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le besoin d’être gouverné d’après des lois fixes
et une règle uniforme ; La religion seule, dans
les temps reculés où la civilisation était encore si
imparfaite, pouvait remplir un tel but, et réunir
en un faisceau les divers royaumes soumis par
le génie de Cyrus. Aussi ne conteste-t-on point
que les opérations de Zoroastre furent faites dans
un but et dans un sens politiques autant que
dans des vues religieuses. C’est ce que la lecture
du Vendídad et du Boundehech achève de mettre
hors de doute. Enfin les Perses et les mahométans
nous présentent aussi souvent leur Ke-Gustasp
à lsthakar qu’à Balkh, alors chef-lieu du
magisme et métropole de la nouvelle religion.
Or, lsthakar est Persépolis, et ce n’est qu’à partir
de Darius que cette ville magnifique devint le
séjour des monarques persans. Dans la suite
même, elle fut aussi la capitale religieuse de
tout l’empire. C’est là que les princes reçurent
la consécration royale, que les mages tinrent
leurs assemblées les plus célèbres, que l’art couvrit
les murailles, les temples, les palais, les
tombeaux, de symboles sacrés et d’hiéroglyphes.
Persepolis. berceau et sépulcre des rois, cité lumineuse
des fils du Soleil, était pour les pieux
sujets de la race hystaspide, ce que Jérusalem
était pour les Hébreux, et ce que dans la suite la
Mecque fut pour les musulmans. Mais rien de
tout cela n’existait encore avec cette prédominance
de formes à la naissance de cette religion :
Hérodote même, qui se tait complétement sur
Zoroastre, et dont le silence a été allégué fort mal
à propos, il nous semble, comme une preuve de
l’antériorité du prophète sur le monarque, dit
formellement que les Perses, adorateurs des éléments
et des astres, ne leur élevaient ni temples,
ni autels, ni simulacres. Cette simplicité excessive
doit-clle être considérée comme état primitif
d’une religion qui dans la suite se surchargea de
cérémonies dramatiques et (l’ornements empruntés
aux arts ? ou bien n’est-elle que la simplification
d’un culte originairement plus compliqué
et plus riche ? Cette dernière supposition ne peut
soutenir l’examen. En effet, sans nods demander
lequel est le plus conforme à la nature et à la
marche ordinaire de l’esprit humain d’aller du
simple au composé ou du composé au simple,
qui ne voit que, puisque longtemps après Darius
la Perse et même l’Asie Mineure étaient remplies
d’Atechgàhs, où se rassemblaient les disciples de
Zoroastre, la complication des rites suivit la simplicité ?
Comment d’ailleurs, si cette extrême épuration
du culte avait eu lieu après la mission de
Zoroastre, et la promulgation du Zend-Avesta,
qui en est si éloignée ; comment, disons-nous,
Hérodote aurait-il nié l’existence des temples, des
autels en Perse ? Ces temples, ces autels sans
doute auraient été vides ou consacrés à d’autres
usages que ceux de la religion ; mais ils auraient
été debout, et lors même que quelques-uns
eussent été détruits, comment l’historien n’au-
rait-il pas fait mention et de leur ruine et de la
révolution à laquelle leur destruction se rattachait ?
De même, si Zoroastre, si ce philosophe
illustre dans tout l’Orient avait vécu ongtemps
avant lui, comment son nom aurait-il été omis
dans ce recueil si exact des traditions alors en
vogue dans l’orient ? Tout s’explique si l’on fait
de Zoroastre un contemporain d’Hérodote. En
effet, autant, grâce à l’imprimerie, à la célérité
des communications et à la diffusion des
connaissances, il est facile aujourd’hui de connaître
parfaitement les événements contemporains,
autant alors l’absence de toutes ces circonstances
rendait en quelque sorte insaisissable
la connaissance de ces événements, à moins qu’ils
ne fussent de nature à froisser, à servir de grandes
masses. Or, la réformation de Zoroastre ne semble
presque avoir été d’abord qu’une affaire de cour,
qu’un essai tenté dans une province lointaine ; et
c’est à la longue qu’on voit les doctrines et le
code du réformateur gagner du terrain et arriver
au rang de culte dominant et de religion de l’empire.
Peut-être même cette révolution commencée
sous Darius ne se consomma-t-elle que sous
Xercès ou sous Artaxerce. Mais l’on ne peut douter
qu’à cette étpoque Zoroastre ne fût mort.
Anquetil, qui,’après l’assertion formelle du
petit Ravaet, folio 63, lui donne soixante-dix-sept
ans de vie, le fait naître l’an 589 avant.l.-C.,
et mourir en 512. Peut-être vaudrait-il mieux
avancer cette époque d’environ vingt-cinq années,
et par conséquent distribuer ses principaux événements
sur l’espace compris entre 564 et 487.
Par là du moins on verrait plus longtemps ensemble
Darius et Zoroastre. On expliquerait aussi
avec plus de facilité les voyages du philosophe
à Babylone et ses conférences avec Pythagore,
voyages et conférences qui durent avoir lieu avant
l’époque de sa prétendue mission et ses excursions
dans l’lran. Tous les historiens s’accordent
à faire voyager Pythagore en Orient vers le temps
de Cambyse, qui, selon quelques-uns, l’aurait
fait prisonnier en Égypte. Zoroastre était alors
âgé d’environ trente-six ans ; ce qui ne choque
nullement les traditions orientales, qui le font
arriver à la cour de Darius âgé de quarante ans
(dans notre système il en aurait eu quarante deux),
et ce qui cadre parfaitement avec l’idée
que l’on doit se faire de cette absence de dix ans,
de cette vie solitaire sur les montagnes, et de
cette retraite dans une grotte que tout annonce
avoir été un laboratoire astronomique. On n’objectera
pas sans doute que, dans cette hypothèse,
Zoroastre se trouverait avoir cinq ans de moins
que Pythagore, né, selon Dodwell (De eme Pythagore),
l’an 569 avantl.-C. Pythagore venait conférer
avec les sages de la Chaldée, plutôt que se
faire leur disciple, et qu’est-ce d’ailleurs que
cette différence d’âge ? Ces points principaux une
fois admis, quel sera le résumé le plus probable
de la vie de Zoroastre ? Le voici : né dans l’Ader-