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chambre des pairs ayant été conservée, il y resta, professant la maxime qu’il ne faut pas se séparer volontairement du pays, quand on occupe une position indépendante, où l’on peut encore empêcher le mal et faire le bien. Il y prêta, en effet, son appui aux mesures qui pouvaient affermir l’ordre et repousser la révolution, sans faire pour cela le sacrifice de ses sentiments et de ses opinions. Il protesta vivement contre la proposition de l’abolition du deuil national du 21 janvier, et éleva encore quelquefois la voix dans l’assemblée pour réclamer en faveur de ce qui était juste et utile au pays. Du reste, il ne vécut réellement plus qu’en homme privé, conservant jusqu’à la fin cette chaleur du cœur, cet esprit sage et éclairé, animé et charmant, qui l’avaient toujours distingué. Il mourut le 13 août 1858, à l’âge de 90 ans. — César DE VÉRAC, frère ainé du précédent, fut marié très-jeune à mademoiselle de Vintimille, fille du comte de Vintimille, chevalier d’honneur de madame la comtesse d’Artois, qui obtint pour son gendre la survivance de cette place. Le comte de Vérac suivit la princesse en émigration, servit il l’armée des princes, et rentra en France quand les circonstances le permirent. Il fut nommé, à la restauration, gentilhomme d’honneur de Monsieur, comte d’Artois, et plus tard, un des quatre chambellans de Charles X, qui lui donna le cordon bleu à la première promotion. César de Vérac mourut le 10 février 1838. — Gabriel DE VÉRAC, troisième fils du marquis de Vérac (Charles-Olivier), et frère du précédent, fut chevalier de Malte et chevalier de St-Louis. Il servit à l’armée des princes et en Espagne, et mourut à Paris, le 10 mars 1839.

Z.


VERANZIO (ANTOINE), archevêque de Gran, en Strigonie, primat et vice-roi de Hongrie, célèbre par les missions diplomatiques qu’il a remplies près des premières cours de l’Europe, naquit d’une famille illustre, le 20 mai 1504, à Sebenico en Dalmatie. Il se trouvait près de son oncle Pierre Bérislas, évêque de Wesprim, lorsque ce prélat fut cruellement mis à mort par les Turcs (1520). Un autre de ses oncles, Jean Statiléo, évêque de Transylvanie, qui était en grande faveur à la cour de Hongrie, l’appela près de lui pour l’élever avec un de ses frères. C’est là que le jeune Antoine écrivit la vie de son oncle Bérislas, qui, un siècle plus tard, a été publiée à Venise (voy. TOMKUS). Il fut envoyé à Padoue, à Vienne et à Cracovie, pour y continuer ses études. Étant revenu à la cour de Hongrie, il se fit bientôt connaître de l’évêque Étienne Broderie et de Martinusius, depuis cardinal, qui étaient les ministres influents du roi Jean Zapolya Ier. Depuis l’an 1528, ce malheureux monarque employa Yéranzio dans plusieurs missions élicates près des princes voisins, le nomma son secrétaire, et lui donna la prévôté de Bude. Véranzio, qui devait ces deux places à la recommandation de


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Broderie, témoigne sa reconnaissance à son protecteur par une pièce en vers latins qu’il lui adressa. Le roi l’envoya en Transylvanie, comme son commissaire, avec ordre de remplir les fonctions épiscopales, à la place de son oncle Statiléo, nommé ambassadeur de Hongrie près de François Ier. Il profita de son court séjour en cette province pour y faire des recherches sur les monuments des Romains ; et l’on voit dans ses manuscrits un grand nombre d’inscriptions qu’il y découvrit. Il était revenu près du roi, lorsque ce prince fut assiégé à Bude (1530) par le comte de Togendorf, général de Ferdinand Ier. Après la levée du siége, il fut deux fois envoyé vers Sigismond, roi de Pologne, beau-frère du roi ; deux fois vers la république de Venise ; ensuite vers les papes Clément VII et Paul III. Plus tard, il retourna pour la troisième fois vers le roi Sigismond. Il fut aussi député deux fois vers François Ier, et il se trouvait, en 1535, près de Henri VIII, roi d’Angleterre. C’est dans ces derniers voyages qu’il connut Érasme et Mélanchthon. Le comte Fr. Draganich, que l’abbé Fortis vit à Sébénico, dans son voyage en Dalmatie, a conservé[1] une lettre d’Érasme à Véranzio, et un petit poême grec que celui-ci adressa à Mélanchthon. De retour en Hongrie, Véranzio fut envoyé deux fois vers Ferdinand Ier, mais il échoua dans sa mission. En mourant (1540), le roi Jean nomma Martinusius, qui était son premier ministre, et la reine Isabelle pour tuteurs de son fils Jean Zapolya II. Véranzio, alors à la cour, rendit compte de ce qui se passait à Jean Statiléo son oncle. Les deux lettres qu’il lui écrivit sont restées manuscrites dans les archives de sa famille. Isabelle l’envoya, pour la huitième fois, en Pologne (1543), vers le roi Sigismond. Il peignit, devant la diète, la position de cette reine malheureuse en termes si touchants que toute l’assemblée fondit en larmes. Sa harangue fut imprimée à Cracovie. Il fut encore, la même année, envoyé vers le roi Ferdinand, qui, par l’accueil qu’il lui fit, chercha à gagner un homme si précieux. Alors la rupture avait déjà éclaté plusieurs fois entre la reine Isabelle et Martinusius. Ce ministre, dont rien ne pouvait satisfaire l’avarice, exigea que Véranzio remit entre ses mains les bénéfices qu’il possédait en Transylvanie et en Hongrie. Celui-ci, après avoir rempli une neuvième mission en Pologne, pour la reine Isabelle, prit congé d’elle et retourna à Sébénico, prévoyant les malheurs qui allaient fondre sur la Hongrie, et ne pouvant les empêcher. En 1549, Ferdinand, qui, après l’abdication d’Isabelle et de son fils Jean II, avait été couronné roi de Hongrie, le nomma évêque des Cinq-Églises et conseiller d’État. En 1553, il l’envoya vers Ali-Pacha, beiglerbeig de Bude, et peu après il le nomma, avec François Zay, son ambassadeur en Turquie.

  1. Viaggio in Dalmazia, Venise, 1714 (voy. FORTIS).