caractère et le rôle de cet homme célèbre dans
le drame dont il est le principal acteur. Nous
avons avancé que ce rôle se borna in celui de réformateur.
En effet, bien antérieurement à Zoroastre,
il existait dans l’lran un culte analogue et
presque identique. Ce culte même n’est pas le premier
qui se montre dans l’ordre chrono ogique et
il est précédé d’une autre religion simple, vague,
et dont il est presque impossible de saisir la forme.
On sait que, selon les mahométans et les par ses
modernes, l’ancienne monarchie perse fut successivement
régie par trois grandes dynasties, avant lesquelles auraient existé, s’il faut s’en
rapporter a l’autorité, au moins douteuse, du
Dabistan (Calcutta, 1809) et du Desatir (Bombay,
1830, avec trad. persane et angl.), les Mahabadiens,
dits aussi Yezdaniens, Sipassiens, Sassanicns,
Fersendadjis. Des quatre dynasties que
nous fournirait ce calcul, la quatrième seule est
postérieure in Zoroastre. Faisons abstraction de
celle-ci. Aux trois qui nous restent correspondent
trois âges religieux différents. Ala tête du second
et sous le célèbre Dchemchid (selon les uns, Sem,
suivant les autres. l’Achaamenes des Grecs), se
fait voir Héomo, Hom, Oum ou Omomi. À la
tète du troisième et sous Gustasp, se présente
Zoroastre. Le premier ne semble être sous l’influence
d’aucun prédicateur de révélations : la
loi de cette première époque est la loi naturelle.
Celle de Dchemchid et de Hom est la loi
parlée ou révélée. Celle de Zoroastre et de Gustasp
est la loi écrite. Mais quels rapports y a-t-il
entre ces trois ensembles religieux ? Ne diffèrent-ils
entre eux que par l’ancienneté et l’avantage
d’avoir été : le second révélé, le troisième
fixé par l’écriture ? Ou bien faut-il, avec Zoëga,
faire passer successivement les peuples de l’lran
ar toutes les phases des aberrations religieuses,
les conduire de famulétisme ou fétichisme. qualifié
adiacritolàtrie, et se compliq uant, d’une part,
avec la nécrodulie (culte des morts), de l’autre,
avec l’hestiolàtrie (adoration du foyer), au culte
du feu, des éléments et des astres ; épuiser ensuite
ce sidérasse qui prend la création pour le créateur
et l’être inorganique et brut pour le moteur intelligent ?
Ces conceptions, froidement analytiques
et certes peu en harmonie avec la tendance et la
marche naturelles de l’esprit humain, n’ont en
leur faveur aucune probabilité historique. Le
Desatir lui-même ne dlonne que peu de renseignements
sur ce culte primitif. Cependant, comme
on sait que la religion prêchée sous Dchemchid
anathématisait le culte des devs, il faut admettre
que le vulgaire du moins ou que quelques sectaires
rendaient hommage ù ces intelligences
malfaisantes. Cet hommage était-il combiné avec
le culte des bons génies, ou ne s’adressait-il
qu’aux principes du mal, sans qu’on imaginåt
qu’il dût y avoir dans le ciel un contre-poids ?
C’est ce qu’il nous est impossible de décider, à
moins que l’on ne trouve quelque documênt ulté-
rieur. La première supposition semble pourtant
de beaucoup la plus plausible. Quoi qu’il en soit,
il est certain que, sous les princes pichdadiens,
on reconnut l’existence et même la prééminence
du bon principe, ainsi que celle de ses génies
secondaires, sur Ahriman et ses créatures. Malgré
cela, il paraît que, soit par suite de la terreur
qui semble avoir été pour beaucoup dans les
formes et les rites des religions anciennes, soit
afin d’avoir des auxiliaires pour commettre le
mal, beaucoup de mages s’attachèrent au culte
des mauvais génies. Selon Zoëga, toujours aussi
tyrannique, aussi inflexible dans ses analyses, les
peuples, à cette époque, auraient admis le
dua isme, mais en attribuant la même puissance
aux deux principes ; et ce serait plus tard, à
l’apparition de Zoroastre, par exemple, que l’on
aurait considéré Ahriman comme inférieur à son
rival en pouvoir, ainsi qu’en durée, et plus tard
encore, que, par une épuration transcendantale,
on aurait élevé au-dessus et d’ormuzd et d’Ahriman
un principe suprême, unique, vraiment
absolu et tout›puissant. Creuzer repousse formellement
cette gradation, comme peu conforme
au génie de l’Orient (il eût pu dire de toute
l’humanité), et développe l’opinion que nous
avons exposée la première. Au reste, il avoue,
avec Herder, que tout ce qu’on peut avancer sur
ce point se réduitàdes conjectures plus ou moins
ingénieuses, tirées des localités, des accidents
extérieurs, et peut-être des relations de peuple
à peuple, toutes causes occasionnelles de dogmes
que l’on a regardés comme primordiaux et fon «
dament aux. Ainsi la vue d’un sol imprégné do
naphtc et brillant d’illuminations spontanées les
conduisit au culte du feu. L’habitude de demeurer
sur des cimes élevées les familiarisa de
bonne heure avec la connaissance de quelques
faits astronomiques. De là bientôt l’astrologie et
le sabéisme. Or, ces deux faits, avec la pyrodulie
ou la pyrométrie, sont justement ce que toute
l’antiquité attribue aux mages. Il ne reste plus
qu’à assigner l’origine de l’idée de dualité ou de
lutte. Mais on sent comment elle naquit chez des
peuples belliqueux et sans cesse en guerre entre
eux ou avec les nations voisines. Il suffisait d’ailleurs
de voir le soleil s’abaisser derrière les
monts qui les séparaient du pays ennemi pour
identifier sur-le-champ les idées de ténèbres et
de mal, les idées de lumière et de bien ; et dès
lors il était naturel, lorsqu’on avait personnifié
chacun des principes, de concevoir entre eux un
combat perpétuel, une opposition de tous les
lieux et de tous les moments. Peut-être, ajoute
Creuzer, les mystères, les symboles et les cérémonies
de llithras dateraient-ils de cette époque.
Quant à Zoroastre, si l’on ignore ce qu’il abolit,
ce qu’il conserve. ce qu’il modifia, au moins
sait-on i peu près en quoi consiste son édifice
religieux. Un dieu, unique, immuable, suprême,
universel, espace, temps, vérité, sagesse et vie