Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 4.djvu/153

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us BER d’honneur, et plus tard grand-croix de Perdre de la Réunion. Il fut doté de la sénatorerie de Montpellier, où il se rendit en 1805, et où il retourna en 1806, lorsqu’il alla présider le collège électoral du département des Pyrénées-Orientales. Heureusement pour la science que Berthollet ne se laissa ni éblouir ni absorber par des fonctions aussi élevées, aussi importantes. Toujours il conserva sa simplicité et son goût pour la retraite et l’étude. C’était sans doute afin de pourvoir aux frais de la science que l’empereur avait désigné pour Berthollet la riche sénatorerie de Montpellier. Cependant les revenus de cette sénatorerie et de tous ses emplois ne pouvaient suffire aux dépenses multipliées auxquelles il était entraîné comme malgré lui par des expériences faites en grand, par des travaux continuels pour Pamélioration des arts, par l’entretien d’un vaste laboratoire ouvert sans cesse aux amis, aux étrangers, et surtout à ses nombreux élèves, qu’il voyait avec plaisir ’exercer sous sesyeux aux préparations les plus délicates de la chimie. Aussi notre savant se trouva-t-il une fois forcé d’introduire la plus grande économie dans sa maison, de vendre ses chevaux et de ne plus aller à la cour. Instruit de cela, Napoléon, qui l’aimait et qui l’appelait son chimiste, le fait mander aux Tuileries ; et, après lui avoir reproché de ne s’être pas plus tôt adressé à lui, il ajouta : «.l’ai toujours 100,000 écus au service de mes amis ; » et cette somme lui fut remise le lendemain. C’était par de nouvelles découvertes, par de nouveaux services rendus aux arts et à la société, que Berthollet répondait à de si grands bienfaits. C’est vers ce temps qu’en faisant diverses expériences, il fut frappé de la grande tendance qu’a l’hydrogène à se combiner avec le charbon, et de la ténacité avec laquelle celui-ci retient l’hydrogène. S’étant assuré que, par suite de ce phénomène, l’eau qui se trouvait en contact avec le charbon n’était point altérée, que le charbon de son côté restait intact, il comprit que c’était là un moyen de conserver l’eau douce dans les embarcations de long cours, en faisant brûler l’intérieur des tonneaux destinés à la contenir. L’expérience fut faite, et confirma que l’on devait à Bèrthollet une nouvelle et utile découverte. Singuliére destinée, s’écrie M. Pariset, qu’une et idée conçue dans un cabinet de Paris sauve la vie à des marins dans le détroit de Behring ; » c’est en 1815 que l’équipage de M. de Krusenstern se trouvait si bien de l’avis de Berthollet ; et c’est en 1801 que cet habile applicateur des faits scientifiques avait lu à l’Institut ses Observations sur le charbon et sur les gaz hydrogène : carbonés. La haute fortune à laquelle semblaient le convier les bontés de l’empe- y reur ne put le distraire sérieusement de ses études chérics. Au lieu de faire preuve d’assiduité à la nouvelle cour, il se retira, se confina pour ainsi dire à la campagne, dans sa maison d’Arcueil. Il y avait construit un laboratoire ; il y vivait au sein de l’amitié, mais d’une amitié toute chimique ; il exerçait une noble hospitalité envers les chimistes étrangers ; il formait à la science des jeunes gens dont il avait pressenti le mérite, et acquittait ainsi, en faveur de talents encore inconnus, la lettre de change qu’il

BER avait jadis tirée sur Tronchin ; il fondait la société d’Arcueil, dont il était l’âme, et dont le monde savant connait les trois excellents volumes de recueils ; infatigable dans ses travaux, il y insérait la Description d’un manomètre pour reconnaître les changements qui surviennent dans l'élasticité et la composition d’un volume d’air déterminé (t.1,1807) ; des Observations sur l’altération que l’air et l’eau produisent dans la chaleur (t. 1) ; sur les proportions des éléments et quelques combinaisons (t. 2) ; sur les hydrogènes carburé et oxyearb uré (mème tome) ; et des notes sur divers sujets (t. 2, p. 448, 454, 463, 470, 484). L’lnstitut eut encore de lui, outre trois rapports (1 • sur les Recherches chimiques touchant la végétation, de M. Th. de Saussure, 1804 ; 2° sur le Mémoire relatif à la composition de l’alcool et de l’éther sulfurique, par le même auteur, 1801 ; 5°* sur les Recherches physico-chimiques de MM. Gay-Lussac et Thénard, 1811), des Considérations sur t’analyse végétale et l’analyse animale, 1809 ; des Observations sur les précipités mercuriels et sur ceux du sulfate d’alumine, 1812 ; enfin des Observations sur la composition de l’acide oœyenuriatique, même année. Son fils alors venait de mettre fin à ses jours. Cette mort prématurée lui causa une affliction d’autant plus vive, que ses talents et son goût pour la chimie promettaient un digne héritier de la gloire paternelle. Il ne se remit jamais complètement de ce coup terrible, auquel il songeait toujours, et qu’une haute discussion de chimie transcendante avait seule le privilège de lui faire oublier un instant. L’année 1814 commença tristement pour Berthollet. La mort de Guyton de Morveau, un de ses meilleurs amis, et sur la tombe duquel il fit un discours le 4 janvier, avait laissé dans son caractère une profonde atteinte de tristesse et d’incertitude. Au mois d’avril suivant, cédant aux conseils de son ami Laplace, il prononça la déchéance de Napoléon et vota la création d’un gouvernement provisoire. Cet acte sans doute lui coùta : il ne pouvait oublier que Napoléon l’avait nommé son ami. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il ne fut appelé à aucun emploi pendant les cent jours. Louis XVIII, après son second retour, le rappela à la chambre des pairs, dont il avait fait partie depuis sa création. Il s’y montra le défenseur des principes constitutionnels, fit plusieurs rapports intéressants sur les fers, sur les poudres et salpêtres, et présenta quelques vues utiles sur les canaux de petites dimensions. C’est au milieu de ces distractions politiques et de ces chagrins de cœur qu’il fut attaqué d’une de ces maladies qui surprennent et désespèrent la médecine. À la suite d’une fièvre légère, un anthrax de la natu1·e la plus maligne vint le dévorer pendant des mois entiers. Médecin, il put supputer lui-même les lents progrès de l’incurable maladie, et calculer les pas que ferait vers lui cette mort accompagnée de la douleur ; philosophe, il subit sans plainte cette, longue agonie. C’est qu’il possédait tous les genres de courage. Dans le désert et parmi les sauvages Mameluks, à l’exemple de Monge, il avait ranimé le courage et la gaieté des soldats, qui presque tous croyaient que Monge et Berthollet n’étaient qu’un