Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 26.djvu/658

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clémence pour Louis XVI, du récit de ce qu’il avait tenté pour être entendu. Cet écrit donna lieu à des perquisitions chez l’imprimeur. L’auteur, qui s’y était nommé, averti qu’on faisait des recherches contre lui-même, se hâta de s’éloigner. Toutes ces circonstances ont été rapportées dans l’Histoire du procès de Louis XVI par Méjan, Où se trouvent cités des passages étendus de la pétition. Sorti de France, après quelque séjour en Suisse et en Allemagne, Marignié passa en Angleterre, et y publia, dans le Journal général de l’Europe, plusieurs articles qu’il signa un Français d’autrefois, et dans lesquels il s’attacha à donner une idée plus exacte du véritable état des choses en France que celle qu’en avaient beaucoup de fugitifs comme lui, mais qui en étaient sortis depuis plus longtemps. Il s’aperçut bientôt qu’on lui savait peu de gré de réduire à leur juste valeur les illusions dont quelques autres feuilles publiques, et particulièrement le Times, entretenaient les esprits, en montrant comme touchant à son terme dès 1794 une révolution qui commençait à peine. Mallet-Dupan, dont îles opinions étaient plus en accord avec les siennes, lui rendait aussi plus de justice. La tourmente révolutionnaire étant un peu apaisée, il rentra en France en 1796. Son nom ayant été inscrit sur la liste des émigrés, tout ce qu’il possédait avait été saisi ; ses rentes sur l’État étaient tombées en déchéance ; son mobilier même avait été vendu et dispersé. Le seul moyen d’existence qui lui restât fut la traduction d’ouvrages anglais alors fort recherchés, surtout les romans, que les libraires se disputaient, distribuant les volumes d’un même ouvrage entre plusieurs traducteurs expéditifs, souvent étrangers les uns aux autres. À l’exception de la Vie de Garrick, Paris, 1801, 1 vol. in-12, et des Mémoires de Gibbon, publiés par Sheffield, 1797, 2 vol. in-8°, dont il fut le traducteur sous le voile de l’anonyme, nous ne saurions indiquer les titres des autres ouvrages qu’il traduisit alors. Dans le même temps, il accepta la proposition d’un imprimeur qui avait conçu l’idée de faire revivre le Journal général de l’abbé de Fontenay ; il en publia le prospectus et en poursuivit quelques mois l’entreprise, en conservant son ancien caractère. Mais sa situation d’émigré l’exposant à l’application des lois terribles de cette époque, ses amis en prirent de l’inquiétude et exigèrent qu’il renonçât à cette rédaction. L’événement ne tarda pas à justitier leur crainte ; la journée du 18 fructidor arriva, et dans les prescriptions qu’elle amena furent compris quarante-quatre journaux, leurs auteurs et coopérateurs. D’autres événements ayant succédé, il eut me part de coopération au Mercure, devenu célèbre par l’association de MM. de Fontanes, Chateaubriand, Bonald, et bientôt il se chargea de la rédaction du Publiciste. Le caractère d’indépendance et de juste mesure qu’il lui fit prendre, de concert avec Suard, l’un des propriétaires, l’exposa, sous le gouvernement de Bonaparte, a beaucoup de tracasseries. Plus d’une fois, il refusa d’y insérer des articles, en opposition avec ses copinions, qui lui étaient envoyés par la police. Enfin il put secouer ce joug, et il en fut redevable à Fontanes, qui l’appela successivement aux fonctions de secrétaire général de la questure du corps législatif et à celles d’inspecteur général de l’université. À la première entrée des alliés, en 1814, il publia, en l’adressant in l’empereur de Russie, une Lettre respectueuse, mais forte, où il s’élevait contre la déclaration donnée au nom des souverains alliés le soir même de leur arrivée, par laquelle ils prenaient d’engagement de reconnaître et de garantir la constitution que la nation française se donnera, invitant le sénat à préparer, c’étaient encore les termes de la déclaration, la constitution qui conviendra au peuple français. Voici un passage de cette lettre : « Les souverains alliés n’appellent point la nation française à s’occuper de ses plus grands intérêts à l’insu de son roi et des ’princes de son sang. Séparée d’eux, la nation française est incomplète. Une constitution à laquelle ils ne seraient appelés que pour souscrire et se soumettre ne serait pas à une constitution française. » Et il ne dissimulait pas son étonnement qu’une pareille invitation fût faite au sénat de Napoléon : « Ce corps, disait-il, auquel les souverains alliés ont cru devoir s’adresser, peut-être sans s’être assurés de l’opinion de la nation française à son égard. » Marignié adressa encore, in la même époque, une lettre à Benjamin Constant, en réponse à un article de cet écrivain, intitulé Des révolutions de 1660 et 1688 en Angleterre, et de 1816 en France, article tout apologétique de l’acte ou projet d’acte de constitution nouvelle proposé par e sénat. Au retour de Bonaparte en 1815, il refusa le serment imposé à tous les fonctionnaires publics, et se trouva ainsi de nouveau sans état et sans fortune. À la seconde rentrée du roi, sa santé ne lui permettant pas de continuer ses fonctions d’inspecteur général de l’université et son âge l’autorisent à prendre sa retraite, il la demanda et l’obtint. En même temps, le roi, qui lui avait accordé la décoration de la Légion d’honneur, y ajouta, en récompense de son dévouement à Louis XVI, sur l’exposé de toute sa conduite, qui fut mis sous ses feux, d’autres marques de sa bienveillance et de sa libéralité. Au mois de mai 1817, prenant la défense de son ami Bonald, attaqué dans le Journal de Paris, Marigníé publia un petit écrit ayant pour titre : Sur madame de Krudner, en réponse à l’article sur cette dame et contre M. de Bonald, inséré dans le Journal de Paris du 30 mai. Enfin, nous rappellerons qu’il publia dans les journaux, dans les Actes des apôtres et différents recueils, quelques morceaux de poésie, et qu’il avait fait recevoir au Théâtre-Français une comédie en vers intitulée le Pares-