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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 34.djvu/35

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rappelle un discours éloquent, mais hors de mesure, dans lequel ce magistrat s’abandonnait à son enthousiasme pour la réformation des abus, discours qui le fit exiler. Cette disgrâce, ajoute le duc académicien, dégoûta Pompignan de son état, et la charge de premier président de la même cour, dont il fut pourvu vers 1745, ainsi que l’avaient été son père et ensuite son oncle, ne sembla le rattacher à la magistrature que comme pouvant lui fournir souvent l’occasion d’être le légitime interprète du peuple auprès du souverain. Il rédigea plusieurs fois les remontrances adressées au roi par les compagnies supérieures dont il faisait partie. Le chef de la cour des aides de Montauban obtint ensuite une charge de conseiller d’honneur au parlement de Toulouse, distinction extraordinaire et unique. Un mariage avantageux, ayant augmenté sa fortune, concourut, avec son goût pour les lettres, à lui faire quitter toute espèce de fonctions publiques. Du reste, il conserva le titre de premier président honoraire de la cour à laquelle il cessait d’appartenir activement. Nous n’aurons plus désormais qu’à envisager sa vie littéraire, en la suivant par ordre de dates. Pompignan était âgé de vingt-deux ans lorsqu’il vint pour la première fois à Paris, sans en rien dire à sa famille, porter sa tragédie de Didon, sujet emprunté de Virgile et pour lequel le secours de Métastase lui avait été fort utile. Cette pièce eut beaucoup de succès dans la nouveauté (1734), et elle s’est maintenue longtemps au théâtre. La conduite en est régulière, les caractères sont soutenus et le style ne manque ni d’élévation ni de pureté. Le même auteur donna l’année suivante, en 1735, au Théâtre-Italien, les Adieux de Mars, petit drame en un acte et en vers libres, où il avait entrepris de censurer nos mœurs., de peindre nos travers et nos ridicules, et qui fut assez goûté. Il publia en 1740 un Voyage de Languedoc et de Provence, dans le genre de celui de Bachaumont et Chapelle. On y trouve moins de négligence, mais aussi moins de grâce et d’abandon. Sa dissertation sur le nectar et l’ambroisie, en prose et en vers comme son voyage, est assez estimée : l’agrément et le goût y sont joints à l’érudition. Pompignan en avait puisé les matériaux dans une dissertation italienne de l’abbé Venuti. Il faut citer ensuite, dans l’ordre de ses écrits, les Poésies sacrées et philosophiques, tirées des livres saints, ouvrage dont Voltaire s’est tant moqué, et auquel, malgré l’épigramme si connue et reproduite sous toutes les formes par ce célèbre écrivain, on a beaucoup touché et même quelquefois avec admiration. Laharpe observe très-bien, dans son Cours de littérature (t. 13), qu’un trait de satire lancé par une main ennemie n’est ni le jugement de la raison ni la condamnation du talent. Il est de fait que les vraies beautés dont ces poésies sont remplies ont neutralisé l’effet de plus d’un bon mot dirigé contre elles. Une partie des poésies sacrées de Pompignan parut en 1754, une autre en 1755. Il les réunit dans une fort belle édition in-4° en 1763. Les journaux littéraires, qui n’étaient alors qu’en petit nombre, leur donnèrent des éloges unanimes ; mais ce fut avec une exagération nuisible que le marquis de Mirabeau les préconisa dans une dissertation aussi longue que le recueil dont il rendait compte. Pompignan eut le tort d’insérer lui-même dans ses œuvres cette dissertation, intitulée Examen, etc. Si, en reproduisant sous la forme d’odes françaises les Psaumes de David, qu’il avait étudiés dans l’hébreu, il a moins généralement réussi que lorsqu’il a mis en vers les Prophéties et les Cantiques, il serait souverainement injuste de nier que deux psaumes tout entiers et diverses strophes prises dans d’autres psaumes brillent du feu de la vraie poésie et que leur mérite ne dépare pas celui de l’original. Ce que l’on désirerait, au total, dans les vers sacrés de cet écrivain, c’est plus de sensibilité et de véritable inspiration. Ces poésies sont en cinq livres. Les hymnes forment le quatrième, qui est sans contredit le moindre de tous. Le cinquième est composé de discours philosophiques tirés des livres sapientiaux. Les traits de force et d’élégance dominent encore là plus que le sentiment et l’harmonie. Pompignan a déployé dans les notes de ces cinq livres un vaste savoir et une critique judicieuse. On peut citer encore de lui d’autres odes, des épîtres, des poésies familières, des ouvrages dramatiques et lyriques. Ces différentes productions, qui n’étaient ni traduites ni imitées de personne, ont ajouté à la réputation de leur auteur. Ses odes profanes ne sont pas indignes de celles qu’il avait publiées d’abord ; mais, malgré quelques élans heureux, on désirerait un peu moins de timidité et de froideur. Tout le monde sait par cœur la plus fameuse strophe de son ode sur la mort du célèbre lyrique J.-B. Rousseau :

Le Nil a vu sur ses rivages, etc.

Quant aux épîtres, elles présentent des leçons de morale et des règles de goût fort bonnes à suivre. La traduction en vers des Géorgiques, que Pompignan ne donna qu’après celle de Delille, ne gagna pas à subir le grand jour de l’impression ; mais il avait fait entendre le premier livre à l’Académie française le jour de sa réception ; et s’il faut s’en rapporter au journal de Collé, le duc de Nivernais, entre autres, en était dans l’enthousiasme. Pompignan avait, de plus, traduit le sixième livre de l’Enéide. Il est assez rare que dans ses imitations du poète romain la difficulté ne soit pas vaincue d’une manière heureuse. En général même on doit y louer un certain mérite de fidélité, de naturel et de langage poétique. La muse de Pompignan s’était encore essayée sur Hésiode, Pindare, Ovide, Horace, etc. Il écrit en prose d’une manière simple, noble et ferme ;