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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 34.djvu/37

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à la calomnie et à l’emportement, il ne parut plus au Louvre. Il se tint dans sa province, et presque toujours à la campagne. Le souvenir des fonctions dont il avait été chargé comme magistrat lui inspira les réflexions qu’il intitula Considérations sur la révolution de l’ordre civil et judiciaire survenue en 1771. Depuis lors, il ne sortit plus de son obscurité volontaire et mourut le 1er novembre 1784 à Pompignan, après de longues souffrances physiques. Jamais Pompignan n’a nommé Voltaire dans aucun de ses ouvrages ; seulement il a cherché à le désigner, et l’indignation l’a quelquefois rendu poète contre ce terrible adversaire. Il le mit en scène dans un opéra ; et c’est peut-être la première fois que la satire est entrée dans une composition de ce genre. Le patron de la philosophie moderne y est représenté sous le nom de Prométhée, qui a enseigné les arts aux hommes, mais les a corrompus en leur apprenant à mépriser les dieux. Il y a dans ce drame beaucoup d’imitations d’Eschyle. Pompignan avait encore fait cinq ou six opéras, presque tous très-froids. Celui qui est intitulé Héro et Léandre fut représenté en 1750. Il avait aussi composé quelques tragédies, entre autres Zoraïde, dont Voltaire s’est moqué comme de tout le reste. Jamais elles n’ont été jouées ; et, soit qu’il les eût condamnées lui-même, soit qu’il voulût seulement ne pas les laisser imprimer de son vivant, elles ne figurent point dans le recueil de ses œuvres imprimées en 1781, Paris, 6 vol. in-8°. Laharpe, juste pour Pompignan, dans son Cours de littérature, où, du reste, il en a parlé trop longuement, l’a traité avec plus de sévérité dans sa Correspondance littéraire. C’est la différence du Quintilien français, professant dans la chaire du lycée de Paris, à l’académicien qui cédait à l’influence de l’esprit de corps lorsqu’il écrivait au grand-duc de Russie. Cet esprit de corps animait tellement Marmontel que dans ses mémoires il appelle le Franc de Pompignan « un homme qui mériterait d’être châtié pour son insolence… ; enivré par l’excès de sa vanité, de sa présomption, de son ambition… ; ajoutant à l’arrogance d’un seigneur de paroisse l’orgueil d’un président de cour supérieure…, ce qui formait un personnage ridicule sur tous les points ». Collé, qui n’était point membre de l’Académie française, laisse voir dans son journal qu’il partageait les préventions injurieuses des deux auteurs cités. Mais en n’envisageant que comme littérateur l’homme célèbre dont il s’agit ici, on peut s’en tenir à la conclusion du résumé de Laharpe, que nous avons rappelée tout à l’heure :« Malgré tout ce qui a manqué à Pompignan, il conservera en plus d’un genre l’estime de la postérité. » L’Éloge de Jean-Jacques le Franc, marquis de Pompignan, par M. de Reganhac le fils, fut couronné en 1787 par l’académie des belles-lettres de Montauban. Cet auteur eut pour concurrent Bertrand Barère. L’éloge composé par celui-ci renferme beaucoup de détails intéressants. Si, comme on l’a dit, ce fut le Franc de Pompignan qui donna lui-même l’édition de ses œuvres publiée l’année de sa mort, en 6 volumes in-8°, il est étonnant qu’il n’y ait pas inséré son discours de réception à l’Académie française. Indépendamment de ce que contient ce recueil, on a de lui : 1° Mélanges de traductions de différents ouvrages de morale, italiens et anglais, Paris, 1779, in-16 de 299 pages ; ils sont précédés d’un avertissement en 24 pages, dans lequel l’auteur rend compte de ce que comprend ce volume, savoir : 1. Maximes spirituelles, tirées des ouvrages latins du P. Nièremberg, jésuite, publiées originairement en espagnol et traduites ensuite en italien. Il en avait paru deux versions françaises (en 1714 et 1751) d’après l’espagnol. Pompignan a composé la sienne sur le texte italien de la quatrième édition, imprimée à Naples en 1679. Ces maximes ont 92 pages. À la suite viennent 26 pages de prières qui ne se trouvent pas dans les deux traductions françaises. — 2°. De la difficulté de se connaître soi-même, sermon traduit de l’anglais ; - 3. Considérations choisies, traduites des Médítations du docteur Challoner, évêque catholique de Londres. Les maximes sont mystiques, et de même que les prières, n’ont qu’un mérite ordinaire. Le sermon et les considérations offrent quelque chose de plus substantiel ; mais nous pouvions nous passer de cette acquisition, ayant déjà dans ce genre tant de livres excellents. 2° Éloge historique de monseigneur le duc de Bourgogne, imprimerie royale, 1761, in-8°, de 88 pages. Cet éloge d’un prince âgé seulement de dix ans avait été demandé à Pompignan par le Dauphin et la Dauphine. On a lieu de s’étonner qu’il l’ait exclu, comme son discours de réception à l’académie, de la collection de ses œuvres.

L—p-e.


POMPIGNAN (Jean-Georges Le Franc de), archevèque de Vienne, frère cadet du précédent, naquit à Montauban le 22 février 1715. Il fit ses études au collège de Louis le Grand, puis au séminaire de St-Sulpice. Ce fut dans cette dernière maison qu’il prit l’esprit de piété et l’attachement à ses devoirs qui formèrent la base de sa conduite. On le voit, fort jeune encore, paraître à l’assemblée du clergé de 1740 ; il n’était que sous-diacre et fut député par la province de Vienne à raison d’une petite chapelle qu’il possédait dans le diocèse de Grenoble. Lié avec le P. Tournemine, il acheva et publia la seconde partie de la Dissertation de ce savant jésuite, sur le fameux passage de l’historien Josèphe touchant Jésus-Christ. La France littéraire cite de lui un Essai critique sur l’état présent de la république des