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que érudition y est entassée sans ordre, et que la marche en est obscure ; mais, en le lisant avec attention, on est frappé de l’étendue des recherches qu’il a demandées. On y remarque, comme dans tous les écrits du même auteur, une grande prédilection pour le gouvernement féodal, et il est aisé d’en démêler la cause. Il avait envisagé les maux sans nombre qui accablèrent la société lorsque l’empire romain, croulant de toutes parts, couvrit l’Europe de ses ruines ; la suite de ses travaux lui montra un ordre nouveau sortant de ce chaos, et les barbares qui avaient mis un terme à de si longues calamités devinrent l’objet de son admiration. 3° Histoire ancienne des peuples de l’Europe, Paris, 1772, 12 vol. in-12. Cet ouvrage, le plus considérable de ceux du comte du Buat, lui assure une place distinguée parmi les historiens. C’était un sujet qui n’avait été traité en aucune langue ; il n’y avait que des recherches pénibles et une patience à toute épreuve qui pussent mettre un écrivain en état de donner quelque ordre et quelque liaison à l’histoire confuse de tant de peuples barbares, qui n’ont laissé de leur passage sur la terre que des monuments peu nombreux et des traditions obscures et très-incomplètes. Malgré l’aridité de la matière, du Buat a su porter la lumière dans ce chaos, et répandre même de l'intérêt sur les parties qui en étaient susceptibles, telles que les expéditions d’Attila et de Théodoric ; mais on y désirerait un plan mieux conçu et un style plus soigné. Du Buat était en Allemagne lorsqu’il publia cet ouvrage. Le rédacteur de cet article se chargea d’en diriger l’édition, et y ajouta une préface. 4° Les Éléments de la politique, on Recherches sur les vrais principes de l’économie sociale, sous la rubrique de Londres, 1775, 6 vol. in-8°. Ce livre fut composé à Ratisbonne vers 1765 ou 1766. La lecture en est fatigante, parce qu’on n’y trouve ni plan ni méthode ; cependant ou y admire l’érudition de l’auteur et ses profondes connaissances. On trouve dans le 4e volume des dialogues très piquants, dans lesquels, en faisant le tableau d’Athènes, l’auteur a voulu prédire la destinée de l’Angleterre ; dans un autre endroit, il fait pressentir notre révolution d’une manière très-remarquable. Nous n’avons que 10 livres de cet ouvrage ; et les sommaires des 11° et 12° font connaître qu’ils n’auraient pas été les moins importants, si des raisons qu’on peut imaginer ne l’avaient empêché de les écrire ou détourné de les rendre publics : ils contiennent une indication hardie des devoirs du monarque. 5° Les Maximes du gouvernement monarchique, pour servir de suite aux Éléments de la politique, Londres, 1778, 4 vol. in-8°. Parmi beaucoup de choses remarquables, on est frappé d’un portrait aussi hardi qu’ingénieux de Frédéric li, roi de Prusse, et d’un parallèle de ce monarque avec Louis XV. Ce livre détacha du comte du Buat la plupart de ses amis ; il y rapporte sans déguisement ses entretiens avec des hommes connus par des ouvrages utiles ; il les fait parler, et il réfute à son anse des opinions peut-être erronées, mais qu’il a exposées à sa manière. S’il évite de nommer les personnes, il les désigne cependant de sorte qu’on ne peut les méconnaître : c'est ainsi qu’il met en scène le comte de Maurepas, qu’il appelle Malcen (mala cena). Les Maximes du gouvernement sont aussi inégalement écrites que les Éléments ; on y remarque les mêmes beautés et les mêmes défauts. Ou a encore attribué au comte du Buat : Remarques d’un Français, on Examen impartial du livre de M. Necker sur les finances, Genève, 1785, in-8°. Il avait composé dans sa jeunesse une tragédie en 5 actes intitulée Charlemagne, ou le Triomphe des lois, Vienne, 1764, in-8°. Du Buat connaissait à fond les poètes hébreux, grecs et latins ; mais il les avait étudiés moins pour le plaisir que causent les beautés dont ils brillent, que pour y trouver quelques lignes dont l’histoire put faire son profit. Les journaux étrangers et nationaux, ; surtout le Journal encyclopédique et la Gazette littéraire de l’Europe. contiennent plusieurs articles de ce savant sur divers points d’histoire, de littérature ou d’économie politique. D'excellentes Observations sur le caractère de Xénophon, etc., recueillies dans les Variétés littéraires (t. 4, soit de l’édition in-12, soit de l’édition in-8°), méritent surtout l’attention des bons esprits. S-D.
BUBENBEBG (Adrien de), d’une famille
noble de la ville de Berne, à la fondation de laquelle
avait présidé son aïeul Conrad. Après avoir passé
sa jeunesse a la guerre, il occupa successivement
différents emplois dans le gouvernement ; mais des
divisions entre les premières familles de Berne portèrent
atteinte à son crédit, et Nicolas de Diesbach,
homme riche et populaire, dévoué aux intérêts de
la cour de France, réussit à l’écarter des conseils.
Adrien de Bubenberg se trouva attaché au parti
de Bourgogne, ayant été député, en 1470, au duc
Charles, dont il avait reçu des témoignages d’estime,
et avec lequel il désirait conserver la paix.
Son éloignement s’étant opposé à l’accomplissement
de ses vœux, et Charles ayant résolu d’ouvrir la
campagne par la conquête de Morat (en 1476), il
s’agissait de défendre cette ville contre 60,000 Bourguignons.
Les regards des Bernois s’arrêtèrent sur
leur avoyer exilé, qu’ils envoyèrent chercher pour
le prier de venir prendre le commandement. Bubenberg,
oubliant l’injustice qu’il avait essuyée, se
chargea du pénible devoir qu’on exigeait de lui, a
condition que les bourgeois et la garnison lui promettraient
une entière obéissance, qu’on lui donnerait
les secours nécessaires, et qu’on ne négligerait
aucun effort pour obtenir la levée du siège. On
composa la garnison avec cette attention, dont on
avait déjà éprouvé plus d’une fois les heureux effets :
on sépara les parents et les amis, en plaçant les uns
dans la ville, les autres dans le corps d’armée destiné
à déloger les assiégeants, afin que l’amour de la
patrie fût encore animé par tout l’intérêt de l’amitié
et de la piété fraternelle. Tous les historiens s’accordent
à célébrer la sagesse. toujours calme au
milieu du danger, ainsi que la valeur et l’activité
que Bubenberg déploya dans cette occasion, et qui
sauvèrent Morat, au sort duquel celui de la Suisse