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faires dramatiques. Le château de Weimar, qu’un incendie avait détruit en 1771, fut rebâti par les soins de ce prince ; une grande école industrielle fut fondée, un parc et un jardin de botanique établis, et l’université d’Iéna, dont il s’occupa avec une grande sollicitude, reçut un nouveau lustre. Selon la coutume des petits princes d’Allemagne, il avait pris du service auprès d’une des grandes puissances ; dans sa qualité de général prussien, il fit en 1792 la campagne contre la France, et en 1806 il commanda un corps d’armée destiné à agir contre Napoléon. Cette dernière campagne faillit lui devenir fatale ; car, après la défaite des Prussiens à Iéna, les Français entrèrent dans son petit État et le mirent à contribution. Il aurait été traité plus sévèrement encore, si la grande-duchesse n’avait réussi, par sa contenance digne et courageuse, à calmer le vainqueur et à obtenir pour Charles-Auguste la permission de revenir à Weimar. Depuis lors, il fut forcé d’entrer dans la confédération rhénane dont, comme on sait, Napoléon fut le chef sous le titre de protecteur. Après la désastreuse campagne de Moscou, quand la confédération germanique se rompit pour faire place à la grande alliance des souverains du Nord contre l’empereur des Français, Charles-Auguste y entra et fournit son contingent à la grande année. Après la chute de Napoléon, il assista au congrès de Vienne et obtint le titre de grand-duc avec un agrandissement de territoire. Dès l’année 1816, il convoqua à Weimar une assemblée de propriétaires de biens équestres, de bourgeois et de paysans, pour poser, de concert avec eux, les bases d’une charte constitutionnelle. Elle fut rédigée sans difficulté, promulguée le 5 mai 1816 et exécutée sincèrement et fidèlement. Le reste de son règne fut prospère et paisible. La fête de l’anniversaire de son mariage demi-séculaire fut célébrée dans tout le grand-duché. En 1828, revenant d’un voyage qu’il avait fait à la cour de Berlin, il fut frappé d’apoplexie en route et mourut à Graditz, près de Torgau. Il a sa tombe à Weimar, à côté de celles des poètes Gœthe et Schiller. De ses deux fils, l’aîné. Charles-Frédéric qui a épousé la sœur de l’empereur de Russie Nicolas, lui succéda ; le second, Charles-Bernard, entra au service militaire du roi des Pays-Bas. D-G.


SAXE-WEIMAR (Louise, grande-duchesse de), naquit le 30 janvier 1757 à Prentzlow, dans l’Eckermark, où se trouvait en garnison son père, prince de Hesse, général au service de Prusse, qui parvint dans la suite, par droit de succession, au gouvernement du pays de Hesse-Darmstadt. Louise passa une partie de sa jeunesse avec sa mère dans la ville alsacienne de Bouxwiller, et fut élevée par une institutrice française, mademoiselle Ravenel. Elle rejoignit son père quand il eut établi sa cour à Darmstadt. C’est là qu’elle fut aperçue par le jeune duc de Saxe-Weimar (voy. l’article précédent), qui parcourait l’Allemagne avec son gouverneur. Ce prince, non moins frappé de ses charmes extérieurs que de son esprit et de son goût pour les lettres et les arts, la demanda en mariage et l’épousa en 1775. La grande-duchesse douairière Amélie venait de lui remettre les rênes du gouvernement, laissant au jeune couple l’exemple de l’amour des lettres, que les deux époux suivirent au point de mériter à leur capitale les noms d’Athènes et de Ferrare de l’Allemagne. On sait que les poëtes les plus distingués trouvèrent à la cour de Weimar un accueil bienveillant et particulièrement distingué. La princesse Louise eut surtout pour Gœthe et Wieland les attentions les plus aimables, et elle honora constamment en leurs personnes le mérite supérieur. Le vif intérêt qu’elle prenait à l’art dramatique encouragea Gœthe à se charger de la direction du théâtre de Weimar, qui devint un des meilleurs de l’Allemagne. Ce goût pour les plaisirs (le l’esprit n’empêcha pas la princesse de donner ses avis à son mari sur toutes les affaires importantes de son gouvernement. La cour de Weimar était citée comme celle de toutes les petites cours d’Allemagne où régnait le moins de morgue et de roideur, et où le mérite et le malheur étaient accueillis avec le plus de prévenance et de bonté. Après la bataille d’Iéna 1806, cette princesse reçut Napoléon avec beaucoup de présence d’esprit et de dignité au bas des escaliers du château de Weimar. Elle seule fit tête à l’orage ; son mari, alors général au service de Prusse, combattait dans l’armée prussienne. Le vainqueur, qui venait de quitter le champ de bataille, adressa brusquement la parole à la grande-duchesse : « Qui êtes-vous, madame ? Une réponse ferme et prudente établit bientôt la plus parfaite politesse ; Napoléon promit de ménager le pays et finit la conversation par ces mots : « Dites à votre mari de revenir ; il peut rester tranquille dans sa résidence. » L’État de Weimar dut ainsi à cette princesse de grands adoucissements aux maux de la guerre. Napoléon conçut pour elle une haute estime. Deux ans après, pendant son séjour à Erfurt, il vint la revoir dans son palais et lui exprima de nouveau les sentiments qu’elle avait su lui inspirer. Néanmoins, en 1813, cette princesse n’hésita pas de conseiller à son mari de faire cause commune avec la nation allemande, tout entière soulevée contre Napoléon ; elle offrit même ses parures, afin d’aider à pourvoir aux besoins du trésor, et ces parures furent réellement mises en gage, puis dans la suite dégagées à son insu par le grand-duc, qui éprouva un plaisir bien vif à les lui rendre. Après avoir célébré avec son époux, en 1825, le jubilé de leur mariage qui avait cinquante ans de durée, elle eut la douleur de le perdre en 1828, et depuis lors elle vécut retirée dans sa maison de campagne de Wilhelmsthal, auprès d’Eisenach.