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le double avantage de faire son éducation d’ingénieur à l’école des ponts et chaussées, sous Perronet ; et à l’école polytechnique, lors de sa formation, sous Monge, Lagrange et Prony. Nommé ingénieur ordinaire, il fut successivement attaché au ministère de la marine et à celui de l’intérieur. À peine élevé au grade d’ingénieur en chef, il justifia cet avancement par la construction du pont en fer d’Austerlitz (1806), et du pont en pierre d’Iéna (1807). Ce pont, comme celui de Neuilly, est horizontal ; il se fait admirer par l’élégance des formes et la hardiesse de la construction. En 1812, Lamandé fut chargé de continuer le pont de Rouen, commencé sur les dessins de l’ingénieur le Masson, frère du célèbre sculpteur. Il revint à Paris, en 1815, avec le grade d’ingénieur en chef du département de la Seine. Il en remplit si bien les fonctions difficiles, qu’il fut récompensé en 1855 par le grade d’inspecteur général. Après quarante-quatre ans de services non interrompus, il est mort à Paris, le 1er juillet 1857, lorsqu’il venait de terminer un mémoire : sur les moyens à employer pour la fondation des constructions hydrauliques. Ce mémoire a été imprimé, en 1858, dans les Annales du pont et chaussées, t. 15,p. 257.

F-Le.


LAMANNA (Jérôme), peintre et poète célèbre du 16e siècle, naquit à Catane, en Sicile, vers l’année 1580. Comme poëte il est connu par des rime,

insérées dans le recueil intitulé Poesie de’Signori accademici fantastici di Roma. Il a fait imprimer à part Licandro, tragi-comedia ; pastorale, idilli, rime. etc. Mais c’est surtout comme peintre qu’il est célèbre. Il mourut en 1640, laissant d’excellents tableaux dont plusieurs se voient encore dans les galeries napolitaines.

P-s.


LAMANON (Robert de Paul, chevalier de), naturaliste correspondant de l’Académie des sciences de Paris et membre de celle de Turin, naquit en 1752 à Salon, en Provence, d’une famille noble[1], mais peu favorisée des biens de la fortune. Ses parents le destinaient à l’état ecclésiastique ; et après avoir fait sa philosophie au séminaire de St-Charles, à Avignon, et sa théologie au grand séminaire d’Arles, il obtint un canonicat ; mais sa passion pour la physique et pour les mathématiques l’engagea en 1774 à résigner ce bénéfice, alla de se ménager plus de liberté dans ses travaux et dans ses opinions. Il se livra dès lors avec une grande ardeur à l’histoire naturelle. D’un tempérament robuste et d’une haute stature, il lui fut aisé de parcourir à pied les contrées les plus âpres de la Provence, du Dauphiné, de la Suisse, et une grande partie de la chaîne des Alpes et de celle des Pyrénées. Ces voyages durèrent plusieurs années. Dans un séjour momentané à Turin, il fit voir l’expérience alors nouvelle d’un ballon aérostatique. Étant venu de bonne heure à Paris, il s’y était lié avec Court de Gebelin et d’autres amateurs des sciences, auxquels il s’était joint pour fonder une société qui subsista pendant quelque temps sous le nom de Musée. Les premiers résultats de ses observations furent insérés dans le Journal de physique. On y trouve de lui, en 1780, un Mémoire sur des ossements fossiles de tortues des carrières d’Aix, en Provence. En 1781, il annonça de grands ossements de cétacés, découverts dans la rue Dauphine, à Paris, en creusant une cave. Dans un troisième mémoire en 1785, il décrivit et représenta quelques-uns des ossements fossiles que l’on trouve journellement dans le plâtre de Montmartre, entre autres un ornitholithe, et la tête de l’espèce d’animal que Cuvier a nommé depuis palæotherium. Dès l’année d’auparavant, 1782, il avait fait remarquer que les pierres gypseuses contiennent des coquillages d’eau douce. Ce fait l’avait même engagé, dit-on, à imaginer un système particulier sur la théorie de la terre. Il supposait que la surface actuelle des continents a été longtemps occupée par des espèces de lacs ou de grands étangs à différents niveaux, qui se sont desséchés successivement en rompant leurs digues et en laissant écouler leurs eaux vers la mer. Il attribuait la formation des vallées aux fleuves qui les parcourent ; et’ cet immense amas de cailloux roulés, si célèbre sous le nom de la Crau de Provence, lui paraissait spécialement dû à la Durance, qui, selon lui, avait coulé autrefois dans cet endroit. Une comparaison exacte qu’il avait faite des cailloux de la Crau et de ceux qu’entra ment les divers ruisseaux qui se rendent à la Durance lui avait suggéré cette idée. Il se proposait de développer son système dans un grand ouvrage sur l’origine et la formation des montagnes et des vallées, dont l’annonce fut insérée au Journal de physique à la fin de 1780, Mais avant d’y avoir mis la dernière main, son ardeur pour les recherches et les observations le détermina, sur l’invitation de Condorcet, à partir comme naturaliste dans la malheureuse expédition de la Pérouse, sans vouloir accepter de traitement, parce qu’il désirait conserver sa liberté et pouvoir quitter l’escadre s’il le jugeait plus convenable à ses projets. On sait qu’elle se composait de deux frégates, la Boussole et l’Astrolabe, et qu’elle mit à la voile le 1er août 1785. Lamanon était embarqué sur la Boussole. Le 24 de ce même mois d’août, il fit avec Mongez le jeune, sur le pic de Ténériffe, des observations de physique et de minéralogie qu’il envoya au Journal de physique ; elles y sont imprimées dans le deuxième volume de 1786. Plusieurs des officiers et des matelots de l’expédition ayant fait naufrage au port des Français, sur la côte nord-ouest de l’Amérique, le 15 juillet 1786, Lamanon composa l’inscription qui fut enfermée dans une bouteille au pied de leur cénotaphe. Lui-même était destiné à devenir victime d’un événement non moins fu-

  1. Bertrand IIIe, de Allamanon, mort en 1296, sénéchal de Provence, était l’un des meilleurs troubadours de son temps. Voy. les Vies des plus célèbres et anciens poètes provençaux, par J. Nostradamus, Lyon, 1575, p. 167.)