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BOD

qui en seraient atteints au moyen d’une thériaque de sa composition. On ne sait s’il fit usage de ce remède, mais il mourut vers la fin de février 1577, à 49 ans. Ses restes furent déposés dans l’église St-Pierre, où l’on voyait l’épitaphe qu’il s’était composée et qu’on a recueillie dans la Basilea sepulta. Bodenstein s’y montre chrétien confiant dans la vie future, et très-indifférent sur le jugement que la postérité porterait de lui. On y retrouve au sujet de la mort le Nec metuens, nec optans[1] employé depuis par Maynard. (Voy. ce nom.) De Thou fait mention de Bodenstein dans son Histoire, et Teissier a reproduit dans ses Éloge des hommes savants, t. 3, p. 136, ce passage, amplifié d’un extrait des Vitæ medicorum de Melchior Adam. Outre des traductions latines de quelques écrits de Paracelse, on a de Bodenstein : Epistola ad Fuggeros in qua argumenta alchymiæ infirmantia et confirmantia adducuntur. De Podagrœ prœservatione. De Herbis duodecim zodiaci signis dicatis. Isagogen in rosarium chymicorum Arnoldi de Villanora. Ces ouvrages ont été réunis en un volume in-fol., Bâle, 1581.


BODERIE (Lefèvre de la). Voyez Lefèvre.


BODICÉE. Voyez Boadicée.


BODIN (Jean), naquit à Angers, vers l’an 1530. Quelques-uns ont prétendu qu’il fut moine dans sa jeunesse ; d’autres l’ont nié. De Thou, qui est le témoin le plus grave qu’on allègue pour l’affirmative, n’en parle que comme d’un ouï-dire. Il parait, par ses ouvrages, qu’il avait acquis de grandes connaissances dans les langues et dans les sciences. Il fit ses premières études en droit à Toulouse, et il y professa même quelque temps ; mais, trouvant que cette ville n’était pas pour lui un théâtre assez brillant, il vint à Paris, dans l’intention d’y suivre le barreau. Sans talent pour la plaidoirie, il ne put lutter contre les Brisson, les Pasquier, les Pithou, qui y tenaient le premier rang. Il ne réussit pas même, suivant Loisel, dans la consultation, et il s’adonna uniquement à la composition des livres. Ses premiers ouvrages lui firent une grande réputation. Henri III, qui se plaisait dans les entretiens des gens de lettres, l’admit dans ses conversations familières. Il plut beaucoup à ce prince, qui fit mettre en prison un nommé Michel de la Serre, gentilhomme provençal, pour avoir publié un écrit injurieux contre Bodin. Comme il avait beaucoup de présence d’esprit et une mémoire heureuse, il savait étaler à propos les ressources de sa vaste érudition. L’envie des courtisans, suivant de Thou, et l’opposition qu’il montra aux états de Blois, en 1576, contre les projets du roi, suivant d’autres, lui firent perdre ses bonnes grâces. Il trouva un asile auprès du duc d’Alençon, le quatrième des enfants de Henri II, prince léger et faible comme ses frères, mais qui ne fut pas roi comme eux, et n’eut des couronnes qu’en espérance. Les insurgés des Pays-Bas eurent le projet de le déclarer leur souverain ; et il prétendit à la main d’Élisabeth, reine d’Angleterre. Bodin l’accompagna, et fut son conseiller dans tous les voyages qu’il fit pour tenter ces aventures. Ce prince le fit en outre son secrétaire des commandements, maître des requêtes de son hôtel, et son grand maître des eaux et forêts. Ces faveurs furent perdues pour lui, par la mort prématurée de son protecteur. Il se retira, en 1576, à Laon, où il épousa la sœur d’un magistrat ; il y occupa même la place de procureur du roi, comme le prouve Niceron. Député aux états généraux de 1576, par le tiers état du Vermandois, il s’y comporta en bon citoyen, en s’opposant de toutes ses forces, mais sans succès, aux desseins de ceux qui voulaient faire révoquer les édits de pacification, et replonger la France dans les horreurs de la guerre civile. Il empêcha aussi qu’on ne déléguât tous les pouvoirs des états à une commission de quelques députés choisis par la cour dans les trois ordres ; et il mit obstacle à l’aliénation du domaine, qu’il regardait comme une opération funeste. Cette fermeté contribua à le perdre entièrement dans l’esprit du roi, qui se plaignit que Bodin, non content de se montrer contraire à ses desseins, était parvenu à faire partager ses opinions par ses collègues. Tout espoir d’avancement fut perdu pour lui, et il ne put obtenir une charge de maître des requêtes qui lui avait été promise. Il continua à demeurer à Laon, et, par l’influence qu’il exerçait dans cette ville, il la fit déclarer pour la ligue, en 1589. Il écrivit même à cette occasion, au président Brisson, une lettre très-injurieuse contre Henri III. Il répara cependant, en partie, sa faute en ramenant la ville de Laon à l’obéissance de Henri IV. Il y mourut de la peste, en 1596. Le premier ouvrage qu’il publia fut un commentaire sur la Chasse d’Oppien, et une traduction en vers latins de ce même poëme, Paris, 1555, in-4o. On l’accusa, non peut-être sans raison, de s’être beaucoup servi des écrits de Turnèbe. Il donna ensuite sa méthode pour l’histoire : Methodus ad facilem historiarum cognitionem, Paris, 1566, in-4o. Les avis ont été très-partagés sur le mérite de cet ouvrage. Comme il n’est rien moins que méthodique, on a remarqué qu’il était en contradiction avec son titre. Scaliger, ennemi de Bodin, prétendait que ce n’était qu’un chaos, où l’auteur avait entassé sans discernement ce qu’il avait pris de côté et d’autre. La Monnoie, dans ses Additions au Ménagiana, est de l’avis de Scaliger. Cependant, d’Aguesseau, dans ses Instructions à son fils, le lui indique comme le meilleur de tous les livres qui ont été faits à ce sujet. Scaliger et la Monnoie paraissent plus croyables sur ce point. L’ouvrage qui contribua le plus à faire une grande réputation à Bodin fut ses six livres de la République. On avait dit qu’il y avait plus d’ordre et de méthode que dans le précédent. Néanmoins ceux qui ont tenté de le rajeunir de nos jours assurent que les matières y sont dans le plus grand désordre, et que, pour corriger ce défaut, ils ont été obligés de transporter les livres et les chapitres. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il est rempli de digressions et de citations superflues ou inexactes. Bodin connaissait assez bien la constitution de la monarchie française ; mais

  1. C’est l’idée de Martial : Summum nec metuas diem, nec optes.