seux, ou l’Homme de lettres par paresse, qui n’a pas été jouée et qui ne le sera probablement jamais, mais que l’auteur fit imprimer à Paris en 1823. Les événements de 1830 l’affligèrent si profondément que sa raison en parut altérée. Il se retira dans son pays, où il mourut peu de temps après. Outre les ouvrages que nous avons cités, il a publié : 1° Bagnères vengée, ou la Fontaine d’Angoulême, Bagnères, 1817, in-8°. Cette pièce fut vendue au profit des pauvres de Bagnères. 2° (en anglais) le Roi ne peut jamais avoir tort ; le roi ne peut mal faire, Paris, 1819, in-8°. M-n j.
MARIGNY (Enguerrand de), d’une ancienne
famille de Normandie dont le nom était Leperrier,
parut à la cour sous le règne de Philippe le
Bel avec tous les avantages extérieurs et ceux
de l’esprit le mieux cultivé. Ce monarque sut
bientôt l’apprécier ; il le chargea dans plusieurs
occasions du commandement de ses armées contre
les Flamands, et lui confia le soin des négociations
les plus importantes avec ces peuples
révoltés. Satisfait de plus en plus de l’habileté
qu’il y montra, Philippe le nomma successivement
chambellan, comte de Longueville, châtelain
du Louvre, surintendant des finances, grand
maître d’hôtel, principal ministre, et enfin, selon
le texte de la grande Chronique de St-Denis, son
coadjuteur au gouvernement du royaume. Des faveurs
aussi subites et aussi multipliées ne pouvaient
manquer d’exciter l’envie, et les malheurs
du règne de Philippe le Bel, suivis de malheurs
plus grands encore pendant celui de Louis X,
ourdirent d’amples matières aux détracteurs du
favori. Ses ennemis furent cependant contraints
au silence tant que vécut Philippe ; mais dès que
ce prince eut fermé les yeux, la jeunesse et la
timidité de son successeur ne leur inspirant plus
ni crainte ni retenue, ils se livrèrent ouvertement
à toute leur fureur. Le plus implacable de ces
ennemis fut le comte Charles de Valois, oncle de
Louis X. Ce prince était fort irrité des mauvais
traitements que l’on avait fait essuyer in Gui de
Dampierre, malgré l’assurance qui avait été donnée
ce seigneur que sa personne serait respectée.
Le comte Charles considérait Marigny comme
le principal auteur de cette violation de paroles
solennelles que lui-même avait portées au nom
du roi son neveu (voy. Dampierre). La haine du
comte de Valois s’était encore augmentée par un
différend survenu entre les seigneurs d’Harcourt
et de Tancarville pour un moulin dont ces deux
seigneurs se disputaient la propriété. Le prince
prit le parti du duc d’Harcourt ; le ministre se
déclara pour Tancarville. Charles s’exprima avec
violence et dureté ; Marigny répondit avec une
noble fermeté. Le seigneur de Tancarville gagna
son procès, et le comte de Valois ne pardonna
jamais ce triomphe au surintendant. Louis X ayant envoyé son oncle dans les provinces pour y recueillir les plaintes et apaiser les révoltes, Charles ne parvint à calmer les esprits qu’en diminuant les impôts et surtout en sacrifiant le ministre, qu’il lit considérer comme l’auteur de tous les malheurs publics. Enguerrand avait eu longtemps toute l’administration du royaume avec un pouvoir absolu, et s’il n’est pas vrai qu’il en eût abusé aussi indignement que le lui reprochaient ses ennemis, au moins est-il bien
sur qu’il n’était pas à cet égard tout à fait sans reproche ; son tort le plus réel était, au reste, d’avoir favorisé la passion de Philippe le Bel pour le luxe et la dépense, en tolérant et en inventant lui-même divers moyens à la charge du peuple, tels que l’altération des monnaies et l’accroissement des impôts ; mais tout cela ne s’était fait que par les ordres du souverain. Malgré tant d’exactions, il était resté si peu d’argent au trésor royal, qu’on n’y trouva pas de quoi subvenir aux frais du sacre de Louis X. « Où sont donc, dit un jour ce monarque dans un conseil préparé
par le comte de Valois, les décimes qu’on a levés sur le clergé ? Que sont devenus tant de subsides ? où sont toutes les sommes produites par tant d’altération de monnaie? — Sire, dit le prince Charles, Marigny a eu l’administration de tout ; c’est à lui à en rendre compte. » Enguerrand déclara qu’il était prèt à le faire quand le roi le lui ordonnerait : « Que
ce soit tout maintenant, reprit l’oncle du monarque. — J’en suis content, répondit le ministre : je vous en ai donné, monsieur, une grande partie. — Vous en avez menti ! s’écria le prince en fureur. — C’est vous-même, par
Dieu, sire, » répliqua le surintendant, outré d’un tel affront et assez peu maître de lui pour oublier qu’il parlait devant son souverain et au premier prince du sang. Charles, transporté de rage, mit l’épée à la main. Enguerrand parut vouloir se défendre ; et ils se seraient portés l’un et l’autre à de funestes extrémités, si les gens du conseil ne les eussent séparés. Dès lors le prince ne garda plus aucun ménagement, et il fit insinuer au jeune monarque par toutes ses créatures que, dans l’état de misère et de disette où se trouvait la France, le surintendant était la seule victime qu’il fallût livrer à la fureur du peuple. Quelques jours après la scène du conseil, le malheureux Enguerrand, trop confiant dans son innocence, vint à la même assemblée, selon sa coutume. L’ordre était donné pour l’arrêter. On lui demanda son épée au moment où il entrait chez le roi ; et on le mit en prison dans la tour du Louvre, dont il était châtelain. Il fut bientôt transféré au Temple ; et dans le même temps on arrêta son ami, Raoul de Presles, l’un des plus célèbres avocats de ce temps, dont on craignait le courage et les lumières. Ce malheureux fut accusé vaguement de la mort du feu roi ; et l’on
n’allégua pas d’autre motif pour le priver de sa liberté et confisquer ses biens, qui ne lui furent pas même rendus lorsque son innocence eut été