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vertes de Pythagore, malgré les développements qu’on leur a donnés après lui et les diverses applications qu’on en a faites, ne pouvaient point être regardées comme constituant une branche des sciences physico-mathématiques. Le domaine de ces sciences a été accru d’une importante conquête à la fin du 17° et au commencement du 18e siècle, et c’est à Sauveur qu’on doit cette conquête. Chose étonnante, ce savant, à qui nous devons l’acoustique musicale, avait la voix et l’oreille fausses ; il était obligé, dans ses expériences, de se faire seconder par des musiciens très-exercés à apprécier les intervalles et les accords. Cette position de Sauveur rappelle celle du professeur Saunderson, aveugle de naissance et commençant un cours de philosophie naturelle par des leçons sur la lumière (voy. Saunderson). Les premiers détails publiés sur ses recherches d’acoustique se trouvent dans le volume de l’Académie des sciences de 1700 (Histoire, p. 131 et suiv.) ; mais ses premiers travaux sur cette matière datent de 1696 : une partie des leçons qu’il donna au collège royal, en 1697, eut pour objet la Musique spéculative, dont il dicta un traité. Il se refusa aux instances qu’on lui faisait pour l’engager à publier ce traité, par diverses raisons qu’il expose dans son Mémoire sur le système général des intervalles des sons, etc. (volume de l’Académie de 1701, p. 299 et suiv.) ; l’une desquelles est relative à l’attention qu’il avait donnée postérieurement aux phénomènes des sons harmoniques. On savait avant Sauveur que lorsque, ceteris paribus, deux cordes avaient leurs longueurs dans le rapport de 1 à 2, ou dans celui de 2 à 3, ou dans celui de 3 à 4, etc., la plus courte sonnait respectivement l’octave, la quinte, la quarts, etc., du son rendu par la plus longue ; il était assez aisé d’en conclure que les rapports entre les nombres de vibrations de ces cordes, pendant un même temps, une seconde par exemple, étaient les rapports inverses de leurs longueurs. Avec de pareilles notions, on peut, dans tous les temps et dans tous les lieux, disposer sans le secours de l’oreille un système de cordes sonores, de manière qu’elles rendent des sons ayant entre eux des intervalles déterminés ; ainsi sachant que la lyre en trépied de Pythagore sonnait les modes dorien, lydien et phrygien, et consultant d’ailleurs les détails qu’Athénée nous a transmis sur cet instrument, on a les moyens d’obtenir une série de sons dans les mêmes rapports entre eux que ceux de cette lyre antique. Mais s’il s’agissait de réunir à la condition de l’égalité des rapports celle de l’identité des sons, la solution du problème serait impossible, les anciens ne nous ayant laissé aucun moyen de retrouver l’unisson d’une des cordes de leur système musical. Peut-être avaient-ils comme nous de ces instruments métalliques, connus sous le nom de diapason, qui gardent et transmettent un son fixe. Mais ces instruments sont altérables et périssables, et le problème de la réhabilitation de l’unisson doit pouvoir se résoudre sans égard à la conservation d’aucun monument matériel. C’est ce que Sauveur a fait le premier, en assignant le nombre absolu ou effectif de pulsations ou de vibrations que fait, dans un temps donné et dans des circonstances déterminées, soit un tuyau d’orgue, soit une corde sonore. Ainsi il a trouvé que la corde sonnant l’un double octave au-dessous de l’ut de la clef, à l’unisson du tuyau d’orgue, à bouche, de huit pieds ouvert, vibrait cent vingt-deux fois dans une seconde ; et comme sa solution fournit des règles certaines pour mettre une corde sonore quelconque en état de vibrer un nombre de fois assigné pendant un temps donné[1] (pourvu qu’elle ait la force de supporter la tension convenable), on saura dans tous les temps et dans tous les lieux reproduire l’unisson soit de notre ut, soit de toute autre corde de notre système musical, par des opérations absolument indépendantes de l’usage d’aucun conservateur matériel d’unisson. Un mot maintenant au sujet d’un premier moyen employé par Sauveur pour déterminer, parle fait, le nombre d’oscillations de la colonne d’air en mouvement dans un tuyau d’orgue qu’on fait résonner, moyen assurément original et ingénieux. Les facteurs avaient depuis longtemps remarqué le phénomène suivant : lorsque deux tuyaux d’orgue sonnent ensemble, le son résultant éprouve des augmentations d’intensité ou renflements périodiques et instantanés, qu’ils appellent battements ; ces battements ont lieu à des intervalles de temps égaux et d’autant plus longs que les intervalles musicaux entre les sous simultanés sont plus petits. Sauveur vit l’explication de ce phénomène dans les coïncidences périodiques des oscillations des colonnes d’air respectives en mouvement dans chaque tuyau ; lorsque ses d’incidences ont lieu, les deux oscillations contemporaines font sur l’organe une impression plus forte que lorsqu’elles sont successives. Supposons que le rapport des nombres respectifs oscillations soit celui de 8 à 9 ; chaque huitième oscillation du tuyau le plus grave et chaque neuvième du plus aigu auront` lieu ensemble et frapperont l’oreille par un battement qui ne se reproduira qu’à la fin de la riode suivante, de huit pour l’un et neuf pour autre. Or, le parti à tirer de ce fait pour en déduire le nombre absolu, par seconde, des oscillations qui ont lieu dans chaque tuyau, est manifeste ; il ne s’agit que de combiner les données

  1. Il s’agit de calculer le poids avec lequel la corde doit être tendue pour donner, par seconde, la nombre de vibrations demandé ; voici la règle de calcul. Le mètre étant l’unité de longueur, et le gramme l’unité de poids, faites le triple produit dont les facteurs sont : 1° la longueur de la corde ; 2° le poids de la partie de cette corde comprise entre les deux chevalets ou points d’appui ; 3° le carré du nombre de vibrations qu’on veut obtenir ; divisez ce triple produit par le nombre 9,8088, et le quotient sera le poids cherché. Le nombre diviseur est, en mètres, le double de l’espace que parcourt, pendant la première seconde de sa chute, un corps grave, tombant dans le vide, sans avoir reçu d’impulsion initiale.