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fesseur à l’université, et en 1784, le roi le créa conseiller de justice. Il publia encore : De usu forcipis extrahendum caput partus incarceratum, 1775 ; De uteri hœmorrhagiis curatis, 1780 ; puis un Abrégé de l’art des accouchements, à l’usage des sages-femmes (en danois), 1792, in-8o. On lui a reproché d’avoir mis dans ce manuel trop de théorie et d’hypothèses subtiles. Saxtorph est mort en 1800. ― Il ne faut pas le confondre avec Jean-Sylvestre Saxtorph, qui, vers le même temps, a publié quelques ouvrages sur les accouchements, entre autres un Examen de divers instruments employés aux accouchements, ouvrage dans lequel on recommande l’usage du forceps tel qu’il a été amélioré par Fried, mais en y ajoutant des bras à la Levret et un manche comme dans celui de Smellie. D-G.


SAY (Jean-Baptiste), économiste célèbre, naquit à Lyon, le 3 janvier 1737, d’une famille de réfugiés protestants. Il était l’aîné de trois garçons. Son père, négociant honorable, lui fit donner une éducation solide et l’envoya en Angleterre pour y apprendre la langue anglaise et acquérir la connaissance des affaires commerciales. Ce fut alors qu’une circonstance, en apparence futile, produisit sur son esprit une impression profonde et détermina peut-être son goût pour l’étude de l’économie politique. À l’époque où il était en pension dans un village près de Londres l’impôt des portes et fenêtres très rigoureux en Angleterre venait d’être voté. Le jeune Say occupait une petite chambre éclairée par deux fenêtres : son maître trouva tout simple d’en faire condamner une pour échapper à la taxe : « Me voilà donc privé d’une fenêtre sans que le trésor en soit plus riche, se dit tout bas le jeune économiste ; à quoi servira donc cet impôt ? » Et trente ans plus tard, il publia, dans son Cours complet d’économie politique, le chapitre curieux des Impôts qui ne apportent rien au fisc. En revenant d’Angleterre, J.-B. Say fut placé en qualité de commis dans une maison de banque. Il attribuait lui-même aux habitudes d’ordre qu’il avait contractées dans cet austère noviciat la rectitude de jugement et les tendances positives de son esprit. Il n’estimait l’aisance qu’il eut toujours et la fortune qu’il n’eut jamais qu’en raison de l’indépendance qu’elles peuvent assurer à l’esprit et quelquefois au caractère. « On voit, écrivait-il vers la fin de sa vie, beaucoup de personnes qui ont trop de respect pour l’argent et cela dégoûte. On en voit aussi qui en ont trop peu et elles tombent dans la misère. Que n’a-t-on pour l’argent tout le respect qu’il mérite et rien de plus ? » J.-B. Say entra bientôt dans les bureaux d’une compagnie d’assurances dirigée par Clavière, qui fut depuis ministre des finances. Clavière lui ayant prêté un exemplaire de l’Essai sur la richesse des nations, le jeune commis, saisi d’admiration pour le génie d’Adam Smith, se hâta d’acheter l’ouvrage et ne s’en sépara plus. Il était alors âgé de vingt-quatre ans, et son premier début littéraire fut une brochure sur la liberté de la presse (1789, in-8o). Elle n’était pas très-bonne, et, quoiqu’il eût pu s’en consoler beaucoup plus tard en lisant celles de notre temps, il ne se pardonna jamais l’enflure et le mauvais goût qui déparaient ce premier essai. Mirabeau l’employa quelque temps après à la rédaction du Courrier de Provence, ce qui le lia d’amitié avec les principaux écrivains de l’époque, et lorsqu’en 1792 l’invasion de la Champagne appela la France aux combats, ils partirent presque tous organisés en compagnie des arts. À peine arrive de l’armée, J.-B. Say épousa, le 25 mai 1793, mademoiselle Deloches, fille d’un ancien avocat aux conseils, et cette union si bien assortie, qui devait durer près de quarante ans fixa définitivement le jeune écrivain à Paris. Les catastrophes financières de l’époque avaient détruit la fortune de son père et ne lui permettaient guère de tenter la sienne dans le commerce. Il se voua dès lors sans réserve au culte des sciences et des lettres non moins profané un moment que tous les autres cultes. Il fonda en 1794 avec Chamfort, Ginguené, Amaury, Duval et Andrieux le premier recueil littéraire sorti des orages de notre révolution, la Décade philosophique[1]. Ce fut comme la résurrection du goût et des principes en littérature, en morale et en politique. J.-B. Say conserva pendant six années la rédaction en chef de ce recueil, dont la collection jusqu’en 1807 forme cinquante-quatre volumes. Il y avait fait un excellent apprentissage des grandes questions dont la France poursuivait la solution au milieu des tempêtes lorsqu’il fut nommé en décembre 1799 membre du tribunal sous le consulat de Bonaparte. C’était précisément à ce moment qu’allait finir le règne des tribuns. J.-B. Say sincèrement dévoué aux intérêts de la liberté ne tarda point à s’en apercevoir. Il s’occupait de travaux financiers et de réformes économiques sans perdre aucune occasion de protester contre les empiètements du nouveau César, et fut bientôt après éliminé du tribunat. Le premier consul, qui avait devine la portée de son esprit essaya de le séduire mais ne put vaincre sa répugnance naturelle pour les impôts de consommation. J.-B. Say se démit des fonctions lucratives de receveur des droits réunis du département de l’Allier auxquelles il avait été nommé. Il lui fallut chercher dans l’industrie, l’indépendance que lui refusaient les emplois publics et il organisa une filature de coton. On le voit dans les galeries du conservatoire des arts et métiers qu’un jour il devait illustrer par son enseignement, étudier comme un simple

  1. À cette époque, J.-B, Say changea son prénom en celui d’Atticus.