Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 33.djvu/683

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Péripharète, une Amazone placée dans le temple de Delphes, une statue d’Hécate, à un seul corps et en bronze, placée dans le temple de cette déesse à Argos, une statue de Polyxène, un Mercure, qui fut transporté dans la ville de Nicomachie, un Hercule étouffant Antée, qui se voyait à Rome au temps de Pline, enfin un Hercule tuant l’hydre de Lerne. Il n’est aucune de.ces figures qui n’ait obtenu dans l’antiquité une grande renommée. Les Canéphores se voyaient à Messine au temps de Verrès. « Tous les étrangers, dit Cicéron, s’empressaient de les visiter ; la maison où elles étaient conservées était moins la parure du propriétaire que l’ornement de la ville entière. » Le Diadumène fut vendu cent talents (cinq cent quarante mille francs de notre monnaie), centus talentis nobilitatum. L’Artémon ou le Périphorète était sans doute cette statue qui portait sur un seul pied et qu’on tournait à volonté sans qu’elle perdit l’équilibre. Mais de tous les ouvrages de Polyclète, aucun peut-être ne contribua autant à sa réputation que celui qui fut appelé le Canon ou la règle de l’art. Instruit, par de nombreuses comparaisons, des qualités qui constituent l’agilité, la force et par conséquent la grâce et la beauté du corps de l’homme, cet artiste entreprit de démontrer par plusieurs moyens, et d’abord par une statue dont toutes les parties seraient entre elles dans un proportion parfaite, quels sont les rapports de grandeur où la nature a établi la perfection des formes humaines. Quelques critiques out demandé si le Canon de Polyclète se composait d’une seule statue ou de plusieurs, s’il représentait un homme jeune ou dans toute la force de rage, et enfin comment une seule figure pouvait servir de règle pour des statues d’âge et de caractère différents ? Les auteurs anciens nous donnent là-desssus des éclaircissements qui ne laissent rien à désirer. Un danseur, dit Lucien dans son traité de la danse, pour exceller dans son art, ne doit être ni trop grand ni trop petit, ni trop gras ni trop maigre, il doit ressembler au Canon de Polyclète, preuve évidente que le Canon ne se composait que d’une seule figure, et qu’il représentait un homme jeune. « Le Canon de Polyclète, dit encore Lucien dans son dialogue intitulé Peregrinus, représente le chef-d’œuvre de la nature, et semble être son propre ouvrage, Naturae figmentum atque opificium ; » preuve non moins certaine que la statue appelée la Canon ne renfermait rien de systématique, rien de faux. ; que tout y était le produit d’un choix épuré et d’une savante analyse. Mais Polyclète ne pouvait pas se borner à ce premier travail : sa statue, si elle n’eût été accompagnée d’explications, n’aurait offert qu’un beau modèle plus achevé peut-être, mais du reste entièrement semblable à toutes les belles figures, soit de Polyclète lui-même, soit de ses illustres émules ; ce chef-d’œuvre isolé n’eût pas été plus utile que tous les

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autres à l’instruction des jeunes artiste. Polyclète, dit Galien, compléta son ouvrage en composant un traité des proportions qui constituent l’harmonie, et par conséquent la beauté du corps humain. Il développa dans cet écrit les lois de la nature, auxquelles il s’était conformé dans la statue offerte pour modèle aux artistes ; de telle manière que l’ouvrage écrit démontrait le mérite de la statue, et que celle-ci reproduisait la théorie de l’auteur mise en exécution. C’est la réunion de ces deux ouvrages, ajoute Galien, que Polyclète a lui-même appelée le Canon. Ce qui n’est pas moins à remarquer, c’est que le public confirma cette dénomination : Les artistes, dit Pline, étudient et suivent le Canon de Polyclète comme une sorte de loi : Lineamenta artis ex eo petentes velut a lege quadam. Winckelmann présume que la figure appelée le Canon était le Doryphore. Il se fonde sur ce que Lysippe, qui n’eut point de maître, interrogé comment il avait appris son art, répondit que c’était en étudiant le Doryphore de Polyclète. Cette opinion ne manque pas de vraisemblance. On pourrait attribuer à Polycléte plusieurs statues d’athlètes, vainqueurs au ceste, au pugilat, au pentathle ; mais elles n’ont point de dates reconnues, et rien ne garantit qu’elles soient son ouvrage plutôt que celui du second Polyclète, dit Polyclète d’Argos. Il modela aussi un candélabre dont, au rapport d’Athénée, on louait beaucoup la noblesse et l’élégance. Grand statuaire, judicieux écrivain. peintre peut-être, car plusieurs auteurs veulent qu’il ait aussi professé la peinture, Polyclète fut encore un très-habile architecte. Les anciens ne citent que deux édifices construits sur ses-dessins ; mais c’est avec des éloges qui le placent au premier rang parmi les maîtres de l’art. Un des deux était un bâtimeut circulaire en marbre blanc appelé le Tholus, élevé à Epidaure près du temple d’Esculape, et que quatre-vingts ou cent ans plus tard Pausias orna de ses peintures. L’autre était un théâtre situé dans l’enceinte même de ce temple. Ce dernier monument fut constamment regardé comme un modèle de goût. Les Romains, dit Pausanias, ont construit des théâtres qui surpassent de beaucoup celui-là par la magnificence des décorations ; celui de Mégalopolis est d’une plus grande étendue ; mais pour l’accord et l’élégance des proportions, quel architecte peut se comparer à Polyclète ? Tant de talents de divers genres durent exciter une admiration universelle ; aussi les anciens diffèrent-ils peu les uns des autres dans leur jugement sur le mérite de ce maître. On remarque cependant, à côté des nombreux éloges qui ont retenti de toutes parts, quelques critiques qu’il est convenable d’éclaircir, moins pour la gloire de cet illustre chef d’école que pour la connaissance des progrès de l’art. Deux auteurs semblent l’avoir jugé plus sévèrement que les autres ce sont Varron et Quintilien. Varron disait, au rap-