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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 31.djvu/627

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fession de foi politique qui eut pour effet de le faire nommer député à Château-Thierry, où il se présentait, et à la Rochelle, où il n’était jamais allé et ne connaissait personne. Enfin, représentant du peuple à l’assemblée législative, il vit son mandat terminé par le coup d’État de 1851. Il fut du nombre des’ membres de l’assemblée arrêtés et emprisonnés pendant quelques jours au château de Vincennes. Ses discours à la tribune eurent un vrai succès, et la chambre, comme la magistrature, sut apprécier la raison, la logique, la puissance et les plaisanteries fines et délicates de cet orateur si distingué. Mortellement frappé au milieu de sa dernière plaidoirie, Paillet succomba comme le soldat au champ d’honneur, et de même que Duguesclin, lui mort, rmporza sa dernière victoire, car son procès fut gagné. — Paillet ayant été le type de l’avocat le plus accompli, nous ne saurions mieux le faire connaître qu’en reproduisant ici en l’abrégeant le portrait que nous avons donné de lui dans une autre circonstance (l). Il avait la taille élevée, les traits amaigris, mais distingués, le maintien calme et d’une réserve qui pouvait passer pour de la froideur, qui n’était que de la timidité. La simplicité de ses manières n’était pas sans élégance, et il avait la politesse exquise de l’homme de bonne compagnie. Sa conversation piquante, enjouée, atteignait la malignité, jamais la méchanceté. Sa bienveillance et son indulgence le faisaient aimer. Sa modestie désarmait l’envie ; tous oubliaient sa supériorité. Aussi eut-il le bonheur bien rare de compter beaucoup d’amis et pas un seul ennemi. À un esprit net, clair, précis et prompt plutôt que subtil, il joignait une haute raison et un bou sens si remarquable qu’il passait encore pour de l’esprit. Sa parole correcte, chåtiée, élégante dans sa simplicité, colorée, incisive quelquefois, mais généralement aiguisée plutôt qu’acère, visait plus au pittoresque de l’expression, qui peint souvent d’un trait toute une situation, qu’aux grands mouvements oratoires. Il évitait le sarcasme et l’épigramme, mais il maniait l’ironie avec beaucoup de grâce et de dextérité. Il est une partie du discours dans laquelle il était sans rival. Son exposition des faits était si claire, si limpide, si bien fondue avec le système de son argumentation qu’une cause par lui exposée était, comme on l’a dit, une cause plaidée. L’art consommé de cette exposition nuisait à la discussion, qui, quoique toujours nerveuse et sobre chez Paillet, semblait longue, parce qu’elle était inutile. Les magistrats et l’auditoire avaient deviné ce qu’il y avait à dire, et le procès était jugé dans les esprits sur le simple historique qui venait d’en être fait. Paillet parlait plus à l’esprit qu’au cœur, plus à la conviction qu’à l’imagination, et le reproche qui lui a été fait à cet égard est mérité, car c’était chez lui acte volontaire et PAI

péché d’habitude. Cet esprit si juste, parce qu’il était maître de lui-même, ne voulait pas s’abandonner aux dangers du sentiment et de l’émotion. Quand, malgré lui, il sentait monter les larmes, il lui arrivait parfois de s’infliger une vive douleur physique, pour faire diversion en quelque sorte à la douleur morale. Il avait comme homme une qualité qui devenait un défaut de l’avocat jugé au point de vue de ses moyens, nous voulons parler de sa sincérité. Naturellement sceptique et rebelle Q la conviction, chaque fois qu’un doute s’élevait dans son esprit, il le laissait entrevoir. Nous croyons étre certain qu’il lui est arrivé d’abandonner en appel des causes que les débats de première instance lui avaient révélées mauvaises. Cette droiture, cette probité stoïque avaient une grande influence sur la magistrature elle-même, qui, ayant peu à se détier de la sûreté de son jugement et jamais de l’honnêteté de sa parole, subissait naturellement l’empire qu’exerce toujours un homme de bien. Quelle est, parmi

les grands avocats de son temps, la place que doit occuper Paillet ? On pourrait dire de lui, en ce qui concerne la profession d’avocat, ce qu’on a dit de Voltaire pour tous les genres de compositions littéraires : il a excellé dans le plus grand nombre. Si dans aucun il n’a atteint e premier rang, il en a obtenu un à part, très-élevé, qu’on n’oserait pas affirmer être le second. La nature avait refusé à Paillet les facultés éclatantes dont une seule suffit pour faire un homme éminent ; mais elle lui avait donné, dans une juste me sure et dans un équilibre parfait, toutes celles dont la réunion peut constituer un grand avocat. En exaltant des facultés ordinaires, en les élevant à leur plus haute puissance, Paillet a appris à ceux qui voudront. marcher sur ses traces comment par le travail on illustre son nom, et, ce qui vaut mieux, comment on conquiert l’indépendance de sa vie. Une statue doit lui être élevée au milieu de la ville de Soissons par les soins de ses concitoyens et de ses anciens confrères. Quant au trop petit nombre de ses plaidoiries, conservées par la sténographie et dont quelques-unes ont été reproduites dans les Annales du barreau irançais, nous apprenons qu’on les réunit et qu’elles seront bientôt publiées par M. Eugène Paillet, avocat, son fils, qui vient d’être aussi nommé juge suppléant au tribunal de la Seine. S-a—a.


PAILLET Voyez P.uu.u :’r.


GAILLETERIE (le bailli de la), après avoir fait ses caravanes sur les galères de Malte contre les puissances barbaresques, consacra ses services ù a marine française. Esprit observateur, il remarqua que, si les galères, en raison de leur construction spéciale, avaient l’avantage de résister mieux que les vaisseaux de haut bord aux gros temps, et d’essuyer moins de naufrages, cet avantage in 1’ri&|rn¢judicin€re, p.388 et mv | était compensé par certains inconvénients. De ce