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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 6.djvu/328

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cès ; la plus remarquable fut celle des deux personnages qui, dans leur jeunesse, avaient fourni à Marmontel le sujet du conte d’Annette et Lubin. Membre de la société de Bienfaisance judiciaire, le jeune avocat faisait des vers faciles, publiés dans les recueils du temps. Il fut un des fondateurs du lycée, institution longtemps célèbre, qui est connue aujourd’hui sous le nom d’athénée royal. Cadet de Gassicourt embrassa la cause de la révolution avec ardeur. Entré dans la garde nationale, il marcha avec son bataillon contre les brigands qui pillaient la maison de St-Lazare. Il adressa à l’assemblée constituante des Observations sur les peines infamantes (1789, in-8°) : ce fut son premier écrit politique. Après la suppression des parlements et de l’ancienne magistrature, il cessa de suivre le barreau. En 1792, la veille même des massacres de septembre, il est la bonheur d’arracher des prisons son oncle Cadet de Chambine. En 1793, appelé comme témoin devant le tribunal révolutionnaire, il donna un exemple de courage alors fort rare, en osant déposer en faveur de l’accuse Poujaud de Monjourdain. Ami de la liberté qu’il voyait compromise par les fureurs révolutionnaires, il balança pendant quelque temps dans sa section du Mont-Blanc la désastreuse influence du terrorisme. Président de cette section lors de la fameuse journée du 13 vendémiaire (5 octobre 1798), il se prononça contre la convention. Le 17 du même mois, il fut jugé par le conseil militaire (établi au Palais-Royal, dit alors Palais Égalité), déclare convaincu d’avoir été un des principaux auteurs et instigateurs de la révolte qui avait éclate les 12, 13 et 14 vendémiaire, et condamné par contumace à la peine de mort. La justice de ce temps-là était expéditive. Cadet de Gassicourt se réfugia dans une usine du Berri, où il s’appliqua, en perfectionnant quelques procédés de l’industrie, à diminuer la fatigue des ouvriers. Quelques mois après sa condamnation, il revint à Paris, demanda des juges, et fut absous par un jury. Des lors, mêlant à la politique la littérature, il publia divers écrits sous le voile de l’anonyme, et il osa ajouter quelquefois, comme titre d’honneur, aux initiales de son nom ces lettres G. D. V. (condamné de vendémiaire). Il venait de publier un Voyage en Normandie, lorsqu’il perdit son père, le 17 octobre 1799. Cadet de Gassicourt avait alors trente ans. L’année même de sa naissance, son père s’était associé à Derosne. Les produits de sa pharmacie n’étaient alors que de 6 a 7 000 francs. Ils s’accrurent rapidement avec la célébrité de l’officine, et, en 1783, ils s’élevèrent à 55 000 francs. Cadet, voyant son fils unique se destiner au barreau, et préférer la culture des lettres aux manipulations du laboratoire, vendit, le 25 avril 1786, à son associe sa part et ses droits moyennant la somme de 83 000 francs, que ce dernier s’obligea de payer à Charles-Louis à l’époque de sa majorité, avec cette clause que, si Charles-Louis venait à décéder pendant la vie de son père, il était fait donation à Derosne de ladite somme de 83 000 francs. D’un autre côté, Cadet père s’engageait à n’élever aucun nouveau fonds de pharmacie, et en cas de contravention il devait payer à Derosne 40 000 francs d titre d’indemnité. Enfin Derosne s’obligeait de payer la même somme d Cadet, s’il renonçait a exploiter l’officine qui devait conserver la raison de Cadet et Derosne. Cadet de Gassicourt, a qui son père avait assigne 8 000 francs de rente lors de son mariage, et qui avait il recevoir 85 000 francs de la maison de Derosne, changeant tout à coup de vocation, et descendant du Parnasse à l’officine, élève une boutique de pharmacie dans la même rue et presque en face de la veuve Derosne. Il publia d’abord des circulaires à profusion, puis des mémoires où il demandait d’un ton peu anodin que le nom de Cadet fût supprimé sur l’écriteau, les étiquettes et les factures de la veuve Derosne. La veuve céda ; mais elle voulut ajouter à la raison Veuve Derosne et fils ces mots : successeurs de Cadet et Derosne. C’était un fait ; cependant Cadet de Gassicourt forma opposition, et gagna son procès en première instance le 18 mai 1801 ; mais il le perdit en appel le 17 août suivant. Des lors le littérateur et l’homme politique partirent se transformer ou plutôt faire mixtion avec le pharmacien et le chimiste. Obligê de se soumettre aux examens du collège de pharmacie, il mit son orgueil à soutenir et à ne pas laisser déchoir la réputation de son père. Il s’était montré partisan de la révolution de brumaire, mais sans prévoir et sans vouloir ses conséquences, comme on le remarque dans le Cahier de réforme qu’il fit imprimer avant la publication de la constitution de l’an 8 (décembre 1799). On serait étonne de voir le publiciste et le pharmacien s’occuper de calembours et de vaudevilles, si Cadet de Gassicourt avait négligé de joindre a ses travaux littéraires des études sérieuses ; mais il publia des livres utiles et encore estimés. En 1800, Cadet de Gassicourt avait appelé l’attention du gouvernement sur la nécessité d’une nouvelle organisation du conseil de salubrité ; le plan qu’il traça fut adopté par le préfet de police (Dubois). Nommé secrétaire général du nouveau conseil, il rendit, pendant quinze années, avec un zèle infatigable et intelligent, les services les plus utiles à la santé publique. Il poursuivit avec courage les empiriques ; mais si dans cette classe trop nombreuse il se fit beaucoup d’ennemis, l’estime générale le dédommagea de la haine des charlatans. Napoléon, qui l’avait nommé son premier pharmacien, l’appela auprès de sa personne pendant la campagne de 1809. Tandis que Gassicourt recueillait les observations qu’il publia depuis sous le titre de Voyage en Autriche, etc., il aidait lui-même à panser les blessés sur le champ de bataille, et il inventait des baguettes pour remplacer les lances à feu de l’artillerie. En 1812, âgé de quarante-trois ans, il alla s’asseoir sur les bancs de l’université pour prendre le grade de docteur es sciences. il soutint, à cette occasion, avec un succès remarqué, deux thèses, l’une sur l’Etude simultanée des sciences, l’autre sur l’Extinction de la chaux. Il établit dans la première que l’on ne possède pas vraiment une science et qu’il devient impossible de travailler utilement à la perfectionner, si l’on ne peut rapprocher de ses