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BIOGRAPHIE UNIVERSELLE.


N

NOGARET (Guillaume de), chancelier de Philippe le Bel, était né au 13e siècle, à St-Félix de Caraman dans le Lauragais, d’une famille qui a été la tige des ducs d’Épernon. Après avoir terminé ses études avec distinction, il fut nommé professeur en droit à l’université de Montpellier ; et il devint dans la suite juge-mage de la sénéchaussée de Nimes. Il fut anobli vers l’an 1300, par Philippe le Bel, en récompense des services importants qu’il lui avait rendus. Ce prince lui donna la commission de se saisir du pape Boniface VIII, pour l’amener au concile de Lyon. Nogaret associa Sciarra Colonne, ennemi personnel du pape, à cette entreprise ; et ils entrèrent ensemble à la tête de 300 chevaux dans Anagni, où Boniface s’était réfugié, la veille même du jour que l’impérieux pontife devait publier une bulle qui déliait les sujets de Philippe du serment de fidélité. Boniface, le front ceint de la tiare, et revêtu de ses habits les plus magnifiques, semblait encore défier ses ennemis. Nogaret, sans se laisser éblouir par tout cet appareil, signifia au saint-père l’ordre qu’il avait de le conduire à Lyon pour être jugé par le concile. « Je me consolerai aisément, répondit Boniface, d’être condamné par des patarins. » Ce sarcasme tombait directement sur Nogaret, dont l’aïeul avait été brûlé vif comme albigeois. Cependant les habitants d’Anagni coururent enfin aux armes pour s’opposer à l’enlèvement du pape : la petite troupe commandée par Nogaret et Colonne fut taillée en pièces ; et Nogaret, excommunié, se hâta de revenir en France. Philippe, satisfait de son zèle, le nomma chancelier ou garde des sceaux, dignité qu’on ne distinguait pas alors, et le renvoya en 1309 à Avignon, pour demander la condamnation de Boniface, comme coupable d’hérésie (voy. Boniface VIII). Le roi finit par se désister de ses poursuites. Nogaret fut relevé de l’excommunication et revint prendre ses fonctions de chancelier. Il mourut à Paris en 1314. Philippe le Bel lui avait donné la belle terre de Massillargues, possédée encore aujourd’hui par un de ses descendants. Le propriétaire avait le droit de siéger aux états de Languedoc. Son buste est un de ceux que la Faille a placés dans la galerie des illustres Toulousains (voy. Faille). On trouvera des Recherches sur sa vie dans le tome 4 de l’Histoire de Languedoc, par les Bénédictins, note 11. W—s.

NOGARET (François-Félix}), littérateur et poète, naquit à Versailles le 6 novembre 1740. Fils d’un premier commis du comte de St-Florentin, depuis duc de la Vrillière, ministre de la maison du roi et en même temps de la police et de l’intérieur, Nogaret entra en 1761 dans les bureaux de ce ministre, y resta sous les successeurs de la Vrillière, jusqu’aux premières années de la révolution, et fut aussi bibliothécaire de la comtesse d’Artois. Le comité de salut public de la convention nationale s’étant attribué en 1793 l’exercice du ouvoir exécutif, Nogaret obtint une pension de mille cinq cents francs et se retira dans le château d’un ami, où il dirigea des ateliers de salpêtre. De retour à Paris lorsqu’en 1795 les départements ministériels eurent été rétablis, sous le gouvernement du Directoire, il obtint du ministre de l’intérieur, Bénezech, un emploi dans bureaux, et fut nommé par Lucien Bonaparte, en 1800, seul et unique censeur dramatique. Il conserva cette place même après qu’elle eut été réunie aux attributions de la police. et il sut dans l’exercice de ses fonctions ménager les intérêts, l’amour-propre des auteurs, et mériter leur estime et leur bienveillance, sans trahir ses devoirs. Congédié par le ministre Fouché en 1807, Nogaret, loin de recevoir une pension plus considérable, vit réduire à mille deux cents francs celle dont il jouissait depuis si longtemps, et ce fut son unique ressource après que des malheurs domestiques l’eurent privé d’une petite propriété près de Grosbois, où il avait passé quelques années dans une cellule de l’ancien couvent des camaldules. Félix Nogaret fut entièrement oublié sous le gouvernement impérial et sous la restauration ; il se consola en continuant de cultiver les lettres. Dans ses dernières années, il prenait le titre de patriarche-doyen des gens de lettres ; il ne pouvait cependant le disputer ni à Lantier (voy. ce nom), ni à Desfontaines de Lavalée (voy. ce nom), ni enfin à J. Mosneron (voy. ce nom) ; et ce ne fut réellement qu’après la mort de ce dernier, en 1830, que ce titre appartint à Nogaret, qui