Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 23.djvu/617

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triumvirat mathématique qui plaçait la France à la tête de la science européenne. Une bonne part même alors de la gloire de Laplace revint à Legendre, dont tant de fois les théorèmes ont suggéré des idées à Laplace, et qui tant de fois exécuta pour ce grand astronome des développements analytiques que trois hommes au plus en Europe (Lagrange, Gauss et lui) étaient capables d’exécuter. Lors de la création de l’université, Legendre en fut nommé conseiller honoraire a vie : il réunit à ce titre celui de membre de la commission d’instruction publique. Déjà il était membre du bureau des longitude et examinateur des candidats pour l’école polytechnique. La restauration ne lui laissa que ces deux dernières places. Du reste, Legendre était très-peu ambitieux, et trouvait satisfaisante une position de fortune peut-être un peu au-dessous de son mérite. Sa vie, depuis ce temps, présente encore moins d’événements que par le passé. Il est inutile de dire qu’il était de l’Institut comme il avait été de l’Académie des sciences, et qu’il jouait un des premiers rôles dans la section des sciences exactes. Les principales sociétés savantes de l’Europe se l’adjoignirent successivement. Reprenant encore plusieurs · des branches d'analyse qui l’avaient principalement occupé, il y ajoutait de nouveaux perfectionnements, il formait de toutes les pierres ’ éparses de majestueux et admirables édifices. Ainsi parurent et son Traité des fonctions elliptiques (1827, etc.), et la dernière édition de sa Théorie du nombres (1830). Il s’honora encore plus peut-être en applaudissant de toutes ses forces quand Abel et Jacobi entrèrent à leur tour dans la carrière, et s’occupèrent spécialement des fonctions elliptiques, à leurs succès inespérés, et surtout en s’adressant directement, avec Lacroix, Poisson.et Maurice, au roi de Suède, pour solliciter sa munificence en faveur du jeune analyste de Christiania (voy. Abel). Legendre ne survécut pas longtemps à la dernière révision de ses immenses travaux. Il mourut le 10 janvier 1853, âgé de plus de 80 ans. Poisson a prononcé sur sa tombe un discours contenant l’appréciation de ses découvertes. Legendre se classe à part et s’offre avec un caractère tout spécial parmi les contemporains, ses rivaux, par la fécondité, la vigueur et la persévérance d’invention, par la lucidité, la plénitude et l’élégance de rédaction. Il aborde les questions de front, il enlève les obstacles de haute lutte. Si les difficultés sont de celles qui résistent longtemps et semblent devoir résister toujours, il les amincit en quelque sorte a force de frapper sur elles, et elles finissent par ne plus exister. Il ne s’occupe pas de la métaphysique infinitésimale. Il va droit au fait, attaque avec toutes ses ressources et, si ce n’est assez, fait donner la réserve de substitution, de transformations, de formules subsidiaires. Parfois pourtant, il est permis de regretter qu’il se soit mis dans la nécessité de déployer tant de ressources, et l’on se demande s’il n’est pas certaines questions qu’il eut pu résoudre à moins de frais, en trouvant en quelque sorte le joint de la difficulté. Voici la liste des ouvrages de Legendre :1° Éléments de géométrie. Paris, 1794, in-8o ;2° édit. 1823, et, depuis 1823, un très-grand nombre de tirages. Les premières éditions ne comprennent pas la trigonométrie. Les dernières contiennent des notes importantes où il démontre, par l’analyse des fonctions, les principaux théorèmes sur les parallèles et les figures proportionnelles. Les Éléments de Legendre ont été traduits dans les principales langues de l’Europe. Ils l’ont même été en arabe, à l’usage des écoles créées par le pacha d’Égypte ; et nos anciens maîtres d’algèbre sont venus apprendre de nous leur géométrie oubliée. En France même, la vogue des Éléments de Legendre est un peu passée à présent ; des géométries élémentaires plus hautes, parce qu’en général on a plus l’habitude de l’atmosphère mathématique, ont pris la première place. 2° Exposé des opérations faites en France en 1787 pour la jonction des observatoires de Paris et de Greenwich, par Cassini, Méchain et Legendre, avec la description et l'usage d’un nouvel instrument propre à donner la mesure des angles à la précision d’une seconde, Paris, in-4o. Cet ouvrage, réuni aux mémoires 7° et 8° ci-après, forme comme un corps de renseignements pour sa fameuse opération de 1787. Ces deux mémoires en sont en quelque sorte la théorie ou en développent la théorie ; l’exposé en est l’histoire. C’est un excellent et curieux procès-verbal, où brillent d’ailleurs toutes les qualités de rédaction que nous avons signalées dans Legendre. 5° Exercices de Calcul intégral sur divers ordres de transcendantes et sur les quadratures. Paris, 1807, 3 vol. in-4o (y compris plusieurs suppléments). Ces exercices sont le fruit de plus de vingt ans de travaux silencieux, et rien mieux qu’eux ne prouve cette ténacité incroyable, caractère du génie de Legendre. On peut les diviser en deux classes : l’une consacrée aux fonctions elliptiques, l’autre qui roule sur diverses matières. Dans celle-ci, il faut remarquer surtout la deuxième et la quatrième partie, ou, reprenant en sous-œuvre les recherches qui avaient mené Euler a deux célèbres classes d’intégrales définies (celles que l’on appelle aujourd’hui intégrales eulériennes), il en pénètre toute la richesse, il épuise toutes les considérations dont ces transcendantes peuvent être l’origine ; il parvient à l’expression de la première classe des eulériennes par la seconde, à aide d’habiles réductions, et où, évaluant celles-ci avec toute la précision désirable, il donne, par les tables numériques qui supposent une persévérance infinie, les moyens de les calculer. Nous indiquerons de plus d’autres tables précieuses pour déterminer par approximation les valeurs les intégrales indéfinies de la deuxième classe, dont on a souvent besoin en haute analyse Dans la troisième et la cinquième partie, il ramène à une