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que cette année était la dernière du 17e siècle. La même question s’est renouvelée en 1800 dans les journaux. Mallemans, ayant pris parti contre Furetière dans la dispute sur le Dictionnaire de l’Académie, fut très-maltraité par son adversaire dans l’Apothéose de ce Dictionnaire. Il voulut s’en venger par sa Réponse à une critique satirique de 1696, qui est moins une réponse qu’une invective. Furetière lui riposta l’année suivante d’une manière très-piquante dans l’Enterrement du Dictionnaire de l’Académie ; ce qui fit abandonner à Mallemans le dessein de donner la seconde partie de sa réponse, qu’il avait annoncée. Goujet dit, d’arrès le P. Bougerel, que sur la fin de ses jours, Mallemans se retira dans la communauté des prêtres de St-François de Sales, où il mourut le 17 avril 1723, à 77 ans. Mais Mallemans, laïc et marié, ne pouvait point être reçu dans cette communauté, qui n’admettait que des prêtres ; et, étant né en 1653, il ne devait avoir que soixante-dix ans en 1723. — Jean Mallemans, son frère, fut d’abord capitaine de dragons ou d’ïnfanteríe ; il se maria, devint veuf, et finit par être chanoine de Ste-Opportune. C’était un homme singulier, qui affectait de s’écarter des opinions les mieux fondées en adoptant les plus insoutenables. Il se brouilla avec son frère, parce que celui-ci avait adopté le système de Descartes. Il trouvait que St-Augustin était un fort médiocre théologien qui n’entendait rien dans les matières de la grâce. Il mourut à Paris en 1740, après avoir publié les ouvrages suivants : 1° Traduction de Virgile, en prose poétique, dans laquelle il prétendit avoir expliqué cent endroits dont toute l’antiquité avait ignoré le vrai sens ; 2° Histoire de la religion, avec des réflexions, Paris, 1704, 6 vol. in-12 ; espèce de concorde que l’auteur estimait beaucoup, et dont le public n’a pas fait grand cas. 3° Pensées sur le sens des dix-huit premiers versets de l’Évangile de St-Jean, 1718. Sa critique est quelquefois assez juste ; mais on lui refusa le privilège pour un pareil travail sur les autres évangélistes, à cause des idées singulières qu’on y trouva. 4° Conduite pour entendre chrétiennement la messe, 1696 ; 5° plusieurs Dissertations, dans les Mémoires de Trévoux, sur des endroits de l’Écriture sainte. 6° Des Factum et requêtes dans les nombreux procès qu’il eut avec son chapitre. — Étienne Mallemans, frère des précédents, mort à Paris en 1716, s’était fait une certaine réputation par sa facilité à versifier. On ne connaît guère de lui que le Défi des Muses. Ce sont trente sonnets moraux, composés en trois jours sur les bouts-rimés proposés par la duchesse du Maine, et qu’il remplit de trente manières différentes ; il les aurait poussés jusqu’à la centaine, pour peu qu’on lui en eût donné le défi. On a de lui quelques chansons. Moréri entre dans un grand détail sur les diverses productions de ces trois frères. On croit que la Lettre du philosophe extravagant, dont on parla beaucoup au commencement du 18e siècle, et dans laquelle on faisait un dieu de l’étendue, était d’un autre Mallemans, d’une famille différente des précédents.

T-d.


MALLEOLUS (Felix), dont le vrai nom était Hœmmerlin, qu’il traduisit en latin, selon la coutume des savants de son temps, naquit à Zurich, en 1389. Après avoir commencé ses études dans sa patrie, il alla les continuer à Erfurt, s’y appliqua au droit canon, et y obtint le degré de bachelier. En 1411, on lui conféra un canonicat à Zurich, ensuite un semblable à Zoffingue ; et en 1425, il obtint encore la place de prévôt à Soleure. Il fut, la même année, créé docteur en droit canon à Bologne ; et comme il était favorisé (par la cour de Rome, la survivance à la place de prévôt, dans sa ville natale, lui fut assurée. De retour à Zurich, il se vit frustré de cette espérance ; les chanoines, qui ne l’aimaient point, en avaient nommé un autre à la place devenue vacante. Cet affront l’anima de plus en plus contre ses confrères ; il ne cessa depuis lors de déclamer contre la politique et la conduite du clergé, contre les grandes acquisitions des moines, et surtout il tonna contre les ordres mendiants ; dans ce sens il fut un des précurseurs de la réformation, quoiqu’il eût adopté tous les articles dogmatiques du concile de Bâle, auquel il assista. Son zèle n’aboutit qu’à lui susciter des ennemis irréconciliables. En 1439, se trouvant à Zurich, pendant que cette ville soutenait la guerre contre les cantons suisses, il y avait composé son fameux livre, Sur l’origine et les prérogatives de la noblesse, suivi d’un autre contre les Suisses, remplis l’un et 1’autre des sarcasmes les plus amers, contre le parti de ces derniers[1]. Le vicaire épiscopal de Constance, personnellement attaqué dans ce même écrit fit arrêter en plein jour le 18 février 1454, Hemmerlin en sa maison à Zurich, et le fit conduire dans les prisons de Constance. Malgré l’amnistie prononcée après la paix conclue entre Zurich et les cantons, il fut privé de son canonicat, et enfermé dans les prisons de Lucerne, où il mourut vers 1457. Ce fut pendant sa détention qu’il composa la plus grande partie de ses ouvrages ; car il possédait la plus riche bibliothèque du diocèse de Constance, et l’usage ne lui en fut jamais tout à fait interdit. Le nombre de ses écrits est considérable ; plusieurs, encore inédits, sont conservés dans les bibliothèques de Zurich. Sébastien Brand publia en 1497, la plus grande partie des écrits de Malleolus, sous ce titre : Felicis


  1. On en pourra juger par le passage suivant : Atrox calliditas, audax credulitas, cordax aspéritas, contumax bestialitas, dedax lupositas, dicax volpositas, edax hostilitas, efficax malignitas, fallax securitas, ferox immanitas, hypax curiositas, illex scurrilitas, mendax voluntas, mordax immanitas, minax improbitas, odax pompositas, olax iniquitas, perplex obstinacitas, pallax impietas, pertinax rigiditas, perspicax dolositas, pervicax inanitas, procax severitas, rapax insatistas, sagax perversitas, salax temeritas, sequax perversitas, tenax protervitas, trux impetuositas et vorax corrositas quarundam gentium, quæ vulgo Suitenses cum complicibus nominantur.