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place du temple de Dieu, et séduit par la promesse tant de fois réitérée à ce peuple vain et crédule, qu’il devait triompher de toutes les nations, étaient très-disposés à se révolter contre les Romains. Barcokheba profita de leur mécontentement : il assembla une nombreuse armée, se fit saluer solennellement roi et messie, surprit plusieurs forteresses, établit à Bither le siège de sa puissance, fit battre monnaie à son nom, se fit couronner roi, et fut joint par tous les brigands des contrées voisines, que l’espoir du pillage attirait auprès de lui. Il exerça toutes sortes de ravages dans le pays, déchargeant principalement sa fureur sur les chrétiens, qu’il regardait comme des apostats de la religion juive (151 après J.-C.). L’empereur négligea d’abord de réprimer ces brigandages. Tinnius Rufus, qui commandait en Judée, fut battu en plusieurs rencontres. Il fallut faire marcher contre les Juifs Jules Sévère, l’un des plus habiles généraux de l’empire ; mais les révoltés étaient si nombreux, que, n’osant les attaquer en bataille rangée, il se borna à les harceler, à les serrer de près, à leur couper les vivres. Après les avoir ainsi affaiblis, il les assiégea dans Bither. Barcokheba, qui s’y était renfermé, fit mourir le rabbin Tryphon, pour avoir proposé de capituler. La ville fut prise d’assaut, le faux messie périt dans la mêlée, et toute son armée fut passée au fil de l’épée. Les auteurs juifs racontent que, lorsqu’on voulut enlever le corps de l’imposteur pour le montrer à Adrien, on trouva autour de son cou un serpent qui effraya les porteurs, et que le prince reconnut alors que Dieu seul avait pu tuer cet homme. Les mêmes auteurs ajoutent qu’il périt plus de monde dans cette guerre qu’il n’en était sorti d’Égypte, sous la conduite de Moïse ; que les ruisseaux de sang entraînaient des pierres de quatre livres jusqu’à la nier, éloignée de quatre milles ; que, pendant sept ans, on n’eut pas besoin de fumer les terres des environs, etc. Du reste, Dion représente cette guerre comme une des plus cruelles qu’on eût vues, et il dit que les Romains y perdirent un grand nombre de leurs meilleures troupes. Elle avait duré plus de deux ans, et ne fut terminée qu’en l’an 136 de l’ère chrétienne. Adrien, voulant prévenir le retour d’une pareille révolte, fit raser la ville de Jérusalem, qui fut ensuite rebâtie sous un autre nom. Dès cette époque les Juifs cessèrent de former un corps de nation. Ils ont dans leur liturgie un jour de jeûne solennel, des prières et des hymnes destinées à perpétuer la mémoire de ce terrible événement. Un écrivain. allemand a publié une histoire de cette guerre sanglante, sous ce titre : Der Judische Krieg unter den Kaisern Trajan und Hadrian, Altona, 1821. Bossuet, dans son explication de l’Apocalypse, a rapproché diverses circonstances d’après lesquelles il croit que Barcolkheba était l’étoile dont il est parlé dans le 8° chapitre de ce livre mystérieux. T-d.


BARCOS (Martin de), naquit en 1600, à Bayonne, d’une famille distinguée. Le célèbre abbé de St-Cyran, son oncle maternel, après lui avoir donné les premiers éléments des sciences, l’envoya étudier la théologie à Louvain, sous Jansénius, depuis évêque d’Ypres. Le cardinal de Richelieu voulut se l’attacher : mais le jeune de Barcos, qui avait déjà des liaisons avec la famille des Arnauld, préféra de se charger, par pure amitié, de l’éducation du fils de d’Andilly ; puis il se retira auprès de son oncle, et s’associa à tous ses travaux. C’était l’époque où les réguliers d’Angleterre, ayant les jésuites à leur tête, attaquèrent la juridiction des évêques. Barcos fit à cette occasion, pour la défense du clergé de France et de la Sorbonne, qui avaient censuré les livres des jésuites anglais, un ouvrage composé sous la direction de son oncle, auquel on l’attribue communément, sous le titre de Petrus Aurelius. Ce livre, où les droits du second ordre sont quelquefois sacrifiés aux prérogatives du premier, fut approuvé par trois assemblées consécutives, et imprimé aux dépens du clergé, qui fit d’inutiles recherches pour en découvrir l’auteur, afin de lui donner des preuves de sa reconnaissance. L’abbé de Barcos avait inséré, dans la préface du livre de la fréquente Communion, cette proposition incidente, « que St. Pierre et St. Paul sont les deux chefs de « l’Église qui n’en font qu’un.» Rome en fut alarmée, et vit en cela le projet d’admettre deux papes avec une autorité égale. C’est sous ce rapport que cette proposition fut censurée, malgré l’explication qu’il en donna dans deux écrits, intitulés, l’un, la Grandeur de l’Église romaine ; et l’autre, Traité de l’autorité de St. Pierre et de St. Paul. Cette disgrâce ne l’empêcha pas d’être pourvu de l’abbaye de St-Cyran, après la mort de son oncle, en 1644. Quelques années après, il s’y retira, releva tous les bâtiments claustraux, répara les murs de l’église, meubla la sacristie, enrichit la bibliothèque, rétablit la discipline monastique dans toute sa rigueur, donna lui-même l’exemple de la régularité la plus stricte, comme s’il y eût été obligé par une profession solennelle. Il composa même en latin un commentaire sur la règle de St-Benoît, pour en faciliter l’intelligence et la pratique aux religieux. Son attachement à la cause de Port-Royal lui valut une lettre de cachet qui l’exilait à Boulogne ; mais il l’évita en se cachant, et ne reparut qu’après que la paix eut été rendue a l’Église, en 1669. Il revint alors à son abbaye, où il mourut, le 22 août 1678. Dans les disputes au sujet du formulaire, l’abbé de Barcos ne fut pas toujours d’accord avec Arnauld, Nicole et les autres théologiens de Port-Royal, trouvant tantôt qu’on accordait trop, tantôt qu’on n’accordait pas assez ; mais sur le fond de la doctrine, il n’y eut jamais la moindre dissidence entre eux. C’est à la défense de cette doctrine que sont consacrés les nombreux écrits sortis de sa plume, dont on trouve la liste dans le Nécrologe des Défenseurs de la vérité. De tous ces écrits, celui qui fit le plus de bruit est L’Exposition de la foi de l’Église, touchant la grâce et la prédestination, ouvrage composé à la prière de Pavillon, évêque d’Aleth, censuré par le cardinal de Noailles, en 1696, dans la célèbre ordonnance qui ne satisfit ni les jansénistes, ni les jésuites, dont il condamnait la doctrine. La plus grande partie des