie du collège, quand ce spirituel