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aux vues du ministre de Louis XIII, qui, d’ailleurs, n’avait guère besoin d’appeler l’empoisonnement au secours de sa politique. Au surplus, il est constaté qu’en moins de deux jours une maladie semblable avait enlevé plus de 4,000 hommes du camp du duc Bernard. Sa mort fut une perte immense pour le parti protestant et pour ses alliés. Après Gustave-Adolphe, dont il était l’élève, il fut le général le plus actif, le plus habile et le plus vaillant de son temps ; il ne lui manqua qu’une plus longue vie pour atteindre son modèle, peut-être même pour le surpasser. Possédant au plus haut degré le secret d’une résolution soudaine, aucun danger ne l’arrêtait : il était, dans les batailles comme dans les moindres engagements, le premier à donner l’exemple. Père de ses soldats, il pourvoyait à leur besoins avec une attention constante : aussi pouvait-il compter à tel point sur leur affection que jamais la supériorité numérique de ses ennemis ne put l’intimider. À partir de la bataille de Lutzen, il vit accourir sous ses drapeaux une foule de jeunes gentilshommes qui venaient, comme simples volontaires, se former à son école au grand art de la guerre. Chaste et pieux, il eut avec Scipion et Bayard ce double trait de ressemblance : jamais il n’allait au combat qu’il ne se fût mis à genoux en présence de ses troupes et n’eût invoqué le Dieu des armées. « À la bravoure du soldat, dit Schiller. Bernard joignait le coup d’œil calme et rapide du général ; au courage réfléchi de l’âge mûr, la fougue de la jeunesse ; à l’ardeur farouche du guerrier, la dignité du prince, la modération du sage, la délicatesse de l’homme d’honneur. Jamais abattu par l’infortune, il se relevait du coup le plus terrible avec autant de promptitude que d’énergie. Son génie ambitieux le portait vers un but élevé que peut-être il n’eût pas atteint[1], mais des hommes de cette trempe ont d’autres règles de conduite que le vulgaire. Plus capable qu’aucun autre d’exécuter de grandes choses, son imagination semblait se faire un jeu des projets les plus audacieux. » Le comte Gualdo Priorato dit du même prince, dans un ouvrage sur les guerres de ce temps-là : « Il avait la figure agréable, le teint brun, la taille bien prise et bien proportionnée ; il était leste, agile et très-robuste. Il n’avait d’autre défaut qu’une excessive vivacité, qui souvent, en s’exaltant, le faisait sortir des bornes de la modération et convertissait chez lui la hardiesse en audace, et celle-ci en témérité. » Cependant à l’exception de la malheureuse affaire de Nordlingen, dont la perte peut être attribuée à sa témérité, il se montra toujours prudent, et sortit constamment victorieux de celles qui suivirent la bataille de Leipsick. Ce fut particulièrement dans la mémorable campagne de 1638 qu’il fit voir son habileté et ses savantes combinaisons. Jusqu’ici, le héros qui seconda le mieux les vastes projets de Richelieu, qui prépara le développement de ceux de Louis XIV, celui enfin qui contribua à sauver la France d’une invasion par l’anéantissement des années de Gallas et de Jean de Werthe, presque oublié dans nos biographies, n’avait pas même eu d’historien dans sa patrie. Le docteur Roese a publié, d’après des documents puisés dans les bibliothèques de l’Europe, une biographie complète du duc Bernard sous ce titre : Le duc Bernard le Grand de Saxe-Weimar, esquisse biographique (Herzog Bernhard der Grosse von Sachsen-Weimar, biographisch dargestellt, Weimar, 1828-1829, 2 vol. in-6°.

G―R―D.


SAXE-WEIMAR (Anne-Amélie, duchesse de), fille du duc Charles de Brunswick-Wolfenbuttel[2] née le 24 octobre 1739, morte le 10 avril 1807 (Voy. AMÉLIE).


SAXE-WEIMAR (Charles-Auguste, grand-duc de), né le 3 septembre 1757, n’avait encore que huit mois quand il perdit son père le duc régnant. Sa mère, Amalie (voy. ce nom), fille du duc de Brunswick, était elle-même encore mineure, ayant alors dix-huit ans. Cependant, déclarée bientôt après majeure, elle eut la tutelle de son fils, qui lui avait été contestée par d’autres princes de Saxe. Cette femme, distinguée plus encore par son goût pour les lettres et les arts que par son rang, donna pour gouverneur à son fils Charles-Auguste et au frère cadet de celui-ci le comte de Goertz, qui devint dans la suite ministre en Prusse, et pour précepteurs le célèbre Wieland et Knebel. Plus tard Schmid, chancelier, fut chargé de les initier dans les affaires du gouvernement. Frédéric II, roi de Prusse, qui vit Charles-Auguste dans son enfance, augura favorablement de son avenir. Sous la conduite de Goertz et de Knebel, les deux jeunes princes visitèrent rapidement, en 1774, la France et la Suisse. Dans ce voyage, le jeune duc vit Gœthe et lui voua un attachement qui s’est maintenu pendant un demi-siècle. L’année suivante, ayant atteint l’âge de sa majorité, il épousa la fille du landgrave de Hesse-Darmstadt, dont il avait fait la connaissance dans son voyage (voy. l’article suivant), et prit des mains de sa mère les rênes du gouvernement, marchant sur ses traces pour les égards qu’elle témoignait aux gens de lettres ; il fit plus, il vécut amicalement avec les grands poëtes qui étaient venus se fixer à Weimar ; il nomma Gœthe même son ministre et lui abandonna en partie la direction des af-

  1. Schiller fait sans doute allusion au projet attribué au duc de Weimar, après la prise de Brisach, d’épouser la princesse Amélie de Hanau, veuve du landgrave de Hesse, et en réunissant leurs conquêtes respectives, de former en Allemagne une puissance d’autant plus imposante qu’elle eût été appuyée par une force militaire bien conduite.
  2. Elle était par conséquent sœur des princes Charles-Guillaume-Ferdinand, Fréderic-Auguste et Maximilien Jules Léopold de Brunswick (voy. Ces noms), et nièce des princes Ferdinand et Antoine-Ulric de Bevern (voy. Ces noms) et du grand Frédéric, roi de Prusse.