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verti jette le Zend qu’il tient encore à la main, et, sans vouloir entendre la justification de Zoroastre, il ordonne de le renfermer étroitement. Cette détention durait depuis sept jours, lorsqu’un événement singulier fit éclater l’innocence de Zoroastre. Le cheval favori de Gustasp fut atteint d’une paralysie, ou, comme le disent les légendes, d’une maladie qui avait fait rentrer ses jambes dans son ventre. Aucun des sages ou des médecins ne connaissait de remède à ce mal ; et, après mille efforts infructueux, on désespérait de sauver l’animal, lorsque Zoroastre, averti de ce qui se passait, demanda à paraître devant le roi, promettant de guérir son cheval et de dissiper son chagrin. Il y réussit en effet, et cela à la vue de toute la cour que le bruit du miracle attirait autour de lui. Mais à chaque jambe qu’il faisait paraître hors du ventre de l’animal, il imposait à Gustasp une nouvelle condition, que ce prince n’avait garde de lui refuser. C’est ainsi que successivement le roi, Esfendiar, son fils aîné et son héritier présomptif, enfin la reine et toute la maison royale adoptèrent la loi d’Ormuzd et jurèrent de croire au Zend-Avesta. Il ne restait plus que la quatrième jambe à guérir quand Zoroastre demanda que l’on appelât le serviteur qui s’était laissé séduire par ses ennemis. Cet homme, ayant reçu l’assurance de sa grâce, dévoila le mystère et prouva ainsi au roi l’innocence du prophète, qui fut réintégré dans sa maison et redevint le favori de Gustasp. Aussi zélé pour la propagation du nouveau culte qu’il avait été attaché à sa première croyance, ce prince fit tous ses efforts pour que ses sujets suivissent son exemple, éleva partout de vastes atechgáhs, ou temples du feu. établit des mobeds, des destours, et écrivit aux gouverneurs des pays voisins de venir à pied visiter le cyprès de Zoroastre. Quelques-uns obéirent ; mais d’autres s’y refusèrent, et même empêchèrent leurs provinces d’accepter le culte nouveau. Cependant Zoroastre se rendait de plus en plus célèbre par des conversions éclatantes. La plus mémorable fut celle du brahme Tchengrenghatchah. Ce sage, un des plus habiles de l’Inde, avait résolu de venir lui-même convaincre de folie ou d’imposture aux yeux de toute la cour le prophète d’Iran ; et, dans cette espérance, il avait, pendant deux ans entiers, rassemblé les questions les plus épineuses et les plus difficiles à résoudre. La vie d’un homme, disait-il à quatre-vingt mille brahmes qui l’accompagnaient, ne suffirait pas pour en expliquer la moitié. Arrivé dans la capitale de Gustasp et admis à une conférence publique avec Zoroastre, il se préparait à lui adresser une de ses questions, lorsque le réformateur, prenant la parole, ordonna à un de ses disciples de lire à haute voix un des nosk : qui faisaient partie du Zend-Avesta. Ce nosk contenait la solution de tous les problèmes que Tchengrenghatchah avait si laborieusement et si longtemps


médités. Frappé d’un prodige aussi inouï, ce dernier renonça aux dieux de l’Inde et devint un des sectateurs les plus zélés de celui que naguère il traitait d’imposteur. Tous les sages qui l’avaient suivi imitèrent son exemple et portèrent le culte d’Ormuzd et des Amchadpands dans la belle péninsule d’où ils étaient sortis. Aussi retrouve-t-on encore des traces de cette antique religion dans les plaines de l’Hindoustan. Cependant, quels que fussent les succès et les accroissements de la nouvelle loi, elle se répandait encore trop lentement au gré de l’ardent réformateur et de Gustasp. Le pèlerinage du cyprès se ralentissait. Il fut décidé que le prince secouerait le joug du roi de Touran et lui refuserait le tribut accoutumé. « Comment un roi armé du collier de la loi de vérité pourrait-il payer tribut à celui qui adore les idoles ? » A entendre Zoroastre, il fallait même que le souverain infidèle cédât partie de ses provinces et livrât à Gustasp le royaume de Tchin. On alla jusqu’à l’en sommer par lettres. Ardjasp, tel était le nom du prince touranien ; Ardjasp, à la lecture de cette impérieuse et ridicule sommation, répondit que si Gustasp ne se hâtait de congédier le vil enchanteur qui l’abusait, il lui déclarerait la guerre et réduirait ses villes en cendres. Ces menaces étaient de nature à épouvanter ; et Djamasp, vieux ministre d’Iran, était d’avis de mettre de la prudence dans les relations avec le prince ennemi. « Qu’est-il besoin de prudence ? s’écrie Zoroastre ; on veut la guerre, faisons la guerre : marchons ! » La victoire, victoire sanglante. il est vrai, et souillée de deuil, est à Gustasp. En effet, après plusieurs batailles, où périssent et le frère du roi, Zézir, et les frères de Djamasp, la valeur d’Isfendiar fixe la victoire sous les bannières iraniennes. Mais bientôt le vieux prince, jaloux de son fils, le fait charger de fers et enfermer dans un cachot. Il part ensuite pour le Sistan, où Roustam et Zal, son père, commandent encore avec une autorité presque souveraine et résistent à toutes les innovations. L’arrivée de Gustasp change tout dans cette contrée, et des atechgahs s’élèvent de toutes parts comme par enchantement. Mais tandis que le royal prosélyte convertit ainsi les provinces, sa capitale, sans défense, est subitement saccagée et incendiée par Ardjasp. L’atechgâh central devient la proie de la destruction ; et Lohrasp, père du souverain, meurt les armes à la main, et hors du couvent où la dévotion le tient confiné depuis le jour où il a abdiqué en faveur de son fils Gustasp. Lui-même est battu, peu après, par l’armée touranienne et se réfugie sur une montagne près de Komech. Encore voit-il bientôt son refuge investi par les forces de son ennemi, et n’a-t-il de ressources que dans la valeur d’Isfendiar. Modèle de générosité comme de bravoure, à peine ce jeune héros a vu briser ses chaînes qu’il attaque l’antagoniste de son père, venge