à se nourrir de la chair des phoques qu’ils assommaient sur une île déserte, et un coup de vent, qui les empêcha de faire avancer leurs chaloupes contre Buenos-Ayres, les contraignirent de retourner au nord le long de la côte du Brésil. Ils gagnèrent une île du port de St-Sébastien, où est aujourd'hui la ville de Rio-Janeiro. L'équipage affamé se partagea en plusieurs bandes : les uns allèrent à la pêche, d’autres cherchèrent des fruits dans les bois. Sur ces entrefaites, des sauvages débarqués dans l’île s’avancèrent à travers des broussailles et se saisirent de cinq Anglais, du nombre desquels était Battel. Ces prisonniers furent menés aux Portugais, et n’éprouvèrent d’autre désagrément que celui de la perte de leur liberté. Au bout de quatre mois, Battel et un de ses compagnons furent mis à bord d’un paquebot destiné pour St-Paul-de-Loanda à la côte d’Afrique. Au sortir du bâtiment, Battel fut emprisonné, et bientôt après conduit à 430 milles de distance dans un fort sur les rives du Couanza. Il y menait depuis deux mois une existence fort triste, quand la mort subite d’un pilote portugais lui fit confier le commandement d’une péniche qu’il fut chargé de faire descendre le fleuve jusqu’à Loanda. Une maladie terrible le tourmente pendant huit mois ; quand il eut recouvre la santé, le gouverneur de Loanda le chargea de conduire un petit navire qui devait aller chercher de l’ivoire, de l’huile de palme et du blé dans le Zaïre. Son expédition fut heureuse, ce qui lui valut de nouvelles commissions du même genre et la promesse de sa liberté, s’il continuait à servir avec le même zèle. Cependant il essaya de se sauver sur un navire hollandais ; mais ayant été découvert, il fut ramené à terre, jeté dans un cachot ou il passa deux mois, et banni ensuite à Massangano dans l’intérieur, où il resta six ans. S’étant enfui alors, avec plusieurs compagnons d’infortune, il fut repris par les Portugais et traine à Loanda. Il y était au cachot, depuis trois mois, quand on le fit entrer dans une troupe de quatre cents bannis qui venaient d’arriver du Portugal, et qui parlaient pour la province d’Ilhamba. Battel était condamné à porter les armes pendant toute sa vie au service du roi de Portugal dans le Congo. L’armée fit de nombreuses conquêtes et un butin immense. Battel, blessé grièvement à la jambe, fut ransporté à Loanda, puis employé à commercer le long de la côte. Ayant pris part à une expédition militaire dans l’intérieur, les Portugais, ses compagnons, le laissèrent en otage aux nègres en lui promettant de revenir dans deux mois et lui donnant un fusil et une petite provision de munitions. Le terme expiré, Battel fut traité avec rigueur, cependant il avait la faculté d’aller d’un lieu à un autre, et il en profita pour parcourir le pays. Au bout de seize mois les nègres revinrent vers l’ouest ; Battel, qui avait constamment joui de beaucoup de considération parmi eux la cause de son fusil, profita d’un moment favorable pour se rendre à Massangano. Le gouverneur portugais le créa sergent ; et l’armée remporta de nombreux avantages. Battel servait depuis deux ans, lorsque des, missionnaires annoncèrent la mort de la reine Elisabeth, l’avènement de Jacques Ier, et la conclusion de la paix avec les Espagnols, alors maîtres du Portugal. Battel déclara son intention de retourner dans sa patrie ; le gouverneur y consentit, mais ensuite il rétracta sa parole. Battel irrité se retira dans les bois, résolu d’y vivre jusqu’à l’arrivée d’un nouveau gouverneur qu’on attendait. Un jour qu’il s’était rapproché de la mer, il rencontra une chaloupe dont le patron était de ses amis, et qui consentit à le mettre à terre dans le port de Loango. Il y demeura trois ans parmi les nègres, revint ensuite à Leigh, dans le comté d’Essex, où il passa tranquillement le reste de ses jours. Le récit de ses aventures, publié par Purchas, qui l’a inséré dans son recueil, t. 2, liv. 7, porte ce titre un peu extraordinaire : les étranges Aventures d’André Battel, de Leigh, en Essex ; envoyé par les Portugais, prisonnier à Angola, et qui a vécu là ainsi que dans les contrées voisines pendant près de dix-huit ans. Pinkerton a réimprimé cette relation dans sa Collection de Voyages, t. 16. On en trouve l’extrait dans l’Histoire des Voyages de Prévost, et dans tous les livres de ce genre. Purchas nomme Battel son cher voisin et rend témoignage à ses lumières et à sa bonne foi ; ils travaillèrent de concert à rédiger sa relation. Elle confirme sur beaucoup de points celle de Lopez (voy. ce nom), et donne également beaucoup de détails intéressants sur les mœurs des nègres du Congo. Battel parle en témoin oculaire de l’horrible anthropophagie des Jagas. La traduction de Prévost est peu exacte ; elle a été reproduite sans changements dans l’Histoire générale des Voyages de M. Walckenaer. Quelques écrivains ont voulu révoquer en doute la véracité de Battel ; mais l’autorité d’un homme aussi judicieux que Purchas doit faire cesser la défiance inspirée aux lecteurs sérieux par le titre du livre. Les Anglais en font d’autant plus de cas, que c’est la première relation originale donnée dans leur langue où l’on trouve des renseignements sur le Congo.
BATTEUX (Charles), chanoine honoraire de
Reims, né le 7 mai 1715 à Allend’huy, de l’ancien
diocèse de Reims, passa dans cette ville ses premières
années, y professa la rhétorique à vingt ans ;
sa reconnaissance pour les encouragements qu’il reçut
de la part des Rémois lui inspira en 1759 une ode
latine (in Cívitatem Remensem), qui fut traduite par
de Saulx, chanoine de l’église cathédrale, et chancelier
de l’université de la même ville. En 1750, Batteux
fut appelé à Paris, où il enseigne les humanités et la
rhétorique dans les collèges de Lisieux et de Navarre.
Ce fut en qualité de professeur et au nom de
l’université qu’il prononça deux discours latins, l’un
sur la Naissance du duc de Bourgogne, et l’autre
de Gustu veterum in studíis litterarum retínendo.
Nommé professeur de philosophie grecque et latine
au collège royal, il remplit avec distinction cette
chaire, qui fut supprimée quelques années avant sa
mort, et remplacée par la chaire d’éloquence française,
que l’abbé Aubert, son disciple et son ami,
occupa le premier. Batteur fut admis a l’académie des
inscriptions en 1754, et entra en 1761 à l’Académie
française. Chargé plus d’une fois de représenter cette