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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 43.djvu/11

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je pense de vous et la confiance que j’ai en votre savoir et en votre affection ; si vous êtes aussi content de mon fils (le Dauphin) qu’il l’est de vous, je vous crois fort bien ensemble ; car il me paraît qu’il vous connaît et vous estime autant que moi. Je ne saurais finir sans vous et recommander absolument de vous conserver pour le bien de mon service. » Ce fut à ce siège que Vauban imagina le tir à ricochet, dans lequelle boulet, lancé avec une charge plus faible, fait une suite de bonds et va frapper plusieurs fois, le long d’une branche d’ouvrage, l’artillerie et les troupes. Ce fut encore dans cette occasion qu’il reproduisit, avec plus d’instances que jamais, le projet d’organiser un corps de sapeurs. « Je suis las, disait-il à Louvois, de tout faire au hasard et d’avoir à chaque nouveau siége de nouveaux sapeurs à former. » Louvois refusa d’abord : Vauban ayant insisté, le ministre se rendit ; mais les événements forcèrent d’ajourner. Au siége de Frankenthal, le Dauphin, enchanté de Vauban, le pria de choisir 4 canons parmi les 1 000 bouches à feu que son art avait conquises. On y mit les armes du roi et celles de Vauban, avec une inscription indiquant que ce don était la récompense de ses services. Louis XIV se trouvait dans une position difficile (1689). On commençait à se fatiguer de la guerre. Le désordre des finances était les moyens de recruter l’armée. Vauban, Catinat, Fénelon, rapprochés par une estime réciproque, gémissaient des malheurs de l’État, et ils étaient persuadés que le rétablissement de l’édit de Nantes était la mesure la plus propre à les faire cesser. Aussi modeste, mais moins timide que ses deux amis, Vauban se chargea d’en faire la proposition, et il l’accompagna du tableau touchant des maux qu’il avait vus dans ses courses ; mais il n’obtint que quelques adoucissements, que le système des conversions annula bientôt. Au siége de Mons (1691), à celui de Namur (1692), il dirigea les attaques sous les yeux du roi. À celle du fort Guillaume, on vit un spectacle intéressant. Ce fort était l’ouvrage de Cohorn, seul rival qu’eût Vauban, et ce rival y commandait en personne avec son propre régiment. La défense et l’attaque furent dignes de l’un et de l’autre ; mais le génie de Vauban l’emporta, et le fort se rendit[1]. Quoique l’attaque de Namur en devînt moins difficile, il fallut sept jours de tranchée ouverte devant la ville et vingt-deux devant le château. Après avoir perdu 4 000 hommes, Namur capitula. Les courtisans, qui avaient accompagné le roi, s’ennuyaient de la longueur du siége : Vauban brava leurs murmures et, préférant à leurs suffrages la vie du soldat, modéra même l’ardeur des assiégeants. Louis XIV le dédommagea en l’admettant à sa table, honneur exclusivement accordé à la haute naissance. À la bataille de Steinkerque (1692), les Français jetèrent spontanément leurs mousquets pour se servir des fusils pris aux ennemis ; Vauban contribua à cet échange, et voulant le rendre plus avantageux, il imagina son fusil-mousquet, dans lequel la mèche servait au défaut de batterie ; bientôt après il l’arma de la baïonnette. Le duc de Savoie menaçant le Dauphiné, Vauban y fut envoyé, et il fit les plans de tous les ouvrages nécessaires à la sûreté de cette frontière, ainsi qu’à celle du comté de Nice et du Piémont. Briançon fut amélioré, Fenestrelles fortifiée et la forteresse de Mont-Dauphin construite. Vauban connaissait l’esprit du Français et savait qu’alors il préférait un signe d’honneur à la fortune. C’est d’après ses avis que Louis XIV fonda l’ordre de St-Louis (1693). La première idée de cette institution lui appartient, et il fut au nombre des sept grand-croix à la création. Vainqueur du prince d’orange à Nerwinde, le maréchal de Luxembourg revint à Fleurus couvrir le siége de Charleroy. Toutes les fortifications de cette place étaient l’ouvrage de Vauban, et les ennemis les avaient entretenues avec soin. La reprise lui coùta vingt-sept jours de tranchée ouverte : il y mit en œuvre toutes les ressources de son génie. Les Anglais, qui commençaient à dominer sur la mer, menaçaient nos ports de leurs flottes redoutables (1694), et dans tous les dangers on avait recours à Vauban. Il visita les côtes, et prévoyant gue cette situation pourrait être d’une longue durée, il dressa des instructions sur les moyens de diminuer dans les ports les ravages des boulets rouges et des bombes. Pendant que les rigueurs de l’hiver tenaient les deux partis dans l’inaction, il s’occupa de l’ensemble de la situation de la France. Affligé de voir les ennemis conserver leur supériorité et dans l’impuissance de la leur enlever, il rédigea des mémoires sur les moyens d’en atténuer les effets, sur les places qui paraissaient le plus exposées, et les mesures à prendre pour les garantir, sur les camps retranchés, dont il conseille l’usage après en avoir démontré l’utilité. C’est à la même époque qu’indigné des exactions en usage pour lever les impositions, il rédigea la Dixme royale. La paix de Ryswyck suspendit le cours de nos malheurs (1697). Comme elle changea les limites de la France, Vauban eut de nouveaux travaux à prescrire. Il fit sur les frontières un voyage de plusieurs années, détermina partout le système de la défensive et de l’offensive, attachant à ses vues militaires des projets utiles au commerce, à l’agriculture et au développement des richesses de l’État. Le perfectionnement des ouvrages hydrauliques ; les moyens de construire des bassins, des jetées, des écluses de chasse et de déniche ment ; les relations des ports avec l’intérieur ; la possibilité de rendre navigables jusqu’aux moindres rivières, de constater tous les canaux qu’on

  1. Vauban isola le fort du château par une tranchée intermédiaire ; profitant de la faute qu’avait faite Cohorn d’avoir trop éloigné et mal soutenu cet ouvrage.