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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 24.djvu/12

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c et de ponts inachevés qui domptent sa tête su— perbe, il ne se souvient plus qu’on gémissant « de sa prospérité passée. Mais quittons ces ingrates pensées. » Ce fut pour détourner cet

orage pret à fondre sur le Rhin que Leibniz, de retour à Hayence, se remit au Comilium /Egypriacurn avec une ardeur nouvelle. Nous avons retrouvé à Hanovre ses études préparatoires pour ce projet d’une expédition en Égypte. Elles sont considérables ; ses recherches furent immenses : le cabinet de Boinebourg, si bien renseigné par Gravel, et ses relations avec la France, dut lui fournir des notes confidentielles sur les projets de Louis XIV et le dessein d’attaquer la Hollande. Leihniz, frémissant à cette pensée qui était le présage de grands maux pour l’Europe, et surtout pour l’Allemagne, lui montre du doigt l’Égypte, cette Hollande de l’orient, dont la conquête est assurée s’il veut l’entreprendre, et qui lui donnera des avantages plus réels et plus sûrs. Après ce premier travail volumineux, Leibniz en fit un second plus court, ou sommaire, puis une Lettre au roi Louis XIV, qui seuls ont paru jusqu’ici (1). Mais les circonstances ayant changé dans l’intervalle, et l’envoi de Boinebourg à Paris n’étant plus nécessaire, Leibniz résolut de s’y faire envoyer à sa place et d’obtenir ainsi les moyens de faire un voyage désiré, mais que l’état de ses linauces ne lui permettait pas d’entreprendre. Il lit deux notes, l’une en français, l’autre en latin, que Boinebourg envoya le 20 janvier 1672, sans nommer 1'auteur du projet et sans 1'expliquer. Il reçut l’accusé de réception de Pomponne, daté de St-Germain, 12 février. « On avait remis la lettre ainsi que le manuscrit au roi, qui trouvait là quelque chose de grand pour sa gloire, mais sans l’indication du moyen : il fallait qu’on s’expliquât, et il daignerait entendre la personne. » C’est ce qu’attendait Leibniz : il partit le 19 mars, accompagné d’un domestique, ses frais de route (cent écus) payés par Boinebourg, et muni d’une lettre pour Pomponne. Il futreçuen audiences St-Germain, expose ses plans. La proposition fut entendue, prise en considération, puis reietée. Pomponne répondit à Feuquières, ambassadeur à Mayence, qui y revenait le 4 juin, que « les guerres saintes avaient cessé d’être à la mode depuis St-Louis.» Le peu de IWCÖÖC cette alïaire le laissa libre d’y poursuivre en paix d’autres études. Son ardeur était extrême, et il ne restait guère à son hôtel de St-Quentin. On le retrouve partout dans ses notes de voyage : unjour, visitant le Louvre avec Scudéry ; un autre jour, inspectant les fabriques et s’informant des adresses des métiers auprès de nos ouvriers, les pre(ll L’histoire du Cossaîlima. Egpliaeanr est curieuse. Napoléon le fit demander au général ortier pendant l’occupation Îflllfllt' de la Westphalie par nos armes : et celui-ci, trompé par a bibliothécaire, qui avait caché le manuscrit volumineux dans la ville, n’obtint que la table des chapitres, un court sommlre qu’il envoya en France avec la leäre ù Louis XIV, et È a Ötéÿiblåå par MM. Hokmunus et alet de Viriville. Le oårláinal est nous presse ebez Firmin Didot, édit. Foucher tb .

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miers de l’Europe alors ; tantôt à l’oratoire, où il s’entretient avec llalebranche de sujets philosophiques (1), tantôt auprès de Huet, qui lui demande de revoir et d’abréger quelques auteurs anciens in umm Delplaini (2)* ; puis chez Clerselier, où il prend copie des manuscrits inédits de Descartes (5) ; chez Perrier, qui lui conlle ceux de Pascal. — Le

soir aux dernières représentations de Molière, qu’il

¿ défendit plus tard contre les docteurs anticomé-; diens ; ou bien chez Arnauld, où il refait le Pamet à qui il communique ses premiers éléments de Î Théodicée faits avant 1672 (4). Mais quelles que fussent d’ailleurs la variété de ses occupations et la

  • multiplicité de ses affaires, ce furent surtout les

mathématiques qu’il étudia pendant son séjour à . Paris. Lütllemagne ne pouvait les lui apprendre, Il a lui-même avoué plusieurs fois qu’il ne les connaissait pas avant le voyage à Paris, et que ses premiers maitres, Kuhnius entre autres, étaient tout à fait incapables de les lui enseigner. Paris au contraire était, avec Londres, l’un des principaux centres des sciences mathématiques. La révolution opérée par Descartes avait été soudaine, irrésistible, et Descartes mort, il restait encore les Fermat, les Pascal et les ilugens. Leibniz fait lui-même à Bernoulli, avec l’ouverture d’une véritable amitié, le récit de ses études mathématiques. « Lorsque je vins à Paris l’an 1672, lui écrit-il, j’étais un géomètre autodidacte, mais peu expérimenté, n’ayant pas la patience de parcourir les « longues séries des démonstrations. Étant enfant, « j’avais étudié l’algèbre élémentaire d’un certain « Langius, puis celle de Blavius ; quantà celle de « Descartes, elle m’avait paru trop difficile. Il « me semblait qu’une confiance assez téméraire « s’emparait de moi..l’osais aborder des livres plus « profonds, comme la Géométrie de Cavallieri « et les Éléments des curvilignes de Léotaud, que « j’avais trouvés par hasard à Nurenberg. Je voulais nager par moi-même, sans maître. C’est « à peine si j’avais lu l’histoire romaine..le me lis 5

l

(ll Ces entretiens avec Malebrnnche furent l’origine d’une correspondance qui se continua en 1079, et jusqu’en 1698. Leibniz flntt par le convertir ù sa Dynamique. On suit dans les dernières éditions de la Recherche de la vérité les progrès que Leibniz tit lui

sur.

(2) Il est très-probable que les Dialogues de Platonã qu'1l a traduits et abrégés, snlvia saatenlüs contmcli peu ant son séjour à`Pnris (1616 1, font partie de ces écrits quoique Guhrauer ait indigué seulement Martlanus Capelle. Ils sont du moins la preuve e ses études platoniciennes. On savait que Leibnia devait beaucoup à Platon, mais on ignorait qu’il eût traduit et D' l tamm nt le Phedon, le

abrégé plusieurs de ses tu ogues, no e Theétete et le Parménide, que non-seulement il l’ûet traduit, mais qu’il l’et1t imité dans toute une série de Dialogues aoemlrgues. Voir Nouvelles Leu. et opuae. isséd. de Leibniz, par A. Foucher de Careil, Paris, 1861.

(3) Voir œuvres inédites de Descartes, Lagrange, Paris, 1859. (4) C’eet lut-même qui nous l’apprend dans la préface de sa Théodicée : u Je communiquai à M. Arnauld un dialogue de ma a façon sur cette matière (la prédestination, injustice et la bonté de Dieui environ l’un 1613, ou je mettais déjà en fait que Dieu, u ayant choisi le plus parfait de tous les mondes possibles, avait n été porté par sa sagesse à permettre le mal qui y était annexé n mais qui n’em êchait pas que tout compte lait et tout rabattu, si ce monde ne ist le meilleur qui pitt être choisi. n Clest bien comme on voit, la Théodicée et Poptimiame avant 1612 : il avait apporté l’un et l’autre avec lui à Paris sous la forme de dialogues que 1'auteur se réserve de publier. /