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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 28.djvu/666

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Monstrelet embrassent les années de 1400 à 1453 : elles commencent précisément où finit Froissart, quoique le premier chapitre de Monstrelet remonte à 1380 et présente un abrégé de l’histoire de Charles VI depuis son couronnement. On a reproché à notre historien d’être diffus, parce qu’en trois gros volumes in-folio il ne donne que l’histoire de cinquante- trois ans ; mais ses Chroniques réunissent une immense quantité de pièces justificatives très-précieuses : y a inséré textuellement des édits, des harangues, des plaidoyers, des défis et des traités. C’est une mine féconde à exploiter pour les savants qui veulent discuter les faits et en approfondir les causes. Monstrelet a écrit avec cette naïveté, cette simplicité qui faisait le principal caractère des écrivains du 15e siècle : il se distingue des autres historiens en a puyant sa narration sur les pièces mêmes, qu’il rapporte en entier, ce qui la rend diffuse et languissante. Rabelais, dans son Pantagruel, l. 3, ch. 24, maltraite singulièrement Monstrelet, et, avec ses expressions originales de malice et de méchanceté, il lui reproche « d’être baveux comme un pot à moutarde, et lui assigne a un chaperon vert et jaune à oreilles de lièvre. » On sent que le jugement du satirique curé de Meudon, contredit par des témoignages infiniment moins légers que le sien, ne peut être d’aucun poids, le graveleux docteur ayant souvent exercé la licence de ses plaisanteries sur des choses qui méritaient tout son respect. La Chronique d’Enguerrand de Monstrelet, commençant à l’année 1400, devrait finir à 1453, époque de sa mort. Son continuateur (que M. Dacier soupçonne être Jacques Duclerq) l’a portée jusqu’en 1467, et inhérents éditeurs, par d’autres continuations, l’ont prolongée jusqu’en 1516. La première addition n’est autre Chose que la Chronique de Louis XI, connue sous le nom de Chronique scandaleuse, attribuée à Jean de Troyes, greffier de l’hôtel de ville de Paris. Toutefois il se trouve des différences au commencement de ces deux ouvrages, qui ne deviennent une même chose qu’au débordement de la Seine et de la Marne, arrivé en 1460. La seconde continuation comprend tout le règne de Charles VIII ; elle est de Pierre Desrey : on la trouve littéralement reproduite à la suite de la traduction de Gaguin, par le même Desrey ; à la fin de la Chronique de Bretagne, par Alain Bouchard, et dans le Charles VIII de Godefroy. Il y a différentes éditions des Chroniques de Monstrelet. Antoine Verard, de Paris, en a donné sans date deux différentes, chacune en 3 volumes in-folio, qui ne vont que jusqu’à 1467, et sur lesquelles on peut consulter le Manuel du libraire. Les plus anciennes éditions avec date sont celles de J. Petit et Lenoir, 1512, et de Fr. Regnault, 1518, publiées aussi à Paris, chacune en 3 volumes in-folio. Voici le titre de celle de Pierre L’Huilier, Paris, 1572 ; c’est presque une analyse de l’ouvrage : « Volume premier des Chroniques d’Enguerrand de Monstrelet, gentilhomme, jadis demeurant à Cambray en Cambresis, contenant les cruelles guerres civilles entre les maisons d’Orléans et de Bourgongne, l’occupation de Paris et Normandie par les Anglois, l’expulsion d’iceulx, et autres choses mémorables advenues de son tems en ce royaume, et pays étranges. Histoire de bel exemple et grand fruit aux François, commençant en l’an uccce, où finist celle de Jean Froissart, et finissant en l’an MCCCC. LXVII, peu outre le commencement de celle de messire Philippe de Comines ; revue et corrigée sur l’exemplaire de la librairie du roy, et enrichie d’abbregez pour l’introduction d icelles, et de tables fort copieuses. » La bibliothèque de Paris possède un exemplaire de cette dernière édition, provenant du savant Huet, évêque d’Avranches : il contient plusieurs notes manuscrites très-précieuses, et une table chronologique faite aussi de sa main, présentant les diverses branches issues de Charles VI, de Charles VII et de Louis XI, aux règnes desquels ces chroniques se rapportent.

L’édition que Denis Sauvage a donnée de ces Chroniques (Paris, Chaudière, 1572, 3 vol. in-fol.), quoique plus belle que les précédentes, est des moins estimées, parce que cet historiographe a changé beaucoup de mots et de phrases, dont même il n’a pas toujours rendu le sens. La traduction anglaise, par Thomas Johnes, imprimée en 1809, Hafod, 4 vol. in-4°, (pour faire suite à l’édition de Froissart, sortie des mêmes presses, a aussi été tirée in-folio, et a reparu à Londres, 1810, en 12 volumes in-8°. La meilleure édition des Chroniques de Monstrelet est celle qu’en a donnée Buchon, Paris, 1826-1827, 15 vol. in-8°, entièrement refondue sur les manuscrits de la bibliothèque de Paris, avec des notes et éclaircissements. En tête du 1er volume se trouve un mémoire sur Monstrelet. Bullart, dans son Académie des sciences et des arts, Amsterdam, Elzevir, 1680-, 2 vol. in-fol., et Foppens, t. 1", p. 263, de sa Bibliothèque belgique, nous ont donné le portrait de Monstrelet. La bibliothèque de Paris possède trois beaux manuscrits de ses Chroniques, et de Bure a détaillé les beautés d’un exemplaire manuscrit qui se trouvait dans la bibliothèque du duc de la Vallière.

D-os.



FIN DU VINGT-HUITIÈME VOLUME