à une partie de ses conquêtes. Menacé de toutes parts, il se hâta de fortifier les ports de la côte et de les mettre en état de repousser l’attaque de la flotte hollandaise, redoutable à cette époque. Après avoir indiqué les ouvrages défensifs, particulièrement de l’île de Ré, qui était le point le plus exposé, Vauban en confie exécution à d’habiles ingénieurs, parcourt les places de Flandre, se rend auprès du roi, qui envahissait la Franche-Comté, et dirige le siège des principales villes. Apprenant que les ennemis, battus à Senef par Condé, investissaient Oudenarde, il court se jeter dans cette place et repousse les assiégeants, qui sont obligés de se retirer. Le roi, pour le récompenser de tels services, le nomma brigadier de ses armées (1674). L’année suivante, les chances de la guerre réduisirent à la défensive Luxembourg et Condé, jusqu’alors agresseurs et victorieux. Vauban parcourt la ligne des places fortes, prêt à se jeter dans la plus importante. Pour défendre les autres, il donne à des ingénieurs habiles des instructions écrites, et semble ainsi se multiplier lui-même. Il dépose dans ces instructions le fruit de son expérience, prévoit les différentes combinaisons, et par des maximes générales, met tout le monde à même de les déjouer. Toujours animé de l’amour de l’humanité, dansun métier où l’on ménage peu la vie des hommes, il prescrit tout ce qui tend à la conservation du soldat. Ce fut surtout dans cette campagne (1675), qu’il montra toute la noblesse de ses sentiments, et combien il était exempt de jalousie. Cohorn, son rival dans l’art des sièges, mécontent du prince d’Orange, offre ses services à la France, et fait connaître une de ses inventions, dont on pourrait tirer le plus grand parti. Vauban, consulté, l’approuve et conseille d’accueillir Cohorn (voy. Cohorn). Pendant que les troupes prenaient des quartiers d’hiver et se reposaient des fatigues de la campagne, Vauban surveillait les travaux. Louvois voulut qu’il fortifiât Alost ; mais il détourna le ministre de ce projet, en démontrant les inconvénients des places isolées, qui n’empêchent jamais une invasion et forcent à y jeter des troupes qu’on laisse ainsi dans l’inaction. Il fit également sentir au ministre l’avantage de la possession d’Aire, de Condé, de Valenciennes, et prépara le siège de ces places. Afin d’empêcher leurs garnisons de profiter de l’inondation pour se secourir, il s’en empare au moyeu de galiotes et de batteries flottantes. Le succès répondit à ses vues. Au siége de Valenciennes, il voulut attaquer en plein jour et lutta contre les maréchaux de Schomberg, de Luxembourg, de Lorges, de la Feuillade. Louvois, Monsieur, et Louis XIV partageaient l’avis de ces généraux, qui préféraient l’obscurité pour protéger les assiégeants. Vauban insiste[1], le roi se rend, et Valenciennes est pris. Cambray demande plus d’efforts : un officier veut brusquer l’attaque d’un ouvrage avancé : Vauban s’y oppose : « Vous perdrez, dit-il à Louis XIV, qui était de l’avis de l’officier, tel homme qui vaut mieux que le fort. » On passe outre ; et les assaillants sont taillés en pièces : « Une autre fois je vous croirai, dit le monarque. Cependant, impatienté de la résistance des assiégés, ce prince veut donner l’assaut et propose de ne point faire grâce aux 3 000 assiégés. Les généraux gardaient le silence ; Vauban seul représente au roi que son projet est contraire aux lois de la guerre, que la place serait prise plus promptement a la vérité : « Mais, Sire, ajouta-t-il, j’aimerais mieux avoir conservé 100 soldats à Votre Majesté, que d’en avoir ôté 3 000 aux alliés. » Louis abandonne son projet, et la cour admire la noble franchise de Vauban. Pendant cette campagne, il avait reçu un brevet de maréchal de camp, avec une pension et une gratification de vingt-cinq mille écus. Aucun siège important ne se fit désormais sans son intervention. Le maréchal d’Humières et Créqui le demandèrent à la fois : le premier pour le siége de St-Guislain, le second pour celui de Fribourg. En l’accordant au maréchal, le ministre lui recommanda, au nom du roi, de ne point permettre que Vauban s’exposât, parce que sa conservation était une affaire d’État. Il alla jusqu’à prier d’Humières d’employer son autorité pour l’empêcher de conduire la tranchée. « Vous savez, dit Louvois dans sa lettre, quel déplaisir aurait le roi s’il lui arrivait accident. » Témoignage flatteur pour Vauban, honorable pour le prince et pour son ministre. La prise de Gand (1677) suivit celle de St-Guislain ; et bientôt le roi fit investir Ypres. On voulut, pour seconder l’impatience de Louis, exposer l’armée : « Vous gagnerez un jour, lui dit Vauban, mais vous perdrez 1,000 hommes. » Le chevalier de Clerville, commissaire général des fortifications, étant mort (1677), le roi donna sa charge à Vauban. Celui-ci la refusa par un motif, dit Fontenelle, qui l’eût fait accepter à tout autre : c’étaient la fréquence et l’intimité des rapports que donnait cette place avec les ministres. Louis XIV lui ordonna de remplir, comme un devoir, les fonctions qu’il lui avait confiées pour récompense de ses talents et de ses services. Déjà Vauban était inspecteur, sous les deux ministres Louvois et Colbert, des places que chacun avait dans son département. Comme commissaire général, il eut la direction de toutes. Ces ministres étaient jaloux l’un de l’autre : plaire à tous les deux était une entreprise difficile. Sans se le proposer, Vauban y parvint par sa franchise et l’amour de ses devoirs. Il conquit leur estime et fit même servir leur rivalité aux intérêts de l’État. Après la prise d’Ypres, il se rend à Dunkerque, fait couper le banc de sable qui barrait l’entrée du
- ↑ Son motif était d’empêcher qu’une partie des assiégeants ne tirât sur l'autre, que la nuit ne favorisât la pusillanimité des lâches, et surtout que les méprises et le défaut d’accord ne fissent manquer le plan d’attaque.