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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 28.djvu/494

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1850 le buste en marbre d’Honoré Fragonard, dont Moine, son ami, avait reçu la commande au moment de sa mort. Moine, dont le nom a joui d’un succès de vogue, grâce au mouvement romantique auquel il s’était associé, grâce aussi à l’engouement dont la critique s’était éprise pour lui, ne nous a rien laissé de vraiment durable. Cet artiste avait fait naître des espérances qui n’ont pas été entièrement réalisées. Moine était un artiste de goût, chercheur, indécis, ressentant parfois la verve, mais rien de plus. Il a manqué à cet esprit impatient et chagrin les longues et sérieuses études qui font les maîtres. Il eût fallu à cette nature lymphatique des succès faciles. Un des premiers il inaugura la statuette. On se rappelle la Dame au faucon, le Sonneur d’oliphant (gravé par Delaplante), la Esméralda, Phæbus, Don Quichotte, et son Grognard. Comme paysagiste, Moine s’est rapproché de l’école anglaise. Il a été plus ornemaniste que statuaire. Enfin comme pastelliste, il est plus gracieux que vigoureux. J. Depierre a lithographié un Enlèvement de Déjanire, d’après Moine. Il existe un œuvre lithographié, assez faible d’ailleurs, exécuté tant par Moine que par d’autres artistes, d’après ses tableaux ou ses bustes, contenant une série de portraits et des têtes de vierges. Le journal l’Artiste avait encouragé et peut-être exalté les débuts de Moine (1882, t. 4) dans un article bienveillant qu’accompagnait un portrait lithographié par Gigoux. Le même journal (1849, t. 5) a fourni une excellente notice ou M. P. Mantz apprécie très-judicieusement le genre de talent de Moine. Quelques lignes et un portrait ont aussi été consacrés à la mémoire de ’artiste qui nous occupe dans l’Illustration du 19 janvier 1850. Le Magasin pittoresque a reproduit par la gravure le Lutin tourmentant un dragon (t. 1", 1833), un Bénitier (t. 1, 1836). — Le musée du Havre possède un groupe que Moine avait exécuté pour le duc d’Orléans. Le musée de St-Étienne possédera bientôt le buste en bronze du sculpteur auquel elle a donné le jour, et qui est dû au ciseau de M. P.-D. Tragin (il figurait au salon de 1853).

Les événements politiques avaient dérangé la fortune de Moine, et découragé cet esprit peu fait pour la lutte ; aussi, voyant la vogue s’éloigner de lui, redoutent peut-être la misère dans l’avenir, l’élève de Gros, par une fatale coïncidence, mit fin à ses jours à Paris le 18 mars 1849.

H. ne C.

MOIR (David-Macbeth), poëte anglais, né à Musselbourg, dans le comté d’Édimbourg, le 5 janvier 1798, fut élevé à l’école primaire de cette ville, et à l’âge de treize ans entra chez un docteur de l’endroit pour apprendre la médecine. Il se livra avec ardeur à l’étude de cette profession ; mais en même temps il consacrait ses loisirs à des élucubrations littéraires. Dès l’année 1812, il composa quelques poëmes où l’on trouvait de la correction, mais peu d’originalité ; bientôt il publia des essais en prose dans un recueil périodique de la localité. Après quatre années de service chez le docteur dont nous avons parlé, il fréquente l’université d’Édimbourg et reçut son diplôme de médecin en 1816. Son intention était d’abord d’entrer dans l’armée ; mais les guerres venaient de finir. Voyant qu’il y aurait de ce côté peu de chances d’avancement, il abandonna ce projet et rentra dans sa ville natale. Moir sembla d’abord vouloir s’occuper exclusivement de littérature, il écrivait dans le Seau Magazine ; il publia vers cette époque sous le voile de l’anonyme le Bombardement d’Alger et autres poëmes qui n’avaient rien de bien saillant. Il se fit aussi connaître avantageusement comme orateur dans une société politique dont il était membre, the Musselburgh Forum. David Moir était devenu l’aide (partner) du docteur Brown, dont la clientèle était fort étendue ; il remplissait les fonctions de médecin avec un zèle et une conscience qui ne se sont jamais ralentis. Mais, sa journée mie, il employait une partie de la nuit à des travaux littéraires. Il était le collaborateur assidu du Constable Magazine, à Édimbourg. Le Blackwood’s Magazine venait de se fonder ; ce fut en 1817 que Moir adressa des vers au nouveau recueil. Ils y parurent sans signature ; il est donc assez difficile aujourd’hui de déterminer les poésies de cette époque qui lui appartiennent. L’auteur a négligé plus tard de les réunir dans ses œuvres, ce qui a donné lieu à une singulière méprise. L’auteur de Self-Control, mistress Brunton, ayant lu des vers du docteur Moir non signés et les trouvant de son goût, les copia et les déposa dans son tiroir ; après la mort de cette dame, on découvrit la Bièce de vers, qu’on lui attribua et qui a été publiée dans la notice en tête de son conte posthume d’Emmeline. Le premier travail de Moir avec sa signature (un Δ, delta, signe qu’il a toujours conservé et sous lequel il était connu) parut en janvier 1820 dans le Magazine ; c’est le poëme d’Emma, plus tard appelé Sir Ethelred. Le delta continua pendant plus de trente ans à figurer avec succès dans les colonnes du Blachoood’s ; quand Moir se livrait à des effusions comiques, telles que the Eve of St-Jerry, ou the Auncient Waggonere, le signe triangulaire, réservé aux productions plus sérieuses, était laissé de côté. Lié avec John Galt, Moir termina en 1823 la nouvelle le Dernier des lairds, que celui-ci avait laissée inachevée en partant pour l’Amérique. Les compositions poétiques de Moir, qu’il prodiguait un peu trop, se distinguent en général par des qualités essentielles : une grande variété de style et de rimes, une fantaisie gracieuse et délicate, beaucoup d’âme et d’ingénuité. C’est ce qu’on remarque dans son poëme la Légende de Geneviève, qui parut en 1823 dans le Blackwood’s et en 1825 en volume. On y découvre un sentiment profond de cette pittoresque nature de l’Écosse,