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fut rappelé en 1781, et fut nommé ambassadeur en Hollande, et transporté des quais de la Néva aux rives du Zuyderzée, où la tâche fut différente et peu facile entre les deux nuances gouvernementales qui divisaient les Provinces-Unies. Il n’hésita pas à se prononcer contre l’agrandissement et la consolidation de la maison d’Orange, que l’Angleterre et la Prusse soutenaient, et il ne craignit pas d’agir auprès des états généraux pour retirer au stathouder le gouvernement de la Haye, ce que sa cour désapprouva et ce qui fut l’occasion de son rappel. Son indépendance et sa conviction ne voulurent point s’effacer devant ce qu’il regardait comme l’intérêt de la politique française. Qui peut blâmer de pareils sentiments ? Il resta quatre ans sous la remise, selon l’expression du temps, et en 1789, il fut chargé d’aller remplacer M. de Vergennes en Suisse, en qualité d’ambassadeur. Mais que d’événements allaient tout détruire en France et tout bouleverser en Europe ! Après les journées de juin 1791, qui avaient ramené de Varennes le roi captif à Paris, le marquis de Vérac envoya sa démission, partit pour Lindau, d’où successivement il se rendit à Venise, Florence, et revint à Ratisbonne ; mais dès le premier jour il avait été inscrit sur la liste des émigrés, et par conséquent tous ses biens furent confisqués et vendus. Il rentra en France en 1801, et y vécut dans la retraite, jusqu’à ce qu’en 1814 les destinées de la France y ramenassent ses anciens rois. Louis XVIII reconnut alors la fidélité et les services du marquis de Vérac, en l’élevant au grade de lieutenant général, et en lui donnant les grandes entrées de la cour. Le marquis de Vérac, retiré de la vie active, consacra ses dernières années à sa famille et à une société intime dont il faisait le charme par son esprit et ses souvenirs. Il termina sa carrière le 28 octobre 1828.

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VÉRAC (ARMAND-MAXIMILIEN-FRANÇOIS-JOSEPH-OLIVIER DE SAINT-GEORGES, marquis de), pair de France, grand officier de la Légion d’honneur, fils du précédent, naquit à Paris, le 1er août 1768. Destiné comme ses aïeux à la carrière des armes, il débuta à l'âge de quinze ans dans les gardes du corps ; passa, en 1786, sous-lieutenant dans les carabiniers royaux, y reçut le grade de capitaine en 1788. Sa carrière naissante fut brisée par la révolution. S’étant rendu à Soleure, auprès de son père, ambassadeur en Suisse, il y trouva le baron de Breteuil, ancien ministre de la maison du roi, qui y résidait avec sa famille depuis les premiers jours de l’émigration. Le baron de Breteul avait la confiance et les pouvoirs de Louis XVI, et était seul confident, au dehors, du voyage de Varennes, dont le but n’était pas pour le roi de sortir de France, mais de se rendre à Montmédy, afin de pouvoir régler, de concert avec la nation, ses destinées et celles de la monarchie. Rien de plus honorable pour le jeune Olivier de Vérac que le choix que fit alors de lui M. de

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Breteuil pour être son secrétaire, l’aider dans sa correspondance avec le roi et l’étranger, l’envoyer même porteur de dépêches à Paris, au péril de sa vie, l’initiant ainsi à des secrets qu’ignorait son père, et à un rôle auquel il se livra avec le mouvement passionné de son âme. On connaît le tragique dénomment de cette retraite de Louis XVI, sur laquelle on fondait tant d’espérances. Lorsqu’on apprit la nouvelle de l’arrestation du roi, le jeune homme crut un instant perdre la raison de douleur et de désespoir. Mais il demeura au même poste, associé aux efforts que continua de faire M. de Breteuil pour sauver le roi et la reine. Il fut constamment initié aux confidences que ces malheureux souverains, prisonniers dans leur capitale, parvenaient quelquefois à adresser à leurs serviteurs. Après le supplice de Louis XVI, de Vérac, dans l’exaltation de ses regrets, prit du service à l’étranger, puis, s’étant calmé, et n’étant nominativement porté sur aucune liste d’émigrés, il rentra en France, en 1799. En 1810, il épousa mademoiselle de Noailles, fille du général vicomte de Noailles, qui venait de périr, en 1804 (voy. Louis-Marie DE NOAILLES). De Vérac, en 1807, avait été l’objet d’une rigueur personnelle, et exilé en Belgique, par l’Empereur, qui le mit pendant plusieurs années sous la surveillance des autorités administratives. Après l’abdication de Fontainebleau, il salua, avec enthousiasme, le retour des Bourbons, qui n’avaient pas perdu le souvenir de son dévouement à Louis XVI. Il fut nommé chevalier de St-Louis, le 24 août 1814 ; membre du conseil général de Seine-et-Oise, le 30 septembre de la même année, et pair de France, le 17 août 1815. Entré dans la vie publique, son esprit éclairé et judicieux ne le fit pas hésiter sur la nécessité de marcher avec franchise dans la voie du gouvernement représentatif dont la restauration venait de doter notre pays. Aussi fut-il un des membres les plus décidés et les plus intelligents du parti modéré qui formait la majorité de la pairie, et qui fut connu plus tard sous le nom de centre droit. On aura tout dit sur sa couleur politique, en disant qu’il était ami intime du duc de Richelieu, et partageait ses opinions. Il le servit activement dans sa ligne de conduite, et entre autres, contribua beaucoup à son rapprochement avec M. de Villèle. Il tint constamment une place importante dans l’illustre assemblée, par la part qu’il prit aux questions qui s’y traitaient, au travail des commissions, aux transactions des partis, et il porta le même esprit et la même influence dans les conseils généraux et les colléges électoraux qu’il présidait toujours, également apprécié par les hommes politiques et par la cour, où il tenait une place marquante, comme grand officier de la Légion d’honneur et gouverneur du château de Versailles. C’est dans cette situation que la révolution de 1830 le surprit ; il la vit avec une amère douleur, mais la