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Vienne, 1856 ; — Feuilles bleues consacrées à l’humour, à la gaieté, à l’esprit et à la satire, Vienne, 1853-1856. On ne peut contester à Saphir la gaieté et l’esprit, et on lui a reconnu le mérite d’être un causeur plein de saillies et d’entrain ; mais une longue suite de volumes destinés à provoquer le rire et à dire des malices finit par devenir fatigante ; les plaisanteries trop prolongées s’usent ; elles s’attachent à des choses qui ne sont pas toujours divertissantes, et dans les écrits que nous avons signalés, l’abus des jeux de mots se fait fréquemment sentir. L’humour de Saphir n’a pas d’ailleurs la spontanéité des Anglais tels que Swift et Sterne ; elle est trop allemande, trop autrichienne surtout, pour être bien goûtée en France. D’ailleurs, s’attaquant à des travers, à des ridicules que nous connaissons peu, prenant pour victimes des gens obscurs et oubliés aujourd’hui, dont nous n’avons jamais entendu parler, les productions dont il s’agit n’ont pu amuser que les contemporains, que les compatriotes de l’auteur ; la postérité les laissera de côté ; elles ne sauraient passer dans un autre idiome, et nous croyons qu’on n’a point tenté de faire connaître au delà de la Germanie les gaietés de Saphir par quelque traduction plus ou moins fidèle. Il voulut aussi se montrer comme poëte ; mais il échoua dans le genre sérieux : quelques contes, quelques anecdotes comiques, qu’il mit en vers, ont obtenu un succès de rire, et c’est ce qu’il voulait. Ces poésies ont fait l’objet de deux de ses premières publications : Préludes poétiques, Pesth, 1821, et Poésies, Vienne, 1824, in-8° ; d’autres morceaux sont répandus dans quelques-uns de ses recueils. Saphir est mort le 5 septembre 1858, à Baden, près de Vienne. Son ami Frédéric Hebbel a entrepris de mettre en ordre les manuscrits qu’il laissait. Z.


SAPHO ou SAPPHO, nom d’une ou plusieurs femmes poëtes dont quelques productions sont venues jusqu’à nous. L’auteur de ces fragments mérita d’être appelé la dixième muse. C’est à son sujet que le père de l’histoire, Hérodote, donne quelques détails. Il en résulterait que Sapho était native de Mitylène, qu’elle eut pour père un certain Scamandronyne, de famille aristocratique sans doute, puisque son frère Larichus, dont elle parle dans ses poésies, remplissait dans les repas du prytanée les fonctions d’échanson, exclusivement réservées aux enfants de bonne extraction. Sa famille devait être riche si, en effet, un autre de ses frères, du nom de Charaxus, eut, au rapport du même Hérodote, le moyen d’acquérir, pour l’affranchir ensuite, une esclave du nom de Rhodopis, ce dont Sapho lui fit d’ailleurs des reproches dans une de ses chansons. Quant à l’époque où elle florissait, ou la peut placer vers 570 de J.-C. ; peut-être plus tôt, puisque la Rhodopis dont parle Hérodote vint en Égypte sous le règne d’Amasis. A en juger même par une indication portée sur les marbres de Paros, par suite sans doute d’une de ces révolutions si fréquentes dans sa patrie, se serait réfugiée en Sicile, antérieurement dès lors à l’an 570, où on la retrouve dans Mitylène. Mais rien dans Hérodote au sujet de ses derniers jours. Si la légende qui précipite une Sapho du haut du promontoire de Leucade eût eu alors quelque cours, le naïf conteur n’eût pas manqué d’en régaler son lecteur. Il paraît certain toutefois qu’elle fut aimée d’un autre grand poëte, Alcée, son compatriote. « Pure Sapho, aux brunes tresses, lui aurait-il dit un jour, dans un mouvement passionné, je te voudrais parler, mais la honte me retient. » À quoi Sapho aurait répondu de manière à ne lui laisser aucun espoir. Que doit-on penser maintenant des autres détails plus ou moins romanesques qui ont accompagné Sapho à travers les siècles? Doit-on supposer que l’auteur des fragments admirables qu’heureusement le temps n’a pas tous dévorés, se précipite en effet du haut du promontoire de Leucade dans les flots, pour guérir, suivant la tradition, qui attribuait à cet effort suprême cette efficacité, de son amour malheureux pour Phaon ? Ou doit-on croire avec l’érudition moderne, représentée par les écrivains allemands et anglais Welcker, Ottfried Müller, Mure, Donaldson, que cet amour, ce désespoir, noyé dans les flots, aussi bien que l’inexprimable perversité prêtée à Sapho, fondée surtout sur ce que ses poésies s’adressent presque toujours à des femmes, que tout cela enfin fut l’œuvre des poètes comiques d’Athènes venus plus tard, sans souci de la vérité historique ? On le peut supposer. Ces poëtes, en tête un auteur de comédies du nom de Platon, donnaient à la Sapho de leur imagination nombre d’amants. Rome corrompue renchérit, et Ovide a pu créer cette amante de Phaon à qui l’auteur de l’Art d’aimer fait dire qu’elle a préféré son amant à cent jeunes filles qu’elle a aimées, au grand péril de sa réputation. Mais rien dans les anciens proprement dits ne justifie cette imputation. On a remarqué que le législateur d’Athènes, Solon, ne se fût pas proposé de lire avant de mourir les vers d’un auteur qui aurait prêché une passion que les lois devaient flétrir et condamner. Il est certain que la flamme qui circule dans quelques-unes des poésies de Sapho que nous ont léguées les siècles a dû singulièrement favoriser la légende dont elle a été l’objet. Dans l’ode à Aphrodite, qui nous a été conservée par Denys d’Halicarnasse, Sapho invoque en vers brûlants la déesse qui jadis l’exauçait : « De beaux passereaux rapides t’emportaient du haut du ciel vers la terre noire, et toi, souriant de ta bouche immortelle : « Qui veux-tu que j’enlace dans ton affection ?.... qui t’a fait injure ? Si elle te fuit, tôt elle te poursuivra.... si elle ne t’aime, tôt elle t’aimera, même si elle ne veut. » Ô déesse, délivre-moi de mes peines cruelles, et