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d’une haute dévotion, et que par conséquent il
était le père du roi alors régnant. De cette manière,
il devient inutile d’examiner qui fut ce
Lohrasp, de se demander s’il faut y voir Hystaspe
lui-même, élevé par son fils au gouvernement
de la Bactriane, ou Cambyse ou Cyrus, que
la plupart cependant s’accordent à reconnaître
dans Ke-Khosrcu. Il est à propos maintenant de
répondre à quelques questions relatives soit au
rôle religieux et politique, soit à la moralité de
Zoroastre. Touchons d’abord le premier point :
Zoroastre fut-il un imposteur ? fut-il, comme
l’insinue ou le lui reproche hautement Anquetil,
cupide, violent, persécuteur ? Relativement à
l’accusation d’imposture, on a allégué contre
notre philosophe sa retraite dans une grotte, ses
prétendues conférences avec Ormuzd, ses espèces
de miracles ou opérations magiques, enfin ses
prophéties. Il est facile de répondre à la première
de ces objections : la grotte qui sert d’asile
au futur législateur n’a point seulement pour
destination de le soustraire aux regards pendant
dix ans, afin de faire croire au vulgaire qu’il a
passé ce temps en conférences avec Drmuzd ;
cette grotte est un laboratoire de chimie. un
observatoire astronomique, un cabinet d’études :
c’est la qu’il écrit la loi divine ; c’est de là qu’il contemple
les astres ; c’est la qu’il prépare es compositions
chimiques qui doivint le préserver du
eu et le faire paraître invulnéra e aux yeux
même des sages ses antagonistes. Porphyre, qui
le décrit d’après Eusèbe (ds Amro Nympluu-um),
le présente comme plein de représentations symbo
iques des éléments et distribué par zones qui
imitent les zones terrestres. Les monuments égyptiens
abondent en efïlgies de ce genre, et l’on
peut y comparer l’antre des Brahmanes, où l’on
allait adorer les images des dieux. Ajoutons à
cela que cette grotte, emblème du monde, ou
grotte cosmique, se rapportait particulièrement
aux mystères de Mithra, comme nous le prouverons
ci-dessous, et l’on conviendra dès lors qu’un
sage, qu’un philosophe put fort bien s’ensevelir
dans la retraite sans songer à se faire passer pour
un dieu. Mais telle a toujours été la manie de
ceux qui prétendent assigner des causes aux démarches
des grands hommes : Empédocle, usant
descendre dans le cratère de l’Etna, est un insensé
qui veut faire croire au monde qu’il a été enlevé
au ciel ; Zoroastre allant étudier dans la solitude
n’agit que pour abuser par le même mensonge
ses crédules compatriotes ! Répudiant cette vaine
supposition, voyons s’il en sera de même des
autres faits allégués. Oui, certes, Zoroastre publia
qu’il avait conversé avec Ormuzd ; oui, certes,
il s’annonça comme apte à faire des miracles, et
il en fit aux yeux de toute la cour. Mais souvenons-nous
que ces miracles, dont la science formait
alors la magie, hom longtemps auguste et
vénéré chez les Orientaux, n’étaient que des faits
naturels alors inconnus du vulgaire, et produits
par des opérations soigneusement cachées à l’œll
des profanes, c’est-à-dire des ignorants. Memes
réflexions sur ce que l’on nommait prophéties,
divination, etc. Originairement ce n’étaient que
les prédictions des phénomènes astronomiques,
quelquefois les prévisions d’une intelligence plus
habile que la foule a juger les effets et les causes,
à percer le dédale du cœur humain, il saisir les
mystères et les mouvements de la politique. Dans
la suite les astronomes, ridiculement entétés des
chimères de l’astrologie, y firent aussi entrer
cette science illusoire. Manquèrent-ils de bonne
foi ? Non, et quoiqu’ils n’eussent point de conversation
réelle avec les dieux ou des génies supérieurs,
ils purent croire que, grâce à ces connaissances
sublimes, ils entraient en commerce
réglé avec les intelligences d’un monde meilleur,
et que chaque trait qu’ils ajoutaient à la somme
de leurs notions était une révélation intérieure
de la divinité. De là a dire et à proclamer comme
réalité ce qui primitivement n’est qu’une abstraction,
une audacieuse figure de rhétorique ou
une équivoque, il n’y a qu’un pas, et cette imposture
était au plus un charlatanisme nécessaire
aux yeux des hommes qui voulaient discipliner
des masses aveugles et grossières, sur lesquelles
ils croyaient ne pouvoir obtenir de l’ascendant
que par l’erreur. Qui oserait dire qu’aujourd’hui
même ces idées sur la manière d’endoctriner et
de régir les peuples sont complétement détruites ?
et quelle force durent-elles avoir il y a plus de
deux mille ansl Aussi voyons-nous partout les
idées de civilisation et de société s’établir de par
une révélation et à l’aide de faits qualifiés de
miracles. Il n’est point jusqu’à Pythagore qui,
en instituant son école de mathématiciens, n’insulte
au bon sens en racontant ses métamorphoses,
en montrant sa cuisse d’or, en rappelant
ses conversations avec Apollon. Ne balançons
donc pas a mettre Zoroastre au nombre des imposteurs
qui ont annoncé des mensonges à la face des peuples ; mais ajoutons, pour lui rendre
justice, qu’il ne consentit à l’imposture que parce
qu’il la croyait indispensable pour conduire la
foule dans les voies d’une religion élevée et d’une
morale pure. Tel est en effet le mérite du Zend-Avesta,
et quoi qu’en disent quelques écrivains,
nous ne voyons pas que sa conduite ait démenti
ses préceptes. Rien ne prouve que, passionné
d’abord pour un système religieux des plus nobles,
il soit ensuite devenu courtisau et persécuteur.
Rien ne prouve non plus qu’en se rendant à
Balkh. il ait obéi à des espérances sordides et
suivi les conseils de l’avarice. Sans doute la Bactriane
faisait, des une époque très-reculée, le
commerce de l’or que l’on retirait des montagnes
voisines ; mais en même temps la Bactriane était
depuis longtemps civilisée, et c’est là que les
mages faisaient alors leur résidence principale.
C’est donc là que Zoroastre devait se rendre de
préférence. Reste à apprécier maintenant et la